Contributions aux charges du mariage, famille recomposée : des évolutions fiscales sollicitées
Le Conseil d’État vient de transmettre une question prioritaire de constitutionnalité sur les conditions de déductibilité des frais engagés au titre de la contribution aux charges du mariage. La loi fiscale critiquée réserve la possibilité de les déduire du revenu imposable du débiteur lorsque le versement procède d’une décision de justice.
Une proposition de loi vise à faire entrer les beaux-enfants dans la dévolution sous condition testamentaire.
Le 28 février dernier, le Conseil d’État a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la loi fiscale qui réserve la déduction des contributions aux charges du mariage aux versements qui résulte d’une décision de justice (CE, 9e et 10e ch. réun., 28 févr. 2020, n° 436454).
Contributions aux charges du mariage
Selon l’article 214 du Code civil, « si les conventions matrimoniales ne règlent pas la contribution des époux aux charges du mariage, ils y contribuent à proportion de leurs facultés respectives. Si l’un des époux ne remplit pas ses obligations, il peut y être contraint par l’autre dans les formes prévues au Code de procédure civile ». Ces charges comprennent les dépenses de la vie courante qu’implique la vie en commun, telles que les dépenses de logement, d’énergie, de nourriture, d’habillement, de santé ou encore d’éducation des enfants. L’obligation dure le temps du mariage et lorsque les époux vivent séparés de fait.
Les conditions de déductibilité
Cette obligation juridique fait naître un droit sur le plan fiscal à déduction des revenus au bénéfice de son débiteur. Les conditions entourant sa déductibilité font l’objet d’une QPC. Dans l’affaire examinée par le Conseil d’État, la contribution est déductible du revenu imposable de l’époux qui la verse à condition que son versement résulte d’une décision de justice et que les époux fassent l’objet d’une imposition séparée (selon l’article 156, II, 2°, du CGI, dans sa rédaction applicable jusqu’en 2016). L’article vise en effet / 2° la « contribution aux charges du mariage définie à l’article 214 du Code civil, lorsque son versement résulte d’une décision de justice et à condition que les époux fassent l’objet d’une imposition séparée ».
Par conséquent, l’époux séparé de fait qui exécute spontanément son obligation envers son conjoint ne peut pas déduire les sommes qu’il lui verse.
L’article 115 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 qui s’applique à compter de l’imposition des revenus de l’année 2017, a étendu le champ de la déductibilité de la contribution aux versements résultant d’une convention de divorce par consentement mutuel par acte sous seing privé (prévu par l’article l’article 229-1 du Code civil). Il n’en demeure pas moins que les sommes versées spontanément restent exclues de la déductibilité.
Devant le Conseil d’État, le requérant soutient que ces dispositions, qui n’ont pas été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, méconnaissent le principe d’égalité devant la loi énoncée à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen et le principe d’égalité devant les charges publiques énoncées à l’article 13 de la même Déclaration. Le Conseil d’État a considéré que le moyen soulève une question présentant un caractère sérieux méritant d’être transmise au Conseil constitutionnel.
Droits de succession et famille recomposée
Une proposition de loi n° 2715 déposée le 25 février 2020 sur le bureau de l’Assemblée nationale vise à étendre les droits de la fiscalité de la succession et de la donation en ligne directe aux enfants de famille recomposée. Selon l’exposé des motifs, les familles dites « recomposées », où cohabitent deux adultes mariés ou pacsés et un ou plusieurs enfants nés de l’union précédente de l’un ou des deux conjoints se multiplient. Selon l’Insee, près d’un million d’enfants mineurs seraient concernés. Or en cas de transmission du patrimoine, aucun lien de parenté ne lie enfants et beaux-parents. C’est pourquoi, la proposition de loi propose d’étendre les droits de la fiscalité de la succession et de la donation en ligne directe aux enfants de famille recomposée, pour laisser libre choix aux beaux-parents de léguer par volonté testamentaire leurs biens avec les mêmes droits qu’à leurs enfants biologiques.
Le texte propose de modifier l’article 734 du Code civil qui définit la dévolution légale, c’est-à-dire l’ordre dans lequel les héritiers sont appelés à succéder. En l’état actuel du droit, en l’absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu’il suit :
1° les enfants et leurs descendants ;
2° les pères et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ;
3° les ascendants autres que les père et mère ;
4° les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers.
Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d’héritiers qui exclut les suivants.
La proposition de loi vise à faire entrer les enfants du conjoint d’une précédente union au même rang que les enfants et leurs descendants, en ajoutant « si volonté testamentaire », pour que cette dévolution ne s’impose pas mais repose sur la liberté du beau-parent.