Déclaration de revenus : n’omettez plus vos cryptos !

La traçabilité des crypto-actifs s’organise à l’échelle internationale. À brève échéance, les titulaires de portefeuilles numériques gérés par des plateformes étrangères ne pourront échapper à leurs obligations fiscales.
Bitcoin, Euthereum, jetons… les cryptos-actifs gagnent du terrain dans les portefeuilles des épargnants français. Ils seraient 12 % à en détenir en 2024, selon l’étude EY KMPG-Ipsos pour l’Association pour le développement des actifs numériques (Web 3 et crypto en France et en Europe, 4e édition, mars 2024). Les gains générés par ces actifs sont soumis à l’impôt sur le revenu. Or si certains de leurs détenteurs imaginent passer entre les mailles du filet, l’évolution législative récente les invite à se mettre en conformité fiscale.
Le calendrier de la campagne de l’impôt sur le revenu 2025
La campagne de la déclaration de revenus perçus en 2024 s’est ouverte le 10 avril 2025. Les dates limites des télédéclarations sont les suivantes :
– jeudi 22 mai 2025 pour les départements de 1 à 19 et pour les usagers non-résidents ;
– mercredi 28 mai 2025 pour les départements 20 à 54 ;
– jeudi 5 juin 2025 pour les départements 55 à 974 et 976.
Pour les déclarations papier, la date limite de dépôt est fixée au mardi 20 mai 2025, quel que soit le département ou le territoire.
Quelles sont les opérations sur crypto-actifs imposables ?
La loi de finances pour 2019 a doté les gains sur les actifs numériques d’un régime fiscal (L. n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, JORF n° 0302 du 30 décembre 2018) en vertu duquel sont imposables les opérations suivantes :
- la conversion des cryptomonnaies en une monnaie fiat, c’est-à-dire en monnaie fiduciaire (euro, dollar, etc.) ;
- l’utilisation de cryptomonnaies pour l’achat de bien ou de service.
En fonction du prix d’acquisition par rapport à sa valeur au moment de la cession, ces opérations dégagent une plus-value ou une moins-value. Si le montant total des cessions d’actifs numériques réalisées par tous les membres du foyer fiscal est inférieur à 305 euros, les cessions ne sont pas imposées. Elles doivent toutefois être déclarées.
Comment se calculent les plus-values ?
Les contribuables doivent déclarer leurs plus ou moins-values issues de ces transactions imposables sur le formulaire Cerfa n° 2086 en annexe à la déclaration de revenu 2042. Ils doivent indiquer les informations détaillées de chaque transaction : date de cession, valeur globale du portefeuille au moment de la cession, prix de cession et prix d’acquisition des actifs numériques. Le calcul des plus-values est plus complexe que pour des valeurs mobilières. Il ne suffit pas de comparer le prix de cession et le prix d’acquisition. La formule de calcul est la suivante : Prix de cession – (Prix total d’acquisition net x Prix de cession / Valeur globale du portefeuille avant la cession).
Comment les plus-values sont-elles taxées ?
Les plus-values de cessions d’actifs numériques réalisées par les particuliers à titre occasionnel sont taxées au prélèvement forfaitaire unique de 30 % (12,8 % d’impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux) avec possibilité d’opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu (CGI, art. 150 VH bis).
Concernant les contribuables professionnels, depuis 2022, les plus-values de cessions d’actifs numériques relèvent des bénéfices non commerciaux (BNC) (CGI, art. 92). Les gains issus des activités de minage constituent également des BNC (Bofip BOI-BNC-CHAMP-10-10-20-40).
Pourquoi faut-il déclarer l’existence de comptes d’actifs numériques détenus à l’étranger ?
