Comment Bercy utilise l’intelligence artificielle pour cibler ses contrôles fiscaux

Publié le 19/10/2022
IA, intelligence artificielle
angkhan/AdobeStock

Les nouvelles technologies dopent les résultats du contrôle fiscal. Les évolutions technologiques permettent à l’administration fiscale de réaliser des progrès décisifs.

Bercy s’est donné pour priorité la recherche de renseignement dans le cadre de la lutte contre la fraude. Il s’agit de détecter les mécanismes de fraude, collecter, centraliser et enrichir des renseignements extérieurs et les informations dispersées dans les services pour proposer l’engagement de contrôles fiscaux.

Les atouts du datamining

Le travail des équipes de l’administration fiscale sur les bases de données permet d’accroître l’efficience du contrôle fiscal. L’exploitation des bases de données (datamining) est optimisée grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle. En 2021, près d’un contrôle sur deux a été diligenté suite à une analyse de datamining. D’après le dernier rapport de la DGFiP paru en mai 2022, les productions issues du projet de datamining Ciblage de la fraude et valorisation des requêtes (CFVR) représentaient, fin décembre 2021, plus de 44 % de la programmation du contrôle fiscal, avec un objectif de 50 % en 2022. Le CFVR est projet d’envergure développé dès 2014 qui a pour ambition d’améliorer l’efficacité des opérations de contrôle fiscal et s’inscrit dans le cadre de la modernisation des travaux d’analyse de données et de ciblage. Financé par le fonds de transformation de l’action publique, il explore les informations de 11 bases de données, comme Sirius-Pro, le logiciel de contrôle fiscal de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), ou le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc). En s’appuyant sur des méthodes exploratoires basées sur la statistique et des algorithmes et en permettant de modéliser des comportements, cet outil utilise les techniques de l’intelligence artificielle pour identifier de façon automatique des cas de fraudes fiscales possibles.

Un incubateur dédié

Pour innover davantage, l’administration fiscale s’appuie sur un incubateur interne. Avec la Fabrique numérique, la délégation à la transformation numérique créée début 2021 a mis en place un laboratoire d’expérimentation, la Fabrique numérique, un incubateur dédié aux agents de la DGFiP qui souhaitent développer de nouveaux services publics numériques. Elle a permis en 2021 de développer deux nouveaux projets : un panel d’outils pour accompagner les petites collectivités dans le montage de leurs projets d’investissement et un nouvel applicatif pour faciliter le recouvrement de la taxe de séjour en fiabilisant et mutualisant les données de location de meublés de tourisme, précise le dernier rapport d’activité de la Direction générale des finances publiques en juin 2022. En effet, les données ou data et leur exploitation de masse grâce à l’intelligence artificielle sont en effet désormais une des grandes priorités de Bercy.

La constitution d’un lac de données

La constitution d’un lac de données a été engagée en 2021. Il comprendra à terme l’ensemble des données de la DGFiP, pour optimiser leur exploitation grâce à un accès facilité, centralisé et sécurisé. Ce projet a pour vocation d’amener au fur et à mesure, et en fonction des projets pilotes, une bonne partie des données disponibles de la DGFiP dans une infrastructure dédiée aux traitements des données en grand volume qui s’accompagne de services et d’outils supplémentaires dédiés à la datascience, d’outils de visualisation ou de requêtage, permettant utilisateurs de mieux valoriser les données disponibles dans le lac des données. Le lac des données constitue donc un outil de traitement des Big Data. Les premiers travaux concernant les opérations immobilières ont permis d’identifier des opérations sous ou sur-évaluées et de rappeler plus de 2,7 millions d’euros. Le projet du Foncier innovant est développé dans ce cadre.

L’expérimentation du projet du Foncier innovant

Afin de garantir une meilleure fiabilité des bases de la fiscalité directe locale, la DGFiP recourt, dans le cadre de ce projet, aux technologies novatrices d’intelligence artificielle et de valorisation des données à partir des prises de vue aériennes de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN). Il vise à détecter sur ces photographies aériennes, les piscines et autres bâtis non déclarés alors qu’ils devraient être assujettis aux impôts directs locaux. Concrètement, les algorithmes permettent d’extraire des images aériennes publiques de l’IGN, consultables par tous sur le site internet www.geoportail.gouv.fr, les contours des immeubles bâtis ainsi que des piscines. Un traitement informatique vérifie ensuite, à partir notamment des déclarations des propriétaires effectuées auprès des services de l’urbanisme et de l’administration fiscale, si les éléments ainsi détectés sur les images sont correctement imposés aux impôts directs locaux. Un agent de l’administration fiscale vérifie ensuite systématiquement chaque anomalie détectée avant toute opération de relance du propriétaire du bien et in fine de taxation. Une expérimentation a été lancée en octobre 2021 dans neuf départements du Sud-Est (Alpes-Maritimes, Var, Bouches-du-Rhône, Ardèche, Rhône, Haute-Savoie) et de l’Ouest (Morbihan, Maine-et-Loire et Vendée), en se concentrant tout d’abord sur la détection des piscines. L’opération sera ensuite élargie aux bâtis non déclarés ou incorrectement imposés. Ce projet vise, en optimisant le processus de détection des constructions ou aménagements non déclarés, à permettre de lutter plus efficacement contre les anomalies déclaratives et ainsi mieux répondre aux souhaits d’équité et de justice fiscale des citoyens, par la juste imposition des biens. Ce projet permettra aussi d’améliorer la fiabilité des bases de la fiscalité directe locale et de faciliter la représentation sur le plan cadastral des bâtiments et des piscines à partir des vues aériennes.

