Assurance-vie : tout savoir sur la désignation du bénéficiaire, et sa substitution

Le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie est libre de désigner le bénéficiaire de son contrat et d’en changer. Pour que ce changement soit efficace, la forme et le fond doivent respecter des règles.
Un arrêt récent de la Cour de cassation (Cass. 2e civ., 3 avril 2025, n° 23-13.803) vient d’apporter une précision importante sur une règle relative au changement de bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, nous donnant l’occasion de faire le point sur cette possibilité ouverte à tout souscripteur.
Est-il toujours possible de changer de bénéficiaire ?
Le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie est entièrement libre dans la désignation de la personne qu’il entend protéger et qui recevra les sommes inscrites sur le contrat d’assurance-vie à son décès. Il peut s’agir d’une ou plusieurs personnes, de majeurs ou de mineurs, et même d’enfants à naître, voire pas encore conçus, par exemple avec la mention « mes enfants nés avant ou après la souscription du contrat ». Le souscripteur peut aussi vouloir que les fonds soient versés à son conjoint, son partenaire de pacs, son concubin, ses enfants, petits-enfants, frères et sœurs et neveux et nièces ou simplement un proche. Enfin, il peut également désigner une fondation, ou tout autre organisme sans but lucratif.
Quels sont les effets de l’acceptation du contrat à l’avance par le bénéficiaire ?
L’acceptation du contrat d’assurance-vie par le bénéficiaire, limite la possibilité du souscripteur de modifier cette clause. En la matière, il faut distinguer les règles applicables avant et après le 18 décembre 2007.
Pour les contrats d’assurance-vie souscrits à compter du 18 décembre 2007 et les contrats souscrits avant cette date mais n’ayant pas donné lieu à l’acceptation de la clause bénéficiaire avant le 18 décembre 2007, un bénéficiaire désigné pouvait, sans même que l’assuré en soit informé, accepté le bénéfice du contrat par courrier à la compagnie d’assurances. Pire, le souscripteur ne pouvait pas disposer librement de son contrat ; pour effectuer des retraits, il devait solliciter l’accord du bénéficiaire acceptant. Dans ce contexte, le bénéficiaire pouvait s’opposer à une révision de la clause en sa défaveur.
Depuis le 18 décembre 2007, l’acceptation d’un bénéficiaire ne peut intervenir qu’avec l’accord du souscripteur. Cette acceptation prend la forme d’un avenant signé par l’assureur, le bénéficiaire et l’assureur, d’un acte authentique signé par l’assuré et le bénéficiaire, avec notification à la compagnie d’assurances, ou encore d’un acte sous seing privé signé par l’assuré et le bénéficiaire, avec notification à la compagnie d’assurances. Ensuite, si le souscripteur veut changer de bénéficiaire, il doit obtenir l’accord du bénéficiaire acceptant. Ainsi, s’il veut se ménager la possibilité de changer de bénéficiaire, il est préférable de ne pas faire accepter le contrat par son bénéficiaire.
Comment changer la clause bénéficiaire d’un contrat d’une personne majeure protégée ?
Les majeurs protégés ne peuvent pas modifier librement le bénéficiaire de leur contrat d’assurance-vie. En présence d’une curatelle, la désignation du bénéficiaire doit, comme pour tous les actes relatifs au contrat d’assurance-vie, recevoir la signature du majeur et celle de son curateur. Si le souscripteur sous curatelle veut désigner son curateur, il doit en demander l’autorisation préalable au juge des contentieux de la protection (anciennement juge des tutelles), ceci pour éviter un conflit d’intérêts, voire l’influence du curateur.
Pour le majeur placé sous tutelle, la désignation du bénéficiaire et sa substitution nécessitent l’accord du juge ou du conseil de famille.
Comment peut-on modifier la clause bénéficiaire ?
