Des ajustements fiscaux en faveur de l’épargne financière
La proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants adoptée le 31 janvier dernier par le Sénat en première lecture met en œuvre les recommandations du rapport Husson Montgolfier d’octobre 2021. Elle comporte un volet fiscal relatif à l’assurance-vie, le PER, le PEA, les investissements locatifs défiscalisés et la réduction Madelin.
Le 31 janvier dernier, les sénateurs ont adopté en première lecture la proposition de loi n° 586 tendant à renforcer la protection des épargnants (https://www.senat.fr/leg/ppl21-586.html), déposée sur le bureau du Sénat en mars 2022. L’initiative s’inspire du travail réalisé par la commission des finances du Sénat par Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier (Rapport d’information n° 20 (2021-2022), La protection des épargnants : payer moins et gagner plus, de Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, déposé le 6 octobre 2021, https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-020-notice.html). Le texte a été transmis à l’Assemblée nationale, le 1er février 2023 et renvoyé à la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire mais n’est pas encore inscrit à son ordre du jour.
Pour améliorer le fonctionnement du marché de l’épargne, les auteurs de la proposition de loi entendent actionner plusieurs leviers :
– Poursuivre le plus strict encadrement de certaines catégories de commissions,
– Permettre à l’épargnant de faire un choix plus éclairé,
– Développer et adapter les produits existants aux nouvelles contraintes du marché,
– Accentuer le contrôle des acteurs du marché de l’épargne.
Les développements suivants portent sur le volet fiscal des mesures adoptées en première lecture au Sénat. Au menu : Assurance-vie, PER, PEA, investissements locatifs défiscalisés et réduction Madelin.
Favoriser la mobilité de l’assurance-vie
La proposition de loi consacre plusieurs articles à l’assurance-vie. Hors livrets réglementés, l’assurance-vie est le produit le plus privilégié par les épargnants, mais aussi l’un des plus chargés en frais. Elle représente :
-
1 856 milliards d’euros d’encours à la fin du mois de novembre 2022,
-
18 millions d’assurés et 38 millions de bénéficiaires,
-
75 % des encours investis en fonds euro, contre 25 % en unités de compte.
L’article 7 vise à favoriser le transfert interne des contrats d’assurance-vie, c’est-à-dire au sein d’une même compagnie d’assurances. Un nouvel article L. 132-21-2 du Code des assurances sécurise ce droit au transfert interne et prévoit qu’il soit réalisé sans frais et dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande de la demande de l’assuré ou du souscripteur. Aussi, « l’intermédiaire d’assurance est tenu de transmettre la demande de transfert à l’entreprise d’assurance concernée qui ne peut s’y opposer. Les frais encourus à l’occasion d’un tel transfert ne peuvent excéder 1 % des droits acquis. Ils sont nuls à l’issue d’une période de huit ans à compter du premier versement dans le bon ou le contrat ». D’une part, il remédie aux insuffisances des dispositions issues de la loi Pacte de 2019, qui constituait un premier pas en faveur de la transférabilité des contrats au sein d’une même compagnie. Ainsi, le présent article sécurise ce droit au transfert interne à une compagnie et prévoit qu’il soit réalisé sans frais et dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande de transfert.
Conserver l’antériorité fiscale
D’autre part, l’article 7 améliore les conditions de la transférabilité externe en proposant la portabilité de l’antériorité fiscale du contrat en cas de rachat et d’ouverture d’un autre contrat d’assurance-vie souscrit auprès d’une autre compagnie. Il pose deux conditions :
-
le contrat racheté a une durée supérieure à huit ans,
-
l’intégralité de l’épargne est transférée dans un bon ou contrat souscrit six mois avant la date du rachat.
À partir du 1er janvier 2025, cette opération n’entraînerait plus les conséquences fiscales d’un dénouement (CGI, art. 125-0 A). L’objectif de cette mesure est de garantir une réelle concurrence sur ce segment du marché de l’épargne et de permettre aux épargnants d’opter pour des contrats plus performants et moins chargés en frais.
Pas de nouvelle incitation fiscale au transfert assurance-vie – PER
L’article 8 entendait prolonger jusqu’en 2026 le bénéfice de l’incitation fiscale prévue par la loi Pacte pour favoriser le transfert des sommes investies dans un contrat d’assurance-vie vers un plan d’épargne retraite (PER). Le gouvernement considérait alors que l’assurance-vie était utilisée par beaucoup de Français pour préparer leur retraite, son passage vers un produit conçu à cet effet devait être facilité. En vertu de ce régime applicable jusqu’au 31 décembre 2022, le détenteur d’un contrat d’assurance-vie pouvait, plus de 5 ans avant l’âge de départ à la retraite, racheter son contrat d’assurance-vie et verser cette épargne dans un PER dans des conditions fiscales avantageuses. Il bénéficiait en effet du doublement des abattements applicables sur les gains en cas de rachat (9 200 euros pour un contribuable célibataire, 18 400 euros pour un couple soumis à imposition commune).
La suppression de cet article a été largement soutenue, notamment par la commission des finances, pour des raisons de cohérence avec la réforme des retraites en cours de discussion à l’Assemblée nationale. « Si nous supprimions l’article 8, qui ne semble d’ailleurs pas essentiel au texte, la proposition de loi ne contiendrait aucun article favorisant la retraite par capitalisation », a indiqué Rémi Féraud, secrétaire de la commission des finances. Pour Jean-Noël Barrot, ministre délégué auprès du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, « la phase d’acclimatation au nouveau PER étant sans doute désormais terminée, il paraît opportun de mettre fin au dispositif ».
