Fiscalité locative : les conclusions du rapport Le Meur sur la fiscalité locative

Publié le 22/11/2024
Fiscalité locative : les conclusions du rapport Le Meur sur la fiscalité locative
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Le rapport très attendu sur la fiscalité des revenus locatifs remet en cause la niche fiscale Airbnb. Il propose d’unifier les revenus locatifs sous la catégorie des revenus fonciers, sauf pour le locatif meublé professionnel, qui resterait imposé comme BIC selon des critères réévalués. Les trois scenarii proposés jouent sur les abattements en régime micro, les seuils de passage du micro au réel et la prise en compte des amortissements.

Commandé par le gouvernement en juillet 2023 suite à plusieurs initiatives parlementaires, le rapport de la députée Renaissance, Annaïg Le Meur (réélue), sur la fiscalité locative a été publié le 15 juillet dernier (« Propositions de réforme de la fiscalité locative », Annaïg Le Meur, Assemblée nationale). Ses conclusions doivent inspirer le législateur et le futur gouvernement pour prendre les mesures qui s’imposent dans un contexte de crise du logement. Les réformes fiscales qu’il propose ont pour objectif de favoriser la location de longue durée à titre de résidence principale et d’assurer une offre de logements locatifs privés à loyers abordables et de qualité.

La réforme hasardeuse de la loi de finances pour 2024

Ce rapport est attendu par un très large public : les acteurs de la ville, les ménages et les propriétaires bailleurs qui s’attendent à voir évoluer la taxation des revenus locatifs. D’ailleurs, leur situation a déjà évolué, avec l’adoption « hasardeuse » par l’article 45 de la loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, JORF n° 0303 du 30 décembre 2023) d’une réforme dont le gouvernement alors en place ne souhaitait pas. La loi de finances pour 2024 prévoit en effet un durcissement des règles micro-BIC applicables aux loueurs de meublés de tourisme non classés (villas, appartements ou studios meublés à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois). Elle abaisse sa limite d’application, qui passe à 77 700 euros (de chiffre d’affaires HT de l’année civile précédente ou de la pénultième année) à 15 000 euros. Les loueurs de meublés de tourisme classés ne sont pas concernés par cette disposition et relèvent toujours de la limite d’application du régime micro-BIC fixée à 188 700 euros. De plus, la loi abaisse le taux d’abattement 50 % à 30 %.

Une fiscalité complexe et injuste

Le cadre analysé, qui raisonne en partie sur la fiscalité antérieure à l’intervention des mesures adoptées dans la loi de finances pour 2024 apparaît « excessivement complexe et déséquilibré ». Il repose sur une différence de traitement entre la location nue et la location meublée, en faveur de celle-ci. Il est considéré « comme sans justification, ni économique, ni juridique, et comme inéquitable ». Les revenus de la location nue sont imposés en revenus fonciers et ceux de la location meublée en tant que bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Jusqu’à la loi de finances pour 2024, les régimes simplifiés dits « micro » permettaient des abattements forfaitaires sur les revenus à des taux plus élevés pour les meublés que pour la location nue, et les seuils du régime micro étaient beaucoup plus élevés pour les meublés. « On arrive, dans certaines situations, à ce que les revenus locatifs tirés d’une location en meublé soient totalement exonérés d’impôt », indique le rapport. 68 % des contribuables en régime BIC réel ne sont pas imposés sur leurs revenus locatifs, contre seulement 14 % de ceux imposés en régime foncier. De plus, les régimes d’imposition au réel permettent d’amortir le bien meublé, mais pas le bien nu. Même constat pour la taxation des plus-values de cession : le régime est plus favorable pour les meublés que pour les biens nus.

Ces six dernières années, le rapport rapporte une baisse faible (-0,2 %) mais historique du nombre de logements nus déclarés, alors que le nombre de logements meublés a crû de plus de 50 % sur la même période. Ce phénomène n’est pas dû qu’au régime fiscal. Le rapport rappelle que les locations meublées présentent un rendement locatif supérieur, surtout pour des locations de courte durée et bénéficient d’un cadre juridique plus souple dans les relations bailleur-locataire.

Neutraliser les incitations fiscales et faire converger les régimes

Toutefois, « la fiscalité n’a pas à encourager tel type de location par rapport à tel autre, et devrait rester neutre en traitant les locations nues et meublées dans un même régime, aussi bien pour le régime micro simplifié que pour le régime au réel ». En revanche, il y a « un objectif de politique publique à encourager la location de longue durée, qui permet de donner une résidence principale à des familles, avec également des segments de loyers accessibles pour des publics défavorisés qui ne peuvent pas tous entrer dans le parc social ».

C’est pourquoi, le rapport recommande, de façon générale, la convergence des régimes de la location nue et de la location meublée. Il propose d’unification des revenus locatifs sous la catégorie des revenus fonciers – excepté pour le locatif meublé professionnel (LMP), ceux-ci restant imposés comme BIC selon des critères réévalués. Les paramètres de réforme sont principalement les abattements en régime micro, les seuils de passage du micro au réel et la prise en compte des amortissements.

