Assurance emprunteur : vers un droit au changement effectif

Publié le 06/12/2019

Les banques pourraient être amenées à mieux informer les clients de leur droit à changer d’assurance emprunteur. La proposition de loi du sénateur Martial Bourquin, qui vise à garantir aux emprunteurs l’exercice de leur droit à changer d’assurance vient d’être adoptée en première lecture au Sénat.

Une proposition de loi portée par le sénateur du Doubs, Martial Bourquin, adoptée en première lecture par le Sénat le 23 octobre dernier devrait permettre de rendre plus effectif le droit des personnes physiques qui contractent un prêt immobilier à changer d’assurance emprunteur.

Un coût important dans l’acquisition

Un contrat d’assurance emprunteur vise à garantir le remboursement au prêteur du capital restant dû en cas de décès, d’invalidité, d’incapacité et, dans certains cas, de perte d’emploi. Si une telle assurance n’est pas obligatoire, elle est en pratique toujours exigée par l’établissement de crédit pour les prêts immobiliers. Sur le marché, deux types de contrats coexistent. Les contrats de groupe bancaires sont des contrats collectifs développés par les assureurs partenaires de l’établissement de crédit ou par des assureurs appartenant à ce dernier. Leurs cotisations sont calculées en fonction du capital initial emprunté et sont constantes dans le temps. Les tarifs de ces contrats sont relativement homogènes du fait de la mutualisation des risques. À côté, les contrats alternatifs ou individuels sont proposés par les courtiers ou assureurs indépendants. Les cotisations varient selon le capital restant dû et le risque de sinistralité de l’assuré. Leurs tarifs sont segmentés, c’est-à-dire adaptés au profil de risque.

Selon la commission des affaires économiques du Sénat qui évoque les chiffres fournis par l’association UFC-Que Choisir, le coût de l’assurance emprunteur représente en moyenne au total entre 6 % et 15 % du montant emprunté, selon les caractéristiques de l’emprunteur. Ainsi, pour un crédit de 180 000 € sur 20 ans souscrit par un emprunteur dont l’âge est situé entre 18 et 30 ans, le montant de l’assurance s’élèvera à 9 936 € en moyenne ; si l’âge du client est compris entre 65 et 70 ans, ce montant s’élève à 26 100 € en moyenne. En faisant jouer la concurrence, les emprunteurs peuvent faire jusqu’à 1 000 € par an d’économie sur le coût d’un crédit. À condition qu’ils puissent facilement exercer ce droit. Or sur ce point, la loi s’avère insuffisamment efficace.

Un droit créé par étapes

Il y a dix 10 ans, le législateur a tardivement et progressivement créé les contours du dispositif actuel. Tout d’abord, la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation (JORF n° 0151, 2 juil. 2010, dite loi Lagarde a facilité la pratique de la délégation d’assurance qui permet à l’emprunteur de souscrire l’assurance de son prêt immobilier dans un autre établissement que celui auprès duquel il a contracté son emprunt.

Pour augmenter la concurrence et la transparence sur ce marché, la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires (JORF n° 0173, 27 juil. 2013), a ensuite introduit un article L. 313-106 dans le Code de la consommation prévoyant que le prêteur remette à l’emprunteur une fiche standardisée d’information (FSI) lui permettant de comparer les différentes assurances emprunteur sur le marché.

Puis, la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation (JORF n° 0065, 18 mars 2014), dite loi Hamon a ouvert la possibilité pour les clients de résilier leur contrat d’assurance emprunteur dans les 12 mois qui suivent la signature de l’offre de prêt ; ce délai leur permettant de faire jouer la concurrence. À condition que le contrat d’assurance proposé par l’emprunteur présente un niveau de garantie équivalent à celui proposé par l’établissement prêteur, l’emprunteur peut donc substituer un nouveau contrat d’assurance à l’ancien, sans frais ni pénalités, durant les 12 mois qui suivent la signature de l’offre de prêt. Mais ce droit de résiliation, prévu à l’article L. 312-9 du Code de la consommation en raison de son encadrement dans le temps, n’a eu que très peu d’impact pour les emprunteurs.

C’est dans ce contexte que la loi n° 2017-203 du 21 février 2017 ratifiant les ordonnances n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du Code de la consommation et n° 2016-351 du 25 mars 2016 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage d’habitation et simplifiant le dispositif de mise en œuvre des obligations en matière de conformité et de sécurité des produits et services (JORF n° 0045, 22 févr. 2017) a parachevé l’évolution du cadre législatif. Sur amendement du sénateur Martial Bourquin, a été introduit un droit de substitution annuel du contrat d’assurance emprunteur applicable à l’ensemble des contrats de prêt y compris et ce, depuis le 1er janvier 2018, aux contrats en cours. Désormais, un emprunteur peut choisir librement l’établissement qui va l’assurer, à condition que le contrat d’assurance présente un niveau de garantie équivalent à celui proposé par l’établissement prêteur, et peut, chaque année, substituer un nouveau contrat d’assurance à celui conclu initialement.

