Superdéficit foncier : comment s’en servir ?
Le législateur a instauré une incitation fiscale à destination des propriétaires bailleurs qui souhaitent rénover les passoires thermiques. Cette carotte fiscale ne s’avère pourtant pas toujours avantageuse.
Le décret du 21 avril 2023 de la Première ministre et du ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, (D. n° 2023-297, 21 avr. 2023 relatif aux dépenses de travaux de rénovation énergétique ouvrant droit au bénéfice du rehaussement temporaire du montant du déficit foncier imputable sur le revenu global) est désormais publié. L’occasion de faire le point sur la nouvelle incitation fiscale adoptée par le législateur.
Comment la performance énergétique impacte la location ?
La performance énergétique est au cœur des questions de locations de logements, responsables de 25 % des émissions de gaz à effet de serre en cause dans le changement climatique. Les pouvoirs publics ont donc identifié les logements comme l’un des leviers de la transition énergétique. Pour les propriétaires, elle est devenue plus qu’une préoccupation, une véritable contrainte. En effet, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 (Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021) a programmé une interdiction progressive de louer les logements nus aux mauvaises performances énergétiques :
– depuis le 1er janvier 2023, les propriétaires ne peuvent plus mettre en location les logements dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) est classé G+ ;
– à partir du 1er janvier 2025, les propriétaires ne pourront plus mettre en location les logements au DPE F et G ;
– à partir du 1er janvier 2028, l’interdiction de mise en location s’appliquera aux logements classés F ;
– à partir du 1er janvier 2034, l’interdiction portera sur les logements classés E.
Parallèlement à ces mesures contraignantes, le législateur a mis en place une carotte fiscale afin d’encourager les bailleurs à procéder aux travaux nécessaires car les tensions qui pèsent déjà sur le marché locatif pourraient s’accroître si les passoires thermiques ne sont pas rénovées.
Quelle est la teneur de l’incitation fiscale ?
La seconde loi de finances rectificative pour 2022 (Loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022) a adopté le doublement du plafond du déficit foncier imputable sur le revenu global, à raison des travaux de rénovation énergétique (article 156 du Code général des impôts – CGI). Le plafond passe donc de 10 700 euros à 21 400 euros pour les seules dépenses de rénovation énergétique acquittées entre 2023 et 2025.
Comment fonctionne le mécanisme du déficit foncier ?
Le mécanisme du déficit foncier concerne les propriétaires bailleurs de logements nus ou meublés et imposés au régime d’imposition au réel, de plein droit ou sur option. Pour mémoire, les propriétaires dont les revenus locatifs sont inférieurs à 15 000 euros par an sont soumis de plein droit au régime micro-foncier qui prévoit une imposition des revenus fonciers après un abattement forfaitaire de 30 % censé tenir compte de l’ensemble des charges. Ces propriétaires peuvent toutefois opter, pour trois ans, pour le régime réel d’imposition, qui prévoit la prise en compte des charges déductibles sur la base de leur montant réel. Ces charges s’imputent en premier lieu sur le montant des loyers. Si cette imputation dégage un positif, les revenus fonciers sont taxés à l’impôt sur le revenu au barème progressif, ainsi qu’aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. En revanche, si le solde est négatif (le montant des charges est supérieur aux revenus fonciers), le reliquat de ces charges peut être déduit sur le revenu global des bailleurs (salaire, revenu d’activité, pension de retraite, etc.). L’impôt sur le revenu au barème progressif des propriétaires s’en trouve donc directement diminué. Toutefois, ce déficit de droit commun ne peut pas être pris en compte au-delà de 10 700 euros. Au-delà, l’excédent de déficit foncier est reportable, c’est-à-dire que le propriétaire peut le déduire pendant 6 ans de l’ensemble de ses revenus globaux, puis pendant 10 ans sur ses seuls revenus fonciers. Pour les dépenses de rénovation énergétique, ce plafond est doublé à 21 400 euros sous certaines conditions.
Quelles sont les charges déductibles au déficit foncier de droit commun ?
Les charges qui peuvent constituer un déficit foncier comprennent :
– les dépenses de réparation et d’entretien (il peut s’agir de travaux occasionnés par la vétusté du logement ou destinés à faciliter sa location),
– les frais de gestion et d’administration du bien (rémunération d’un gardien, d’un syndic de copropriété),
– les impôts assis sur le logement et non récupérables auprès du locataire (taxe foncière),
– les provisions pour charge dans le cadre d’une copropriété, les charges locatives, non récupérées auprès du locataire au 31 décembre de l’année suivant son départ,
– l’indemnité d’éviction ou de relogement d’un locataire,
– les primes d’assurance,
– les frais d’emprunt, étant noté que les intérêts d’emprunt ne peuvent être déduits des seuls revenus fonciers et jamais du revenu global.
