Déclaration des comptes bancaires à l’étranger : la notion de compte utilisé avant 2019

Publié le 25/10/2019

Le Conseil d’État a précisé que les comptes inactifs, c’est-à-dire qui n’enregistrent pas de mouvements de fonds, n’entraient pas dans la notion de comptes bancaires utilisés soumise à obligation de déclaration à l’administration fiscale dans sa version antérieure à 2019. La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude a étendu l’obligation à ces comptes passifs.

Le Conseil d’État a eu l’occasion de préciser la notion de « compte bancaire utilisé », qui doit faire l’objet de la déclaration de comptes à l’étranger par les résidents fiscaux français dans la version antérieure à 2019 (CE, 4 mars 2019, n° 410492). Il en ressort que les comptes inactifs, qui n’enregistrent pas de mouvements de fonds, n’entrent pas dans l’obligation.

L’obligation de déclaration

Suite à un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur les années 2008 à 2010, un couple s’était vu infligé des amendes pour défaut de déclaration de deux comptes bancaires détenus au Luxembourg, sur le fondement de l’article 1736 IV du Code général des impôts (CGI). Le tribunal administratif de Nice avait accepté leur demande de décharge de l’amende infligée à raison d’un des deux comptes au titre de l’année 2009. L’administration fiscale a formé appel de ce jugement et la cour administrative d’appel de Marseille (CAA Marseille, 11 avr. 2017, n° 15MA03437) a rejeté cet appel. Le ministre de l’Économie et des Finances s’est donc pourvu devant le Conseil d’État.

Selon la réglementation applicable aux faits, « les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger », (CGI, art. 1649 A).

L’absence de déclaration est sanctionnée par l’article 1736 IV du CGI, dans sa rédaction applicable à l’année d’imposition en litige : « Les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 1649 A et de l’article 1649 A bis sont passibles d’une amende de 1 500 euros par compte ou avance non déclaré. Toutefois, pour l’infraction aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 1649 A, ce montant est porté à 10 000 euros par compte non déclaré lorsque l’obligation déclarative concerne un État ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires ».

Notion de « compte utilisé »

En outre, l’article 344 A de l’annexe III au CGI apporte des précisions sur la notion de compte utilisé. « I. Les comptes à déclarer en application du deuxième alinéa de l’article 1649 A du Code général des impôts sont ceux ouverts auprès de toute personne de droit privé ou public qui reçoit habituellement en dépôt des valeurs mobilières, titres ou espèces./ II. Les personnes physiques joignent la déclaration de compte à la déclaration annuelle de leurs revenus (…) III. La déclaration de compte mentionnée au II porte sur le ou les comptes ouverts, utilisés ou clos, au cours de l’année ou de l’exercice par le déclarant, l’un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer./ Un compte est réputé avoir été utilisé par l’une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu’elle soit titulaire du compte ou qu’elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d’une personne ayant la qualité de résident ».

Mouvements de fonds

Dans son arrêt du 4 mars dernier, le Conseil d’État suit le raisonnement de la cour administrative d’appel de Marseille qui a relevé dans son jugement que le compte bancaire détenu par les défendeurs au Luxembourg n’avait enregistré, au cours de l’année 2009, que des opérations de crédit relatives au versement des intérêts que ce compte avait produits et des opérations de débit portant sur des frais bancaires afférents à sa tenue.

Dès lors, la cour en avait conclu que ces opérations ne constituaient pas des mouvements de fonds sur le compte en question. Il n’y avait donc pas lieu de considérer que ce compte avait été utilisé pendant l’année litigieuse. C’est à bon droit que le couple titulaire du compte ne l’avait déclaré au titre de l’article 1649 A du CGI.

Le Conseil d’État se livre à une analyse des travaux préparatoires de la loi de finances pour 1990 (L. n° 89-935, 29 déc. 1989, JORF 30 déc. 1989), dont sont issues les dispositions de l’article 1649 A du CGI. « Le législateur, en mettant en place une obligation de déclarer les comptes bancaires utilisés à l’étranger, a entendu instaurer une procédure de déclaration des mouvements de fonds sur de tels comptes afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, s’agissant de contribuables qui ne sont pas astreints à la tenue d’une comptabilité et d’opérations bancaires pour lesquelles l’administration ne peut se faire communiquer les relevés en exerçant le droit de communication qui lui est ouvert par l’article L. 83 du Livre des procédures fiscales », rappellent les juges.

