Seine-Saint-Denis : quel bilan pour l’encadrement des loyers ?
De nombreuses communes du département de Seine-Saint-Denis (93) sont soumises au dispositif d’encadrement des loyers. Ce dispositif qui permet de lutter contre la progression des prix est très inégalement respecté.
Le dispositif de l’encadrement des loyers dans les zones tendues, introduit par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite Elan, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, a pour objectif d’agir sur les loyers excessifs et de contenir les hausses de loyers abusives constatées dans les territoires les plus tendus, pour ainsi préserver le pouvoir d’achat des Français et faciliter l’accès au logement. Dans les zones concernées par l’encadrement des loyers, les montants des loyers ne peuvent excéder les loyers de référence fixés chaque année par arrêté préfectoral. Cette réglementation s’articule avec le décret annuel de limitation de la hausse des loyers à l’indice de référence des loyers (IRL) appliqué depuis 2012 dans les 28 zones tendues dont l’agglomération parisienne.
Le dispositif d’encadrement des loyers applicables dans le département de Seine-Saint-Denis depuis 2021
Situé en zone tendue, le département de Seine-Saint-Denis (93), concentre des difficultés importantes en matière de logement. Depuis le 1er juin 2021, l’encadrement des loyers est entré en vigueur dans les neuf communes composant l’établissement public territorial (EPT) de Plaine Commune : Aubervilliers, Épinay-sur-Seine, L’Île-Saint-Denis, La Courneuve, Pierrefitte, Saint-Denis, Saint-Ouen, Stains et Villetaneuse. Au 1er décembre 2021, ce dispositif est entré en vigueur dans les neuf communes composant l’EPT d’Est Ensemble : Bagnolet, Bobigny, Bondy, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Pantin, Le Pré-Saint-Gervais, Romainville.
De nouveaux loyers de référence
Chaque année, le préfet fixe par arrêté le loyer de référence, le loyer de référence majoré et le loyer de référence minoré, exprimés par un prix au m² de surface habitable. Ces loyers de référence sont déterminés en fonction du marché locatif observé par l’OLAP et déclinés par secteurs géographiques (regroupant un ou plusieurs communes ou quartiers) et par catégories de logement (appartement/maison, nombre de pièces, nu/meublé et époque de construction du bâtiment). Au 1er juin 2024 ces loyers ont été revalorisés. Ainsi, le loyer de référence à Aubervilliers, augmente légèrement passant de 16,3 €/ m² à 16,5 €/ m² pour un deux-pièces non meublé construit après 1990. À Montreuil, en revanche, pour cette même catégorie de bien, le loyer de référence baisse légèrement , passant de 19,5 €/m² à 19,4 €/m².
Les enjeux en Seine-Saint-Denis
Situé en zone tendue, le département de Seine-Saint-Denis (93), concentre des difficultés importantes en matière de logement. Les loyers y progressent très rapidement. D’après les chiffres de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP), entre 2009 et 2019, les loyers y ont augmenté de 21,6 %. L’écart entre le niveau de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social y est élevé ; le taux de logements en production par rapport aux logements existants sur les cinq dernières années apparaît faible et les perspectives de production pluriannuelle de logements limitées en matière d’évolution. L’application du dispositif y est donc lourde d’enjeux. L’application de l’encadrement des loyers est d’autant plus stratégique qu’à Paris, une récente étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR) a conclu à son efficacité. Elle a notamment déterminé que la mise en place de l’encadrement des loyers, avait permis une économie de 64 € par mois au bénéfice des locataires, soit 768 € sur une année.
De nombreuses annonces ne respectent pas les loyers de référence
Cependant, si à Paris, on dénombre environ 29 % d’annonces non-conformes à cette réglementation, la situation s’avère singulièrement dégradée en Seine-Saint-Denis. Le département affiche en effet un taux de non-conformité de 47 %, d’après la récente enquête de l’association Consommation Logement Cadre de Vie (CLCV). La situation s’est dégradée en un an puisqu’en 2023, le CLCV ne recensait que 40 % d’annonces non conformes en Seine-Saint-Denis, soit une progression de 7 points. On constate un meilleur respect de l’encadrement des loyers pour les logements loués nus dont le taux de non-conformité est de 35 % alors qu’il est de 61 % pour les locations meublées. De même, les professionnels respectent davantage ce dispositif par rapport aux particuliers puisqu’ils sont alternativement 29 % et 57 % à proposer des loyers excédant le maximum autorisé. En la matière la Seine-Saint-Denis affiche sa singularité : ainsi 36 % des bailleurs parisiens ne respectent pas l’encadrement des loyers, soit une différence de 21 points par rapport à la situation des propriétaires de Seine-Saint-Denis. Ces exigences entraînent pour les locataires un surcoût mensuel de près de 150 €, soit 1 800 € par an.
Des compléments de loyers trop nombreux
En principe, le loyer hors charges d’un logement mis en location ne peut dépasser le loyer de référence majoré. Par exception, si la qualité du bien le justifie, l’investisseur-bailleur peut opter pour un complément de loyer, pour un bien présentant des caractéristiques de localisation ou de confort déterminantes, par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique. Ce complément de loyer doit être expressément mentionné, chiffré et justifié dans le bail. Le législateur n’a pas défini les caractéristiques de confort ou de localisation propre à mettre en place un complément de loyer, pas plus qu’il n’en a précisé les éléments de valorisation, ce qui pose en pratique des difficultés d’interprétation, même si la jurisprudence commence à proposer des lignes directrices en la matière. La loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a cependant listé une série de défauts rédhibitoires en présence desquels aucun complément de loyer ne peut être prévu pour les baux signés depuis le 18 août 2022. Il s’agit notamment des biens disposant de sanitaires sur le palier, présentant des signes d’humidité sur certains murs, classés F ou G en termes de performance énergétique, etc. En réalité, souligne le CLVC, le complément de loyer, qui devait initialement ne concerner que quelques logements présentant des caractéristiques exceptionnelles, est utilisé par de plus en plus de bailleurs afin de contourner l’encadrement des loyers.
Référence : AJU015u5