Contrôle fiscal : Bercy cible trois nouveaux montages abusifs

Avoirs à l’étranger, utilisation des trusts, détournement du crédit d’impôt pour services à la personne : la DGFiP met à jour sa cartographie des pratiques et montages abusifs.
L’administration fiscale actualise régulièrement sa cartographie des pratiques et montages abusifs. Disponible sur le site de Bercy, ce recensement a pour objectif d’assurer une plus grande transparence sur les schémas illégaux afin de prévenir les redressements fiscaux. La cartographie s’inscrit dans une démarche de prévention et de sécurité juridique apportée aux contribuables en les informant des risques qu’ils prendraient en mettant en place ou en conservant des montages destinés à réduire indûment l’impôt. Bercy invite les personnes qui ont réalisé de telles opérations à prendre contact avec l’administration fiscale pour mettre leur situation en conformité.
Une liste qui évolue au fil des années
Cette liste contient des exemples de montages révélés lors de contrôles fiscaux et contraires à la loi. Lorsque l’administration découvre ces montages, elle les remet en cause après un examen attentif des faits et applique les pénalités appropriées. Pour l’avenir, les contribuables sauront que l’administration redresse de tels schémas en cas de fraude, ce qui devrait les inciter à ne pas y recourir. Pour le passé, les contribuables sauront qu’ils sont susceptibles de faire l’objet de rectifications en cas de contrôle, ce qui devrait les inciter à renoncer à ces schémas et à régulariser leur situation par le biais d’une déclaration rectificative. L’administration apprécie, en fonction des circonstances propres au dossier, les conséquences qu’il convient d’en tirer. La cartographie des pratiques et montages abusifs dressés par Bercy, qui ne prétend pas à l’exhaustivité, est régulièrement complétée par les soins de l’administration fiscale. Elle comprend désormais 24 exemples de montages frauduleux, alors que dans sa version initiale présentée par Michel Sapin et Christian Eckert dans le cadre d’un train de mesures destinés à permettre aux entreprises d’investir et de fonctionner dans la transparence annoncée le 1er avril 2015, elle n’en comprenait que 17.
Attribution d’actions gratuites et de stock-options sur un compte bancaire à l’étranger, non déclaré
L’administration fiscale a ainsi modifié cette cartographie en février dernier en y ajoutant trois nouvelles situations de pratiques frauduleuses. Le premier schéma vise les attributions d’actions gratuites et de stock-options sur un compte bancaire ouvert hors de France et non déclaré. Les contribuables dont le domicile fiscal se situe en France doivent déclarer annuellement leurs revenus perçus en France comme à l’étranger sous réserve de l’application des conventions fiscales internationales éventuelles. Les contribuables concernés doivent déclarer en même temps que leurs revenus, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l’étranger, qu’il s’agisse de comptes bancaires ou de comptes-titres. Le législateur prévoit une amende de 15 000 euros par compte bancaire non déclaré, amende augmentée à 10 000 euros lorsque le compte est situé dans un État ou territoire dit non coopératif. En outre, l’administration fiscale peut appliquer des pénalités pour insuffisance de déclaration ou pour dissimulation d’actifs, qui peuvent aller jusqu’à 80 % de l’impôt dû. En matière de prescription, l’administration fiscale peut remonter sur les 10 dernières années. Si à la demande de l’administration fiscale, le contribuable ne peut justifier l’origine des avoirs, il peut être taxé aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 %. Précisons que les progrès réalisés en matière d’échanges automatique d’informations fiscales permet facilement à Bercy d’obtenir des renseignements relatifs aux comptes financiers détenus par des résidents de France. L’administration fiscale a également la faculté de réaliser des investigations complémentaires (assistance administrative internationale).
Le schéma mis en œuvre
Dans le shéma présenté, un cadre salarié de la filiale française d’un groupe étranger, résident de France, a bénéficié de plusieurs plans d’attribution d’actions gratuites et d’options sur titres, des stock-options, de la part du siège de ce groupe. Toutes les opérations d’attribution, de levée d’option comme de cession ont été effectuées sur un compte-titres financier ouvert à son nom auprès d’un établissement bancaire situé dans l’état du siège du groupe étranger. Le contribuable n’a jamais déclaré à l’impôt sur le revenu les gains afférents à ces plans étrangers auprès de l’administration fiscale française, ni la détention d’un compte hors de France. Lorsque les plans d’actionnariat salarié étrangers n’ont pas été attribués dans les conditions définies par le Code du commerce français, le régime fiscal et social de faveur applicable aux gains d’acquisition des actions gratuites et le régime spécifique des gains de levée d’options sur titres ne s’appliquent pas. Les avantages qui en résultent constituent alors un complément de salaires taxable dans les conditions de droit commun.
Services à la personne : montage destiné à obtenir un crédit d’impôt indu
Les dépenses engagées par un contribuable au titre de services à la personne rendus à domicile ouvrent droit à un crédit d’impôt à hauteur de 50 % des sommes versées pour ces dépenses, en application des dispositions de l’article 199 sexdecies du Code général des impôts. Il s’agit d’une des principales niches fiscales, la première pour les particuliers. D’après les chiffres de la Cour des comptes, les dépenses fiscales correspondantes ont bondi de moitié en dix ans, pour un nombre d’heures travaillées resté globalement stable. Les activités éligibles sont listées à l’article D. 7231-1 du Code du travail et précisées par la circulaire n° ECOI1907576C du 11 avril 2019. Le bénéfice du crédit d’impôt est accordé sous réserve de justifier, à la demande de l’administration fiscale, du paiement des dépenses engagées, de l’identité du prestataire, de la nature et du montant des prestations réellement effectuées.