Ainsi, les travaux de construction, reconstruction ou d’agrandissement ne peuvent pas être déduits du revenu foncier.
Quelles sont les dépenses de travaux de rénovation éligibles au superdéficit foncier ?
Les dépenses de rénovation énergétique relèvent de la catégorie des dépenses de réparation et d’entretien : isolation, changement des menuiseries, des systèmes de chauffage, etc. Un décret du 21 avril 2023 (D. n° 2023-297, 21 avr. 2023 relatif aux dépenses de travaux de rénovation énergétique ouvrant droit au bénéfice du rehaussement temporaire du montant du déficit foncier imputable sur le revenu global prévu par le quatrième alinéa du 3° du I de l’article 156 du CGI, JORF n° 0095 du 22 avril 2023) dresse la liste des travaux éligibles au déficit foncier majoré, communément appelé superdéficit foncier.
Il s’agit des :
– travaux d’isolation thermique des toitures ;
– travaux d’isolation thermique des murs donnant sur l’extérieur ;
– travaux d’isolation thermique des parois vitrées et portes donnant sur l’extérieur ;
– travaux d’installation, de régulation ou de remplacement de systèmes de chauffage, le cas échéant associés à des systèmes de ventilation économiques et performants, ou de production d’eau chaude sanitaire ;
– travaux d’installation d’équipements de chauffage utilisant une source d’énergie renouvelable ;
– travaux d’installation d’équipements de production d’eau chaude sanitaire utilisant une source d’énergie renouvelable ;
– travaux d’isolation des planchers bas.
Les dépenses qui ont ouvert droit au crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) sont expressément exclues de cette mesure, de mêmes que les dépenses donnant lieu à la déduction d’un amortissement Périssol, Besson ou Robien.
Ces dépenses doivent avoir fait l’objet d’un devis accepté à compter du 5 novembre 2022 et doivent avoir été payées entre le 1er janvier 2023 et le 31 décembre 2025. Elles doivent permettre d’obtenir une meilleure classe énergétique du DPE : le logement doit passer d’une classe énergétique E, F ou G à une classe énergétique A, B, C ou D. Dans les immeubles collectifs (98 % du parc locatif), l’amélioration réclame une rénovation globale, du type, isolation de la toiture et des façades externes qui dépendent de la copropriété.
Un bénéfice à géométrie variable
Le nouveau dispositif augmente l’économie d’impôt sur le revenu qui résulte de l’imputation du déficit foncier sur le revenu global, puisqu’il réduit directement l’assiette imposable à l’impôt sur le revenu. En revanche, il diminue l’économie de prélèvements sociaux qui résulte de l’imputation du déficit foncier sur les revenus fonciers, qui réduit à la fois l’assiette imposable à l’impôt sur le revenu et celle des prélèvements sociaux. En privilégiant l’imputation sur le revenu global par le doublement du plafond à 21 400 euros, la loi réduit la possibilité d’imputer le déficit sur les revenus fonciers, et ce faisant, la possibilité de réduire conjointement l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux. En conséquence, l’économie offerte par le nouveau dispositif n’est pas toujours plus élevée que celle du dispositif du droit commun. En année N, le gain de trésorerie immédiat est plus élevé. Mais si le bailleur continue de percevoir des revenus fonciers, l’économie globale fiscale et sociale peut être moins avantageuse puisque le dispositif diminue l’opportunité de diminuer les revenus fonciers, imposables à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.
Peut-on choisir d’appliquer le nouveau dispositif ?
Dans ce contexte, l’économie d’impôt offerte par le nouveau dispositif n’étant pas toujours avantageuse, le propriétaire bailleur pourrait s’interroger sur la pertinence de l’utiliser. Or la loi n’a pas envisagé le dispositif comme une option. Il a donc vocation à s’appliquer de plein droit, même s’il s’avère désavantageux pour le contribuable.
En pratique, si le bailleur souhaite bénéficier du nouveau dispositif, il doit apporter la preuve que les travaux qu’il a effectués ont eu pour effet d’améliorer la performance énergétique du logement. Il justifie cette amélioration en fournissant un DPE établi avant les travaux et un autre établi après les travaux. Faute de ces documents, il n’entre pas dans le champ du superdéficit foncier.
Référence : AJU009g9