Qu’il s’agisse de changer de bénéficiaire, ou de modifier la répartition des capitaux entre plusieurs bénéficiaires, la modification de la clause bénéficiaire n’est subordonnée à aucune règle de forme. Il faut que la volonté du souscripteur soit exprimée d’une manière certaine et non équivoque. Jusqu’à tout récemment, cette volonté devait également être portée à la connaissance de l’assureur avant le décès de l’assuré pour que la substitution de bénéficiaire soit valable (Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.954 ; Cass. 2e civ., 10 mars 2022, n° 20-19.655). Une exception était toutefois prévue pour le cas où la modification était effectuée par testament : la preuve de sa connaissance par l’assureur n’était pas requise. Un arrêt de la Cour de cassation vient de changer la donne (Cass. 2e civ., 3 avril 2025, n° 23-13.803).
Que se passe-t-il si l’assureur n’a pas connaissance du changement au moment du décès ?
Il en ressort que la connaissance par l’assureur de la substitution de bénéficiaire n’est plus une condition de validité de cette substitution. Seule l’est la condition relative à l’expression de sa volonté par le souscripteur, d’une manière certaine et non équivoque. Pour la Cour de cassation, l’article L. 132-8 du Code des assurances, ne fait pas mention de la connaissance de la substitution par l’assureur. Quant à l’article L. 132-25 du Code des assurances, il en résulte que la connaissance par l’assureur de la substitution de bénéficiaire n’est qu’une condition d’opposabilité de cette modification à l’assureur, et ne conditionne pas sa validité, le paiement fait à celui qui, sans cette modification, y aurait eu droit, étant libératoire pour l’assureur de bonne foi. La méconnaissance par l’assureur de la substitution de bénéficiaire n’est donc plus une condition de validité de la modification de la clause bénéficiaire.
Dans cette affaire, Monsieur X avait souscrit le 5 janvier 1998 et le 6 décembre 2004, deux contrats d’assurance sur la vie. Il avait désigné bénéficiaire son conjoint non séparé de corps, à défaut ses enfants par parts égales, nés ou à naître, à défaut de l’un de ses descendants, à défaut ses héritiers. Par demandes d’avenant du 25 mai 2014, il avait modifié la clause bénéficiaire de ces contrats et a désigné à ce titre Madame Y, à défaut ses descendants, à défaut les héritiers de Madame Y. Le 27 janvier 2015, il a rempli des formulaires de demandes d’avenant aux fins de modifier à nouveau les clauses bénéficiaires et désigner à ce titre pour 50 % Monsieur Z et pour 50 %, par parts égales, neuf autres personnes dont Madame Y. Après le décès du souscripteur, survenu le 24 avril 2019, l’assureur a versé l’intégralité des capitaux des contrats à Madame Y, soit 222 080,10 euros. Il avait ensuite assigné Madame Y en remboursement des sommes indûment perçues. Pour le tribunal de première instance et la cour d’appel de Bastia (CA Bastia, 8 février 2023, n° 22/00006), ces avenants, faute d’avoir été portés à la connaissance de la compagnie, leur effet étaient nuls. Dans son arrêt du 3 avril dernier, la Cour de cassation a donc mis fin à cette interprétation. Pour sécuriser la clause bénéficiaire et éviter tout conflit, il est recommandé, par souci d’efficacité de tenir informé l’assureur de tout changement de bénéficiaire. Cette précaution doit permettre d’éviter le versement des fonds à des bénéficiaires qui n’en sont plus, et leur reversement aux derniers bénéficiaires désignés.
Comment procéder ?
Le souscripteur peut changer le bénéficiaire de son assurance-vie par courrier à l’assureur à la réception duquel, l’assureur établit un avenant au contrat. Là encore, par souci d’efficacité, un courrier recommandé avec accusé de réception ménage une preuve et donc l’opposabilité, à la compagnie, du changement opéré. Enfin, ce changement peut être efficacement effectué par testament déposé auprès d’un notaire.
Référence : AJU017k6