Une nouvelle application Galaxie, pour optimiser le contrôle fiscal

L’administration fiscale continue de développer de nouveaux outils comme l’application Galaxie, un traitement informatisé et automatisé de donnée à caractère personnel. Troisième brique du projet PILAT (PILotage et Analyse du ConTrôle), GALAXIE est déployée depuis le 5 avril 2022. Le projet PILAT démarré en 2018 est un grand projet de modernisation du système d’information consacré au contrôle fiscal. Il a pour objectif de constituer une application unique pour l’ensemble de la chaîne du contrôle fiscal, de la programmation au recouvrement. L’application GALAXIE a été autorisée par un arrêté du ministre de l’Économie (arrêté du 11 mars 2022 portant autorisation par la DGFiP du traitement de données à caractère personnel dénommé GALAXIE), après avis favorable de la Cnil (délibération n° 2022-025 du 17 février 2022 portant avis sur un projet d’arrêté portant création par la DGFiP du traitement de données à caractère personnel dénommé GALAXIE). Il s’agit d’un outil de visualisation, au niveau national, d’une part, des liens existant entre des entités professionnelles (liens de participation), et entre des entités professionnelles et des personnes physiques (liens de dirigeant, d’associé ou d’actionnaire), et d’autre part, des éléments de contexte sur la situation patrimoniale et fiscale de ces personnes. Pour les entreprises et personnes morales ou entités, il s’agit des données relatives aux remboursements de crédit de TVA, aux procédures collectives, aux honoraires versés, numéro de téléphone, adresse électronique, indicateur personnes sensibles, données relatives au civisme fiscal, service gestionnaire du dossier fiscal, données relatives au compte bancaire, aux liens de dirigeants et d’associés. Pour les personnes physiques, il s’agit des données relatives aux indicateurs personnes sensibles, service gestionnaire du dossier fiscal, et aux liens de dirigeants et d’associés. Cet outil est destiné aux agents habilités, aux fins d’amélioration du respect des obligations fiscales, pour mener des opérations de recherche, d’enquête, de programmation, de contrôle et de recouvrement de manquements fiscaux. Elle leur permettra de superposer et de recouper de nombreuses informations dont les liens existant entre personnes physiques et entités professionnelles, lien de dirigeant, d’associé ou d’actionnaire ou entre différentes entités comme les liens de participation en les mettant en relations avec des situations patrimoniales et économiques. Cette application permettra à la fois de repérer des erreurs commises par des contribuables de bonne foi comme de faciliter la détection des schémas de fraude fiscale et notamment de déterminer des coresponsabilités dans l’organisation de la fraude grâce à une unification des outils qui sont dorénavant décloisonnés.

Accroître le recours à l’intelligence artificielle

Les outils développés apportent un gain de productivité et d’efficience en mettant à disposition de tous les acteurs de la chaîne du contrôle fiscal des outils modernes comme la data visualisation, automatisés et ouverts sur les applications de recouvrement et du contentieux. Il permettra aussi de renforcer et de fluidifier le pilotage de l’activité dans un environnement numérique intégré, de supprimer les taches redondantes, tout en automatisant les procédures. De façon générale, la DGFiP entend accroître le recours à l’intelligence artificielle. Le recours à des assistants digitaux libère les services de tâches chronophages et répétitives, et offre la possibilité aux agents de se concentrer sur des missions où leur expertise sera mieux valorisée. Ainsi, depuis mars 2021, le déploiement des assistants digitaux dans le réseau de recouvrement des amendes a permis de traiter automatiquement l’imputation comptable des virements bancaires reçus, et aux agents d’améliorer les résultats du recouvrement forcé grâce à l’intensification des poursuites. Les résultats enregistrés depuis la mise en service sont positifs : le taux de traitement des virements bancaires reçus par la DGFiP est supérieur à 50 %  en moyenne, avec des pics pouvant dépasser 90 % des virements reçus pour certains postes comptables. En 2021, la DGFiP a commencé à utiliser l’intelligence artificielle pour aider les agents des centres de contact à répondre aux courriels des usagers portant sur des difficultés de paiement. Dans ce cadre, elle a engagé une modernisation de la base de réponses type, et l’ouverture de l’accès à toute la documentation DGFiP via un moteur de recherche. Autant de premières étapes d’un changement de paradigme au sein du contrôle fiscal.

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