Fiscalité immobilière : la taxation des biens immobiliers à usage résidentiel

Publié le 04/01/2023
Usufruit, immobilier
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En France, comme dans la majorité des pays membres de l’OCDE, l’immobilier représente une part importante du patrimoine des ménages. Les impôts et les taxes que les pouvoirs publics appliquent au logement revêtent donc une importance stratégique, accentuée par l’augmentation des prix de l’immobilier.

D’après la dernière enquête de l’INSEE sur le patrimoine des ménages Français (septembre 2022) avec 16 530 Mds€ fin 2021, leurs actifs ont progressé de 7, 5 % sur un an, une hausse largement alimentée par l’augmentation des prix de l’immobilier. La pierre représente 55 % des actifs des ménages. Une tendance que l’on retrouve dans l’ensemble des pays de l’OCDE (La fiscalité immobilière dans les pays de l’OCDE, 27 juill. 2022). Le logement y constitue en moyenne le principal poste de dépense des ménages, tous groupes de revenu confondus, et représente une part de leurs dépenses totales qui n’a cessé de s’accroître ces dernières années. Malgré quelques fluctuations, les prix de l’immobilier ont enregistré une progression forte et continue au cours du siècle dernier, qui s’est brusquement accélérée ces 30 dernières années, avant de connaître une croissance encore plus importante durant la pandémie de Covid-19.

Le logement, premier actif patrimonial

Dans les pays de l’OCDE, si son importance relative varie d’un pays à l’autre, le logement constitue en outre le principal investissement que réalisent les ménages au cours de leur vie, ainsi que la majeure partie de leur patrimoine. C’est un vecteur essentiel d’accumulation du patrimoine et un actif particulièrement important pour les ménages de la classe moyenne. Les résidences principales représentent en moyenne 50 % du patrimoine total des ménages, toutes catégories confondues, et plus de 60 % du patrimoine de la classe moyenne, dans les pays de l’OCDE. Cependant, ces chiffres restent sujets à variation d’un pays à l’autre. Ainsi, le patrimoine immobilier représente au moins 80 % du patrimoine total des ménages au Chili, en Lettonie, en Lituanie et en Grèce, alors qu’il représente moins de 40 % du patrimoine total des ménages aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande.

Un patrimoine encore concentré

De même, la part de propriétaires sur l’ensemble des ménages s’échelonne de 44 % (en Allemagne) à 93 % (en Lituanie). De façon générale, le patrimoine immobilier reste concentré entre les mains de certaines catégories de ménages majoritairement des couples à haut revenu, à haut patrimoine et âgés. La France, d’après les derniers chiffres de l’Insee, datés de 2021, est une bonne illustration de ce phénomène de concentration du patrimoine immobilier. En effet, 24 % des ménages détiennent 68 % des logements possédés par les particuliers. Et plus leur niveau de vie augmente, plus les ménages détiennent un nombre élevé de logements. L’augmentation sans précédent des prix de l’immobilier au cours des trois dernières décennies a rendu de plus en plus difficile l’accès des jeunes ménages à la propriété immobilière dans l’ensemble des pays membres de l’OCDE. Les propriétaires les plus âgés et les plus aisés détiennent une majorité des résidences principales, ainsi que des biens immobiliers secondaires. Ils détiennent également une part disproportionnée de la dette immobilière, même si, en termes relatifs, la charge de la dette pesant sur les ménages à faible revenu ayant contracté un emprunt est généralement plus élevée, souligne le rapport de l’OCDE sur la fiscalité immobilière. En outre, la proportion de propriétaires comme le niveau de patrimoine immobilier apparaissent fortement corrélés à l’âge. Ce sont les ménages âgés qui détiennent le patrimoine immobilier le plus important. Et on trouve dans cette catégorie de ménages, une part bien plus élevée de propriétaires.

La fiscalité de l’immobilier, un sujet politique

« Compte tenu des pressions qui s’exercent sur les pouvoirs publics pour mobiliser des recettes, améliorer le fonctionnement des marchés du logement et lutter contre les inégalités, la conception des taxes sur l’immobilier revêt une importance croissante », souligne le rapport de l’OCDE. Confrontés à la pandémie de Covid-19, de nombreux pays cherchent à accroître leurs recettes fiscales sans mettre en péril la reprise de leur économie. Ils sont également nombreux à subir des pressions grandissantes les incitant à s’attaquer aux problèmes du creusement des inégalités et de la baisse de l’accessibilité du logement, qui touchent surtout les jeunes ménages et ceux à faible revenu. En outre, la mobilité internationale croissante des capitaux et des personnes peut inciter les États à augmenter les recettes provenant de bases d’imposition moins mobiles, comme les actifs immobiliers.

Une majorité d’impôt à l’acquisition

L’acquisition d’un actif immobilier donne lieu au prélèvement d’un impôt sur les transactions dans 30 des 38 pays membres de l’OCDE. Cet impôt est en règle générale calculé à un taux forfaitaire et, dans quelque cas seulement (Australie, Canada, Corée, Israël, Mexique, Portugal et Royaume-Uni), en fonction de la valeur du bien acquis. L’acquisition d’un logement neuf est souvent exonérée de l’impôt sur les transactions ; en revanche, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), parfois à un taux réduit, s’applique habituellement aux constructions neuves. Dans un certain nombre de pays (par exemple, l’Australie, le Canada, l’Italie et le Royaume-Uni), les primo-accédants bénéficient par ailleurs d’exemptions ou d’abattements sur l’impôt sur les transactions, le plus souvent conditionnés à la valeur du bien.

