119e Congrès des notaires de France : place au logement

Publié le 23/06/2023
Immeuble, logement
Roman Babakin/AdobeStock

S’invitant dans les débats relatifs de la crise du logement, les notaires dévoilent en amont plusieurs des propositions qu’ils formuleront lors de leur 119e congrès qui aura lieu en septembre prochain.

Pour leur 119e congrès, les notaires de France se sont saisis du thème du logement, avec comme sous-titre : « le devoir de faire mieux, le droit pour faire autrement ». Il se déroulera à Deauville du 27 au 29 septembre prochain. Compte tenu de l’actualité brûlante de ce sujet résultant d’une aggravation brutale de la crise du logement, les notaires de France ont présenté en amont quelques-unes de leurs propositions de réforme législative.

Les motivations des notaires

En raison des aspects politiques, économiques, philosophiques et sociaux du sujet du logement, son droit revêt un caractère transversal : droit public (construction, urbanisme, aménagement du territoire, logement social) et droit privé (droit des biens, droit des personnes, droit des contrats, droit du financement, droit fiscal). Ses implications juridiques sont multiples, en témoignent les récentes normes écologiques visant à parvenir à une sobriété nouvelle (ZAN). Conseil des collectivités territoriales, des entreprises, des ménages ou des investisseurs, les notaires développent de nouveaux outils juridiques au fur et à mesure des besoins qui apparaissent, comme ils sont à l’origine de règles de la copropriété, de la volumétrie, des ventes en l’état futur d’achèvement (VEFA) et des ventes d’immeubles à rénover (VIR).

Quelles réponses apporter à la crise du logement ?

Aujourd’hui, face au cumul de crise de l’offre et de la demande, le Congrès des notaires de France est attentif au soutien conjoncturel. Il constate que la hausse des taux d’intérêt empêche de nombreux ménages d’acquérir, que l’inflation augmente les coûts de la construction et que les aides à la construction neuve (du type Pinel) diminuent. Pour autant, il formule de nouvelles propositions avant tout structurelles qui pourraient permettre de supprimer certains points de blocage identifiés afin de développer l’offre de logements en France, favoriser l’accès au logement, qu’il soit locatif ou en propriété et de pérenniser son logement.

Développer l’offre de logements

Pour développer l’offre de logements, les notaires préconisent tout d’abord de faciliter la délivrance des permis de construire par l’amélioration de la concertation locale. « Nous connaissons tous d’importantes opérations de construction de logements paralysées par d’interminables recours sur leur permis de construire, indiquent-ils. Il sera proposé, d’une part, d’organiser en amont une meilleure concertation avec les différentes administrations qui interviennent, mais aussi avec les habitants et les associations ; d’autre part, d’en tirer les conséquences en permettant aux maires de réduire les délais d’instruction, mais aussi en limitant les recours ».

En second lieu, ils proposent de permettre la réalisation de projets d’utilité publique en faveur du logement en faisant évoluer les cahiers des charges anciens devenus inadaptés. « Trop souvent les règles contenues dans un ancien cahier des charges de lotissement font obstacle à la réalisation de logements nouveaux en nombre suffisant, constatent les notaires. Ces dispositions relevant du droit privé sont perpétuelles même si leur anachronisme est évident, et les règles d’urbanisme locales sont impuissantes à les écarter, même en zone tendue ». Pour lever cet obstacle, ils proposent de permettre aux maires, à la demande d’un coloti, la mise en concordance obligatoire d’un ancien cahier des charges avec les règles locales d’urbanisme dans le cas de la réalisation d’une opération de logements présentant un caractère d’utilité publique.

Développer l’accession au logement

Pour développer l’accession au logement, le 119e Congrès des notaires formulera deux propositions. La première consiste à créer un statut du bailleur privé cohérent, attractif et solidaire pour une offre locative privée de qualité. La profession constate « que la taxation des revenus d’un logement loué, et l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) lorsqu’il est exigible, rendent l’investissement locatif souvent peu attractif dans le neuf comme dans l’ancien, ce qui détourne l’épargne des Français vers d’autres placements ».