Une information très insuffisante

20 % des emprunteurs ne sauraient pas qu’ils peuvent résilier leur contrat d’assurance.

Les auteurs de la proposition de loi soulèvent que « certaines banques recourent à des pratiques ayant pour effet de priver leurs clients de leur droit au libre choix de l’assurance emprunteur en contradiction avec l’objectif poursuivi par le législateur d’accroître les possibilités de mise en concurrence entre les différentes offres d’assurance proposées sur le marché ».

« 20 % des emprunteurs ne sauraient pas qu’ils peuvent résilier leur contrat d’assurance »

Par exemple, alors que l’article L. 113-12 du Code des assurances prévoit que la résiliation du contrat d’assurance emprunteur doit être sollicitée au moins deux mois avant la date d’échéance du contrat, certains groupes bancaires ne communiquent pas à leurs clients la date personnalisée de résiliation du contrat souscrit, indiquant a minima sur leur site web la dénomination de la date anniversaire à retenir mais pas la date personnalisée permettant à l’emprunteur de faire valoir ses droits à changement d’emprunteur. « L’efficacité du dispositif et sa bonne appropriation par l’emprunteur dépendent directement de la clarté de l’information qui lui est apportée », constate la rapporteure Élisabeth Lamure. De la sorte, les emprunteurs ont des difficultés à faire valoir leur droit.

Vers une meilleure information du client

À cet effet, l’article 1er de la proposition de loi propose d’acter dans la loi une date unique de résiliation, à savoir la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt par l’emprunteur et donc du contrat, alignant ainsi le Code des assurances et le Code de la consommation. Les sénateurs ont ajouté qu’à cette définition de la date d’échéance peut être préférée, sur demande du client sur support durable, une autre date contractuellement définie : « La date d’échéance à prendre en compte pour l’exercice du droit de résiliation mentionné à l’article L. 113-12 est, au choix de l’assuré, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par celui-ci ou toute autre date d’échéance prévue au contrat ».

Assurance emprunteur : vers un droit au changement effectif
Rido / AdobeStock

L’article 2 de la proposition de loi renforce le dispositif d’information de l’emprunteur. Dans sa version initiale, le texte avait prévu d’obliger tous les « assureurs » – les banques qui exercent une activité d’assurance ainsi que les assureurs alternatifs – à rappeler chaque année à leurs clients, trois mois avant la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt, la date de limite d’exercice par l’assuré de son droit de résiliation. À défaut de communication de cette date annuelle de résiliation, l’emprunteur pourrait alors exercer son droit au changement d’assurance emprunteur à tout moment. Dans ce cas, l’assuré serait tenu au paiement de la partie de prime ou de cotisation correspondant à la période pendant laquelle le risque a couru et l’assureur tenu, quant à lui, au remboursement de cette somme correspondant, si besoin, à la période pendant laquelle le risque n’a pas couru. L’assureur sera tenu d’y procéder dans un délai de trente jours.

La commission des affaires économiques a mis en évidence que cette obligation implique que l’assureur, soumis à cette obligation, connaisse cette date anniversaire, afin d’effectuer une forme de rétro calcul pour déterminer la date limite à laquelle envoyer l’information. Or cette date n’est pas connue de tous les assureurs. « En effet, la date de signature de l’offre de prêt relève des relations contractuelles entre un emprunteur et un prêteur. Elle ne figure donc pas dans les informations qu’un assuré doit obligatoirement transmettre à l’assureur qu’il souhaite rejoindre, alors que c’est à ce dernier qu’incombera l’obligation d’information calculée à partir de cette date. De fait, les assureurs, notamment alternatifs, se retrouveraient dans une situation d’illégalité sauf à demander aux différents prêteurs les millions de dates personnalisées de signature des prêts en cours qu’ils assurent ».

Par conséquent, la commission a préféré créer une obligation annuelle d’information par l’assureur, sur support durable.

L’assuré serait informé, chaque année qu’il a le droit de résilier son contrat et des différentes procédures et délais à respecter s’il souhaite en faire usage, y compris l’obligation d’en informer son assureur au moins deux mois avant la date anniversaire de la signature de l’offre de prêt ou, s’il le souhaite, deux mois avant une autre date définie contractuellement (par exemple, la date d’adhésion à l’assurance, la date de prise d’effet, etc.).

Par ailleurs, le non-respect de cette information pourra être sanctionné par une amende administrative, infligée tant par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) que la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), dont le montant ne peut excéder 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale.

Enfin, la proposition de loi prévoit que la réforme entrera en vigueur 4 mois après la promulgation de la loi et s’appliquera aux contrats en cours.

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