Des impôts de détention généralisés

Des impôts périodiques sur la propriété immobilière durant la période de détention, sont prélevés dans tous les pays de l’OCDE, généralement acquittés par les propriétaires et dans quelques rares cas, par les occupants. Ils sont prélevés à la fois sur le terrain et les constructions, à l’exception de quelques administrations centrales ou infranationales qui font porter l’impôt uniquement sur le terrain, comme le Danemark ou l’État australien de Nouvelle-Galles-du-Sud, ou appliquent des taux différenciés au foncier et au bâti comme en Finlande ou dans certaines communes d’Hawaï et de Pennsylvanie aux États-Unis.

Généralement, l’impôt à acquitter dépend de la valeur de marché estimée du bien, Israël, la Pologne, la République slovaque et la République tchèque appliquent un mode de calcul fondé essentiellement sur la superficie du bien. Dans un petit nombre de pays, comme, le Chili, la Corée, le Danemark, la Grèce, la Lettonie et le Mexique, les impôts périodiques sur la propriété immobilière sont caractérisés par un taux progressif. Ils peuvent aussi comporter un élément de progressivité dans les pays qui appliquent un seuil d’exonération, comme en Lituanie.

Quel impôt sur les revenus locatifs ?

Les revenus locatifs sont imposés dans la grande majorité des pays de l’OCDE. Dans 34 de ces pays membres, ils sont soumis à l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), à un taux forfaitaire dans les pays dotés d’un système d’imposition duale (comme au Danemark et en Finlande) et à des taux progressifs dans ceux dont le système d’imposition est basé sur le revenu global (comme l’Allemagne, le Canada ou encore la Nouvelle-Zélande). L’imposition des loyers imputés des résidences principales reste rare. Seuls le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et la Suisse imposent ces loyers à des taux généralement inférieurs à ceux des revenus locatifs. La prise en compte des intérêts d’emprunt, est courante. 17 pays de l’OCDE accordent une forme d’allégement (abattement fiscal ou crédit d’impôt) pour les résidences principales. Certains États plafonnent l’allégement ou ne l’accordent qu’en deçà d’un certain niveau de revenu ou de valeur du bien. L’allégement relatif aux intérêts d’emprunt est plus répandu en ce qui concerne les biens locatifs que les résidences principales.

Impôt sur le patrimoine

Quelques pays de l’OCDE imposent le patrimoine net global, y compris les actifs immobiliers, mais appliquent le plus souvent un traitement fiscal préférentiel à la résidence principale. Trois pays de l’OCDE prélèvent un impôt périodique (sur le patrimoine net global au-delà d’un certain seuil. Les résidences principales bénéficient le plus souvent d’un traitement fiscal préférentiel au titre de cet impôt. Quelques pays, par exemple, la France et la Corée, prélèvent également des impôts à l’échelon national sur le patrimoine immobilier global au-delà d’un certain seuil. Au moment de la cession d’un bien immobilier, de grandes différences existent dans le traitement fiscal des plus-values selon que le bien vendu est une résidence principale ou un autre logement. Vingt pays prévoient une exonération fiscale totale et inconditionnelle des plus-values réalisées sur la vente de la résidence principale. Ailleurs, une exonération totale et d’autres avantages fiscaux sont accordés sous réserve de conditions telles qu’une durée de détention minimum, le montant de la plus-value ou son réinvestissement dans un autre bien. Les plus-values réalisées sur les cessions d’autres types de biens immobiliers sont imposées dans 33 pays, mais souvent, là encore, à un taux réduit si la période de détention excède une certaine durée.

Droits de mutation

Des droits de succession et de donation sont également prélevés dans de nombreux pays au moment de la transmission de biens immobiliers aux héritiers avec un traitement fiscal préférentiel pour la résidence principale sous certaines conditions selon les pays. Un certain nombre de pays exonèrent totalement ou partiellement la résidence principale, tandis que d’autres appliquent des valeurs inférieures à celles du marché ou des taux d’imposition réduits. La plupart des pays imposent des conditions, par exemple le fait, pour le donataire, de vivre dans le logement du donateur avant le décès de ce dernier, au moment de son décès ou juste après. Les autres biens immobiliers à usage résidentiel sont, en règle générale, entièrement inclus dans l’assiette de l’impôt sur les successions.

Quelles pistes de réforme pour demain ?

L’OCDE formule un certain nombre de propositions pour accroître l’efficience, l’efficacité et l’équité de la fiscalité immobilière. Pour améliorer le marché du logement, le rapport suggère de renforcer le rôle des impôts périodiques sur la propriété immobilière, notamment en veillant à ce qu’ils reposent sur des valeurs cadastrales régulièrement mises à jour, et d’abaisser les impôts sur les transactions immobilières. Cette mesure serait également propre à renforcer l’équité et la justice sociale. Il propose également de réduire ou de plafonner certaines incitations fiscales, comme la déductibilité des intérêts d’emprunt au titre des résidences principales, afin de renforcer la progressivité, de limiter les distorsions et de freiner les tensions sur les prix de l’immobilier. Alors que le secteur résidentiel génère 17 % des émissions de CO2 liées à l’énergie, le rapport suggère que le système fiscal a un rôle à jouer dans la réduction des émissions, mais préconise de mieux cibler les incitations fiscales en faveur des travaux de rénovation énergétique des bâtiments afin d’en améliorer l’accès pour les ménages à faible revenu. Bien entendu ces réformes doivent être adaptées aux évolutions macroéconomiques à venir, en particulier dans le contexte actuel d’inflation élevée et de hausse des taux d’intérêt.

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