Il en tire la conclusion qu’« un compte bancaire ne peut être regardé comme ayant été utilisé par un contribuable pour une année donnée que si ce dernier a, au cours de cette année, effectué au moins une opération de crédit ou de débit sur le compte. Ne constituent pas de telles opérations, d’une part, des opérations de crédit qui se bornent à inscrire sur le compte les intérêts produits par les sommes déjà déposées au titre des années précédentes, et, d’autre part, des opérations de débit correspondant au paiement des frais de gestion pour la tenue du compte ».

Utilité au regard de la lutte contre la fraude

Dans ses conclusions, le rapporteur public qui invitait à rejeter le pourvoi, analyse les travaux préparatoires : « l’objectif de la disposition tel qu’il ressort de ces travaux préparatoires était de lutter contre la fraude fiscale, dont les comptes bancaires ouverts à l’étranger étaient un vecteur privilégié, en permettant à l’administration d’identifier l’existence de comptes par la déclaration au moment de leur ouverture, puis les sommes qui seraient déposées sur ces comptes par la déclaration de l’utilisation en cours d’année. Or à cet égard, la déclaration d’un compte « dormant » n’est d’aucune utilité pour la lutte contre la fraude fiscale, puisqu’il ne reçoit aucune somme au cours de l’année en cause tandis que son existence est en principe connue de l’administration par la déclaration souscrite à son ouverture ».

Évolution à partir de 2019 : comptes passifs à déclarer

La position affirmée par le Conseil d’État ne vaut que pour les obligations déclaratives antérieures à 2019. Les titulaires de comptes inactifs qui n’ont pas procédé à leur déclaration avant 2019 n’encourent pas l’amende, ni le délai de reprise allongé à 10 ans.

En effet, la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (JORF n° 0246, 24 oct. 2018), a étendu l’obligation de déclaration aux comptes « détenus » à l’étranger, qu’ils soient par conséquent inactifs ou acquis suite à une donation ou à un héritage. Cette obligation, qui figure dans la nouvelle rédaction de l’article 1649 A du CGI, est entrée en vigueur au 1er janvier 2019.

Par ailleurs, en cas de non-respect de cette obligation, le droit de reprise de l’administration fiscale de 10 ans peut s’exercer pendant 10 ans, dès lors que le total des soldes créditeurs de ces comptes étrangers a atteint ou dépassé 50 000 euros ou plus « à un moment quelconque ».

Selon l’article L. 169 du Livre des procédures fiscales : « en cas de non-respect de l’obligation déclarative prévue à l’article 1649 A, cette extension de délai ne s’applique pas lorsque le contribuable apporte la preuve que le total des soldes créditeurs de ses comptes à l’étranger n’a pas excédé 50 000 euros à un moment quelconque de l’année au titre de laquelle la déclaration devait être faite. Le droit de reprise de l’administration concerne les seuls revenus ou bénéfices afférents aux obligations déclaratives qui n’ont pas été respectées ».

Auparavant le délai de prescription était déterminé par la situation du compte (égal ou supérieur à 50 000 euros) au 31 décembre. Si le seuil était inférieur, le délai de reprise de l’administration était de 3 ans, même si le solde du compte avait dépassé 50 000 euros durant l’année.

En outre, la nouvelle rédaction de l’article 344 A annexe III du CGI, issue du décret n° 2018-1 267 du 26 décembre 2018 (JORF n° 0300, 28 déc. 2018), oblige tous les cotitulaires à déclarer le compte à leur nom, à la création et chaque année. Quant aux personnes qui détiennent une procuration, elles sont soumises à l’obligation de déclaration dans la mesure où elles procèdent à des opérations.

La déclaration porte sur « le ou les comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos, au cours de l’année ou de l’exercice par le déclarant, l’un des membres de son foyer fiscal ou une personne rattachée à ce foyer.

Un compte est réputé être détenu par l’une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci en est titulaire, co-titulaire, bénéficiaire économique ou ayant droit économique.

Un compte est réputé avoir été utilisé par l’une des personnes visées au premier alinéa dès lors que celle-ci a effectué au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période visée par la déclaration, qu’elle soit titulaire du compte ou qu’elle ait agi par procuration, soit pour elle-même, soit au profit d’une personne ayant la qualité de résident ».

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