De plus, les règles civiles et la fiscalité actuelles relatives à la location ont progressivement privilégié le logement meublé par rapport à la location nue, avec pour effet d’inciter les bailleurs à meubler, parfois artificiellement, les logements qu’ils mettent sur le marché. De nombreux logements ont de ce fait été exclus du marché de la résidence principale au profit d’une offre locative pour des séjours de courte durée, une situation source de difficultés dans de nombreux territoires, au détriment des habitants et employés. Les notaires plaident donc pour que soient repensés de manière globale et cohérente divers aspects fiscaux et civils de la location des logements, résidence principale, pour que cette dernière soit attractive et retrouve un niveau de rentabilité suffisant. « Ce principe doit être valable pour les logements meublés comme nus et le choix de l’investisseur pour meubler ne doit plus être guidé par des critères exclusivement fiscaux. Ce statut fiscal du bailleur privé devra permettre au bailleur d’un logement nu ou meublé qui le souhaite de bénéficier d’un statut « d’investisseur immobilier » traité comme un professionnel, au titre de la taxation des revenus et de la plus-value, une réflexion devant en outre être menée au titre de l’IFI pour que cet impôt ne remette pas en cause une rentabilité raisonnable du logement loué ». En outre, la profession souhaite que ce statut revête un aspect solidaire. « Il devra permettre à tout bailleur privé d’un logement constituant une résidence principale, nue ou meublée, de bénéficier d’une réduction d’impôt en cas de location sociale, intermédiaire ou d’intermédiation locative. C’est ce que devrait permettre une généralisation du Loc’Avantages avec quelques adaptations ». Enfin, la situation juridique du locataire d’un logement meublé constituant sa résidence principale semble enfin devoir être alignée sur celle du locataire d’un logement nu, notamment au titre du droit de préemption dont seul ce dernier bénéficie actuellement en cas de vente du logement.

La seconde proposition vise à maintenir lors des reventes successives, les décotes consenties à l’acquéreur initial en cas d’accession aidée au logement. « Tous les sociologues le reconnaissent, et les notaires le constatent régulièrement : pour une immense majorité de Français, être propriétaire de son logement est un rêve ! », affirment les notaires. Aujourd’hui, le législateur soutient l’accession à la propriété dans le cadre d’un parcours résidentiel prévoyant au profit de ménages sous condition de plafonds de ressources des modes d’accession à prix décoté : vente d’HLM, baux réels solidaires, location-accession. Toutefois, « ces systèmes d’aides, qui mettent en jeu directement ou indirectement les deniers publics, génèrent parfois, dès la première revente, d’importantes plus-values, dont le moins que l’on puisse dire est que tel n’était pas le but recherché ». Ces aides à l’accession à la propriété suscitent un effet d’aubaine que les dispositions d’un contrat de droit privé ne peuvent totalement écarter. C’est pourquoi, le Congrès proposera l’instauration d’un mécanisme général selon lequel les décotes opérées lors de la mise du logement sur le marché resteront obligatoirement pérennes de manière solidaire au bénéfice de tous les accédants initiaux et futurs.

Pérenniser le logement

Pour pérenniser le logement, la profession propose d’élargir au cadre familial la vente en viager et le prêt viager hypothécaire afin d’octroyer des liquidités aux personnes âgées propriétaires de leur logement. Selon le cadre juridique du viager, qui date de 1804, une vente de nue-propriété ou une vente moyennant rente viagère consentie à un héritier présomptif sont automatiquement suspectées de dissimuler une donation, et requalifiées comme telles, même si l’acheteur apporte la preuve de la sincérité du paiement de la rente ou du prix. Seule l’intervention de tous les autres héritiers présomptifs peut écarter cette présomption irréfragable. Or « dans de très nombreux cas, de tels contrats auraient pu être d’une grande utilité, et dont il eut été facile de prouver la sincérité, mais pour lesquels l’intervention des cohéritiers était impossible, constatent les notaires. Les parents âgés se sont ainsi trouvés dans l’obligation de vendre leur logement et de partir en maison de retraite contre leur gré. Il sera proposé de transformer la présomption irréfragable de donation en présomption simple, permettant ainsi à l’acquéreur de rapporter la preuve de la sincérité des paiements ».

Plus récente, la réglementation du prêt viager hypothécaire est tout de même restrictive. « Par excès de prudence, le législateur l’a réservé aux professionnels du crédit. Dans le même esprit, il sera proposé la création d’un prêt viager hypothécaire familial ».

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