PEA : Droit à l’erreur en cas d’achat de titres inéligibles
L’article 5 de la proposition de loi permet au détenteur d’un PEA de ne pas perdre l’avantage fiscal attaché à ce produit lors de l’acquisition de titres inéligibles (CGI, art. 1765). En principe, un tel manquement entraîne la clôture automatique du plan. La possibilité de remédiation prévue par la proposition de loi ne serait possible que si le gestionnaire du plan n’a pas mis en place de procédures permettant de bloquer l’acquisition de tels titres. Les détenteurs disposeraient alors d’un délai de deux mois pour rectifier leur situation : céder leurs titres ou les retirer du plan, sans pour autant perdre l’avantage fiscal lié au PEA (mais à condition de procéder à un versement compensatoire en numéraire d’un montant égal à la valeur des titres appréciée à la date de l’acquisition). Cette disposition entrerait en vigueur au 1er janvier 2024.
PEA et FCPR
Afin de faciliter le déploiement du capital-investissement tout en accroissant son accessibilité pour les investisseurs particuliers, l’article 5 bis de la proposition de loi assouplit les conditions d’éligibilité des titres au PEA afin de rendre éligibles plus de fonds communs de placement à risque (FCPR). En pratique, seraient éligibles les FCPR qui s’engagent à constituer d’ici le cinquième exercice du fonds au moins 75 % de leur actif d’actions et parts sociales éligibles au PEA, et pas seulement les FCPR dont l’actif est immédiatement constitué à 75 % de titres éligibles.
Réduction Madelin
L’article 6 de la proposition de loi prévoit de renforcer la réduction d’impôt sur le revenu au titre de la souscription au capital des petites et moyennes entreprises (PME), dite réduction d’impôt Madelin, ou IR-PME (CGI, art. 199 terdecies-0A). Son taux de réduction d’impôt de droit commun de 18 % est régulièrement porté à 25 % à titre dérogatoire. La proposition de loi relève ce taux majoré à 30 % jusqu’en 2026.
Les sénateurs ont adopté un article 6 bis qui ouvre la réduction d’impôt au titre des souscriptions au capital des entreprises solidaires d’utilité sociale (ESUS) agréées par le ministère chargé de la Culture qui sont chargées d’une mission patrimoniale, à savoir la préservation et la mise en valeur des monuments historiques et des sites, parcs et jardins protégés (CGI, art. 199 terdecies-0 AA).
Investissements locatifs défiscalisés
L’article 11 de la proposition de loi se consacre aux investissements locatifs défiscalisés. Les mesures adoptées par les sénateurs poursuivent deux objectifs : accroître les contrôles a priori des offres d’investissement défiscalisé dans le secteur du logement locatif et fournir aux épargnants une information beaucoup plus transparente et complète sur les risques encourus dans le cadre de ces investissements. « Les investissements immobiliers défiscalisés (…) sont aujourd’hui peu contrôlés », indique Albéric de Montgolfier, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des finances, qui plaide pour la mise en place d’un contrôle préalable de l’investissement locatif. Selon la commission des finances en effet « il existe une « zone d’ombre » en matière de contrôle des offres fiscales immobilières. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), compétente pour le secteur immobilier, estime que les contrôles a priori ne constituent pas en l’état du droit son cœur de métier. Les agents de la DGCCRF interviennent le plus souvent « trop tard », après le dépôt d’une réclamation. Il n’existe donc pas aujourd’hui d’autorité ou d’administration en mesure de constater et de sanctionner les offres abusives ou frauduleuses ». C’est pourquoi, le texte initial prévoyait de créer un nouveau statut d’intermédiaires en immobilier et de leur imposer des obligations similaires à celles qui incombent aux intermédiaires en biens divers (investissements dits « atypiques » comme le vin ou les œuvres d’art), sous l’égide de l’AMF. Finalement, la proposition de loi prévoit, à terme, de renforcer les prérogatives des agents de la DGCCRF. À cette fin, le gouvernement devra remettre au Parlement (dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la proposition de loi si elle devait être adoptée) une évaluation des moyens financiers, juridiques et humains nécessaires au contrôle systématique du respect des communications à caractère promotionnel de toute personne qui, directement ou indirectement, propose d’acquérir un logement Pinel, et Girardin, ainsi qu’au contrôle, avant toute communication à caractère promotionnel, des projets de documents d’information et de contrat type relatifs aux opérations d’acquisition précitées.
Améliorer l’information de l’investisseur
Par ailleurs, pour que les épargnants disposent d’une information beaucoup plus transparente et complète sur les risques encourus dans le cadre de ces investissements, tant sur le plan de leur patrimoine (valorisation de l’immobilier) que sur le plan fiscal (reprise de l’avantage fiscal par l’administration en cas de non-respect des conditions régissant leur octroi), les obligations de publicité ont été renforcées. L’article 122-23 du Code de la consommation est complété afin que les règles applicables aux publicités dans le cadre des dispositifs Pinel, Censi-Bouvard et Malraux le soient également pour le Girardin.
Pour tous ces investissements, et avant la conclusion de la vente, la proposition de loi impose aux vendeurs de remettre à leurs clients ou prospects une notice d’information annexée à la promesse de vente. Tout manquement à ces obligations serait passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 euros pour une personne physique et à 375 000 euros pour une personne morale.
Référence : AJU007y1