Adoption simple des beaux-enfants après divorce : quelle fiscalité en cas de donation ?

Publié le 28/10/2019

Dans une réponse ministérielle, Bercy vient de donner son interprétation sur le tarif applicable à une donation-partage d’un parent à ses enfants adoptifs lorsque l’adoption simple est intervenue après le divorce du parent adoptant avec le parent de l’adopté.

Un député a interrogé le ministre de l’Action et des Comptes publics sur le régime fiscal d’une donation-partage à des enfants adoptés sous la forme simple après divorce. Une question qui n’est pas anodine compte tenu du nombre élevé de divorces et de familles recomposées.

Adoption simple par le beau-parent

La très grande majorité des adoptions actuelles ont lieu au sein des familles recomposées. À travers cette démarche, les beaux-parents souhaitent consacrer les liens d’affection tissés avec l’enfant de leur conjoint, avant ou après sa majorité.

En général, l’adoption par un beau-parent des enfants de son conjoint prend la forme d’une adoption simple. Cette forme permet à l’enfant de ne pas rompre le lien avec le parent d’origine tout en établissant un lien de filiation avec le beau-parent. Aussi, l’enfant ne change-t-il pas de nom, il peut toutefois ajouter celui de son parent adoptif à son nom d’origine.

Si l’enfant a plus de 18 ans, l’adoption par le concubin ou le partenaire de pacs ne pose pas de difficulté. En revanche, si l’enfant est mineur, l’adoption n’est possible que si le beau-parent adoptant est marié avec le père ou la mère d’origine de l’enfant.

Conséquence de la création d’un lien de filiation, l’adopté devient un héritier de son parent adoptif tout en conservant ses droits dans la succession de ses deux parents d’origine. Fiscalement, il bénéficie donc des abattements et du tarif en ligne directe, à condition que son parent adoptif et son parent d’origine soient mariés. S’ils sont pacsés ou concubins, il faut prouver que l’adoptant s’est occupé de l’adopté pendant une période de 5 ans (dans leur minorité) ou 10 ans (dans leur minorité et leur majorité).

Donation-partage à des enfants adoptés

Le député du Val-de-Marne, Luc Carvounas, a interrogé le ministre de l’Action et des Comptes publics sur la situation de l’un de ses administrés relative au régime fiscal d’une donation-partage à des enfants adoptés sous la forme simple après divorce (Rép. Min Carvounas, JOAN, 13 août 2019, question n° 10137). Le cas est le suivant. En 2011, Monsieur X a adopté sous la forme simple, d’une part, les deux enfants de son épouse actuelle, et d’autre part, les deux enfants de son ancienne épouse avec laquelle il est divorcé depuis 1995. Pour connaître les modalités fiscales de ces actes juridiques, il s’est adressé à la direction générale des finances publiques de Créteil, son lieu de résidence.

Le service des impôts a formulé sa réponse sur le fondement de l’article 786 du Code général des impôts. Selon ce texte : « pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il n’est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l’adoption simple ». Le texte prévoit plusieurs dérogations, notamment pour les transmissions faites en faveur des enfants issus d’un premier mariage du conjoint de l’adoptant. Le texte évoquant « les enfants du conjoint », Monsieur X s’interroge sur sa situation au regard des enfants de son ex-épouse dont il a divorcé. L’article 786 du CGI « ne précise pas si l’adoption doit intervenir avant ou après le divorce ».

L’administration fiscale a précisé ce point dans sa doctrine (BOI-ENR-DMTG-10-50-80).

Tout d’abord, elle raisonne sur la chronologie mariage et adoption : « il est sans importance que le mariage de l’adoptant avec le père ou la mère de l’adopté soit antérieur ou postérieur à l’adoption. Il est admis que cette exception profite aux descendants des enfants issus d’un premier mariage du conjoint de l’adoptant ».

Sur la chronologie divorce et adoption, Bercy écarte l’application de l’article 786 du CGI dans les cas où l’adoption est intervenue après dissolution du mariage : « de même, les dispositions du 1° de l’article 786 du CGI sont applicables dans le cas des transmissions à titre gratuit à un enfant issu d’un premier mariage du conjoint de l’adoptant même si le mariage entre son père ou sa mère et l’adoptant a été rompu par divorce, à condition que l’adoption soit intervenue pendant le mariage ».

Rupture d’égalité ?

Conséquence directe de cette interprétation : Bercy estime que la donation-partage de Monsieur X aux deux enfants de son ex-épouse, intervenant après le divorce, devra être soumise aux droits de mutation à titre gratuit selon le tarif applicable entre personnes non parentes.

Relayant les inquiétudes de Monsieur X, le député fait valoir que « si cette interprétation stricte de l’article 786 du Code général des impôts peut se prévaloir d’éviter des adoptions faites dans le seul but de ne pas payer des droits de donation trop élevés, elle peut aussi, comme dans ce cas précis, créer une réelle rupture d’égalité entre enfants adoptés pendant le mariage et enfants adoptés après sa dissolution ». Il a donc demandé au ministre si une telle législation ne devrait pas évoluer afin de garantir une plus grande égalité entre enfants adoptés pendant et après le mariage.

L’adoption doit intervenir avant le divorce

Dans sa réponse du 13 août dernier, Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics a rappelé les principes de l’article 786 du CGI et son exception au profit des enfants issus d’un premier mariage du conjoint de l’adoptant, qui bénéficient du régime d’imposition, plus favorable, applicable aux transmissions en ligne directe.

Et de préciser que « cette exception est applicable même si le mariage entre le parent de l’adopté et l’adoptant a été rompu par divorce, à condition que l’adoption soit intervenue pendant le mariage ».

Dans le cas contraire, si l’adoption est intervenue après le divorce entre l’adoptant et le parent de l’adopté, l’exception tombe. « En effet, dans ce cas de figure, la rupture préalable du mariage ne permet plus de présumer que l’adoption est effectuée en premier lieu afin de recréer une cellule familiale, et non pour des raisons patrimoniales ». Le risque est donc d’un détournement de l’outil de l’adoption à des fins fiscales.

Soins pendant 5 ou 10 ans

Toutefois, Bercy ne laisse pas Monsieur X et toutes les personnes dans sa situation sans une issue fiscale favorable. Il rappelle que cette situation peut correspondre à une autre d’exception prévue par l’article 786 du CGI (3° et 3°bis). Il s’agit de celles des :

– adoptés mineurs au moment du décès de l’adoptant ou d’adoptés mineurs au moment de la donation consentie par l’adoptant qui, pendant cinq ans au moins, ont reçu de celui-ci des secours et des soins non interrompus au titre d’une prise en charge continue et principale ;

– adoptés majeurs qui, soit dans leur minorité et pendant cinq ans au moins, soit dans leur minorité et leur majorité et pendant dix ans au moins, auront reçu de l’adoptant des secours et des soins non interrompus au titre d’une prise en charge continue et principale.

Rappelons que la Cour cassation a jugé que la notion de secours et de soins ininterrompus n’impose pas une prise en charge exclusive, mais seulement continue et principale, de l’adopté simple par l’adoptant (Cass. com., 6 mai 2014, n° 12-21835).

Selon le ministre, « ce dernier dispositif permet de faire bénéficier du tarif le plus favorable l’ensemble des personnes qui ont de facto été prises en charge par l’adoptant comme l’auraient été des enfants non adoptés, traduisant ainsi un lien affectif et relationnel fort entre eux ».