Un détournement du crédit d’impôt
Un particulier est approché par un individu, qui lui conseille une opération en plusieurs étapes pour un gain financier rapide. Sur une courte période, le particulier conclut une convention de services d’assistance administrative ou informatique à domicile avec une société A et une convention de gestion et valorisation de ses données personnelles avec une entité B. Le particulier s’acquitte d’abord du paiement de la facture délivrée par la société A, ce qui lui permet de prétendre à un crédit d’impôt de 50 % pour service à la personne. Le particulier perçoit ensuite une rémunération de la part de la société B, réputée versée en contrepartie de la collecte de ses données personnelles à valoriser. Dans les faits, le service rendu par la société A est une présentation par son dirigeant, Monsieur M, des différentes étapes de l’opération et de ses avantages. Quant aux données collectées par la société B, elles sont très générales et ne font l’objet d’aucun traitement particulier. Le montant de la rémunération versée par la société B étant inférieur au prix de la prestation initialement facturée par la société A, Monsieur M, bénéficiaire économique des 2 entités juridiques, appréhende un profit de X euros, tandis que le particulier supporte une perte. Cette dernière se trouve cependant rapidement apurée grâce à la perception du crédit d’impôt pour service à la personne, le particulier réalisant même un profit net de Y euros à l’issue de l’opération. Or la somme de ces 2 profits (X + Y) est égale au montant du crédit d’impôt. « En effet, la réalisation des différentes étapes de l’opération vise à détourner un crédit d’impôt, théoriquement versé au bénéfice du seul particulier afin d’alléger le coût d’un service d’aide à domicile, en le transformant in fine en un profit à partager entre le particulier et le bénéficiaire économique des sociétés A et B », conclut Bercy.
Le service d’avance immédiat de crédit d’impôt proposé par l’Urssaf renforce l’intérêt de la fraude
Proposée par l’Urssaf, l’avance immédiate de crédit d’impôt est un service optionnel et gratuit proposé par l’Urssaf. Le montant du crédit d’impôt de 50 % auquel un particulier peut prétendre pour le recours à un salarié ou à un intervenant à son domicile pour des activités de services à la personne, est automatiquement déduit du coût de l’emploi ou la prestation. Le particulier ne fait plus d’avance de trésorerie et bénéficie du crédit d’impôt au moment de la dépense, sans attendre l’année suivante. L’activation de ce service d’avance immédiat de crédit d’impôt renforce l’intérêt du procédé de fraude, car c’est alors l’Urssaf qui règle directement la facture émise par la société A, avant de prélever chez le particulier le reste à charge net de crédit d’impôt, soit 50 % du montant total de la prestation facturée. Or ce reste à charge n’est jamais réellement supporté par le particulier puisqu’il a déjà perçu la rémunération versée par la société B, réputée due en contrepartie de la collecte de ses données personnelles. À la fin de l’opération, la somme des 2 profits (X + Y) respectivement réalisées par le bénéficiaire économique des sociétés A et B et le particulier reste égale au montant du crédit d’impôt. Le procédé est cependant rendu plus attractif pour le particulier dès lors qu’il n’avance plus aucune dépense.
Prêts fictifs visant à dissimuler les revenus d’un trust
Les contribuables dont le domicile fiscal se situe en France doivent déclarer annuellement leurs revenus perçus en France comme à l’étranger. En application du 9° de l’article 120 du Code général des impôts, les produits d’un trust distribués à un résident fiscal de France sont imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, quelle que soit par ailleurs la forme sous laquelle le trust les a perçus (loyers, dividendes, intérêts, gains en capital ou autres) et les caractéristiques du trust. Précisions qu’en France un trust est défini comme l’ensemble des relations juridiques créées dans le droit d’un État autre que la France par une personne qui a la qualité de constituant, par acte entre vifs ou à cause de mort, en vue d’y placer des biens ou droits, sous le contrôle d’un administrateur, dans l’intérêt d’un ou de plusieurs bénéficiaires ou pour la réalisation d’un objectif déterminé. La notion de constituant correspond, quant à elle, à la personne physique qui l’a constitué, ou lorsqu’il a été constitué par une personne physique agissant à titre professionnel ou par une personne morale, à la personne physique qui y a placé des biens et droits.
Le schéma frauduleux mis en œuvre
Dans cette affaire, un contribuable, alors résident britannique, a constitué en 2000, un trust, discrétionnaire et irrévocable, dont il est bénéficiaire avec sa famille, avec pour administrateur une société établie aux îles Vierges britanniques. La société S, établie au Royaume-Uni, a été créée en 2004 et figure à l’actif du trust pour la valeur de son capital social fixé à 2 £. La même année, le contribuable est devenu résident fiscal en France. Dans le cadre d’un contrôle fiscal, ce dernier avec son épouse, a indiqué que les importants virements perçus sur leurs comptes bancaires personnels provenaient de prêts accordés par la société de droit britannique S et a fourni des contrats de prêt pour une somme globale de 6,80 M€. « Les conventions de prêt conclues entre la société S et M. X, avaient pour seul objectif de dissimuler la distribution de produits par le trust au profit de son constituant et principal bénéficiaire. Ces contrats ont créé une apparence juridique permettant à M. X de disposer librement des biens dont il s’était préalablement dessaisi lors de la constitution du trust T », souligne Bercy. La circonstance qu’un contrat de prêt soit enregistré auprès de l’administration et inscrit dans la comptabilité d’une entité ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la procédure d’abus de droit fiscal (LPF, art. L64) s’il est établi que ce contrat ne correspond pas à une situation réelle mais dissimule sous cette apparence une situation différente. Les contrats destinés à dissimuler l’appréhension en franchise d’impôt de sommes provenant du trust sont écartés et les sommes litigieuses sont regardées, en l’absence d’éléments contraires, comme des revenus distribués par le trust.
Référence : AJU017l1