Les contribuables qui détiennent un portefeuille d’actifs numériques à l’étranger ont une obligation déclarative supplémentaire. À la déclaration de revenus, ils doivent joindre un formulaire Cerfa n° 3916 et n° 3916 bis. Il s’agit de la déclaration par un résident de comptes bancaires d’un compte ouvert détenu utilisé ou clos à l’étranger ou d’un contrat de capitalisation ou placement de même nature souscrit hors de France. Cette obligation concerne aussi les comptes d’actifs numériques, ouverts auprès de dépositaires ou plateformes (CGI, art. 1649 bis C). Les comptes dont les titulaires détiennent la clé privée d’accès ne sont pas concernés par cette déclaration.
Quelles sont les sanctions en cas de non-déclaration ?
En cas de non-déclaration, les contribuables s’exposent à :
- une amende de 750 euros par compte non déclaré et 125 euros par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 euros par déclaration.
- une amende de à 1 500 euros par compte non déclaré et 250 euros par omission ou inexactitude si la valeur du compte d’actifs numériques dépasse 50 000 euros à un moment quelconque de l’année concernée (CGI, art. 1736).
En outre, les contribuables s’exposent à des pénalités pour insuffisance de déclaration ou pour dissimulation d’actifs, qui vont jusqu’à 80 % de l’impôt dû.
Parallèlement, l’article 59 de la loi de finances pour 2025 durcit considérablement l’arsenal de redressement de ces comptes d’actifs numériques non déclarés (L. n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, JORF du 15 février 2025).
À quoi s’exposent les contribuables qui cachent ces comptes d’actifs numériques à l’étranger ?
Désormais, lorsque l’obligation déclarative n’a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l’administration peut demander au contribuable, indépendamment d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle, de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs figurant sur le compte d’actifs numériques.
Si le contribuable y répond de façon insuffisante, l’administration lui adresse une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu’elle souhaite. Enfin, et surtout, si à l’issue de cet échange, l’origine et les modalités d’acquisition ne sont toujours pas justifiées, les actifs sont réputés avoir été reçu à titre gratuit (par donation ou succession) (CGI, art. 755). À ce titre, ils sont assujettis aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé, c’est-à-dire 60 %. Cette présomption peut être renversée : le contribuable peut apporter la preuve que ce patrimoine n’a pas été acquis à titre gratuit.
Le fisc a-t-il connaissance de la détention de ces crypto-actifs à l’étranger ?
Tant que le détenteur de ces actifs à l’étranger ne déclare pas ses portefeuilles numériques détenus à l’étranger dans la déclaration spécifique n°3916 et n°3916 bis, l’administration n’est pas en mesure de les connaître. Mais cette situation ne va pas durer. En effet, l’Union européenne a pris des mesures radicales pour mettre fin à cette opacité en adoptant la directive dite DAC 8 (Directive modificative (UE) 2023/2226 du Conseil du 17 octobre 2023 modifiant la directive 2011/16/UE relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal, JOUE L du 24 octobre 2023). La directive impose aux prestataires de services sur crypto-actifs (PSAN) de fournir des informations aux administrations fiscales. L’article 54 de la loi de finances pour 2025 a transposé cette directive qui va donc pouvoir s’appliquer. À partir de 2027, les prestataires agréés en France ou ayant une présence significative sur le territoire devront communiquer à l’administration fiscale l’ensemble des transactions réalisées par leurs utilisateurs : échanges entre différentes cryptomonnaies, échanges avec des devises et transferts de crypto-actifs (CGI, art. 1649 AC bis).
En 2027, les PSAN concernés devront transmettre à l’administration fiscale les transactions réalisées à partir de 2026.
Quel type d’informations devront transmettre les plateformes étrangères ?
Les plateformes devront indiquer la nature des opérations, la valeur des transactions, ou encore le nombre d’unités échangées. En cas de non-respect de cette obligation, la loi a prévu une amende de 15 euros par transaction non déclarée ou mal déclarée, dans la limite de 2 millions d’euros par prestataire et par an, et une amende pouvant atteindre 50 000 euros pour non-respect des obligations de diligence. Surtout, après deux rappels et un délai de 60 jours, les plateformes non-coopératives seront interdites de toute transaction.
Référence : AJU017h9