Plusieurs scénarios de réforme sont présentés en ce sens, tous tendant aussi à simplifier la fiscalité. Ils ont quatre éléments en commun.

• La réunification des revenus locatifs patrimoniaux dans une seule catégorie d’imposition : celle des revenus fonciers. Tous les revenus issus de la location nue seraient donc déclarés en revenus fonciers, qu’il s’agisse de locations nues, ce qui est déjà le cas, ou de locations meublées non professionnelles, jusqu’à présent imposées dans la catégorie des BIC.

• Une réforme à la marge de la fiscalité du loueur meublé professionnel (LMP). Ce régime du LMP restera en dehors de la réunification et demeurera en BIC. Toutefois, il est proposé, dès à présent, trois mesures dans le rapport :

-Relever le plancher pour y accéder : de 23 000 euros il pourrait passer à au moins 30 000 euros « pour éviter une aspiration artificielle des LMNP vers les LMP, par attrait pour le dispositif de l’amortissement » ;

-Intégrer dans le montant total des autres revenus, les revenus de capitaux mobiliers ;

-Afin éviter les effets de bords entre les logements meublés non professionnels et professionnels, la première année de dépassement d’un côté comme de l’autre, le régime initial serait conservé. Le régime ne pourrait être adopté qu’après deux dépassements consécutifs du seuil. En tout état de cause, l’intégration des revenus de capitaux mobiliers dans l’assiette des autres revenus devrait limiter ces rares cas.

• Une révision du seuil de passage, du régime micro au réel, de 15 000 euros à 30 000 euros. Le rapport rappelle que ce seuil n’a pas été révisé depuis une vingtaine d’années, alors que le marché du logement est globalement en inflation largement positive.

 

La suppression de l’amortissement au réel : une période transitoire

Le rapport préconise la suppression de l’amortissement au régime BIC réel des LMNP, « c’est ce dispositif qui fait du régime LMNP une niche fiscale », indique-t-il, « un biais fiscal disproportionné, et sans fondement économique, en faveur du logement meublé par rapport au logement nu ».

Sa suppression va donc fortement impacter les loueurs en meublés dégradant la rentabilité nette des logements loués meublés, et donc des investissements réalisés en tenant compte de ces amortissements. Une période transitoire sera mise en place afin d’étaler le préjudice subi par les propriétaires concernés. Le rapport identifie deux aménagements transitoires possibles :

• Le premier (qui s’appuie sur le mécanisme proposé par le conseil des prélèvements obligatoires (CPO) dans son rapport de 2018 sur les prélèvements obligatoires sur le capital des ménages) prévoit de limiter la suppression de l’amortissement qu’aux biens mis en location postérieurement à la réforme, ou antérieurement uniquement à l’occasion d’un changement de bail. Ce dispositif présente toutefois un inconvénient majeur puisque, dépendant du caractère volontaire des acteurs de déclarer un changement de bail, il est facilement contournable. Dans cette hypothèse, le bailleur attesterait sur l’honneur dans sa déclaration d’impôt la signature d’un bail avec la date et le nom du ou des locataires. En revanche, il restera possible soit de passer en charge, soit d’amortir les meubles meublants et les dépenses d’équipements pour les logements meublés.

• Le second aménagement envisagé prévoirait une fin de l’amortissement « en sifflet », d’une période de 3 à 5 ans, avec une limitation graduelle de l’amortissement imputable, sur le modèle de la suppression de la majoration pour non-adhésion à un organisme de gestion agréé. Cette solution emporte la préférence des auteurs du rapport en ce qu’il donne une meilleure visibilité à la fois au contribuable et à l’administration fiscale.

Dans tous les cas, les déficits antérieurs provoqués par la constatation des amortissements devraient être préservés et être imputables sur les revenus locatifs nets futurs, puisqu’elles sont des charges antérieures à la réforme. Au 31 décembre 2021, ces déficits non imputés constituaient pour la seule année 2021 déjà 731 millions d’euros.

Scénario 1 : Unification des deux régimes et taux d’abattement micro à 40 %.

Ce scénario vise à la simplification afin de retirer tout biais fiscal dans le choix du modèle de location pour le bailleur. Ainsi, il supprime le régime BIC pour les locations meublées non professionnelles pour les imposer en revenus fonciers. Les bailleurs en dessous du seuil d’imposition au régime réel (30 000 euros) seront, sauf option pour le régime réel, imposés au micro-foncier, avec un abattement porté à 40 % ; Au régime réel, l’amortissement serait supprimé. Ce scénario n° 1 comptera de 586 000 foyers fiscaux perdants. Une variante 1 bis propose un taux d’abattement dans le régime micro de 50 %. Il permet de limiter le nombre de foyers fiscaux perdants (166 000). Dans ces deux scénarios, le nombre de foyers gagnants dépassent le million.

Scénario 2 : Promotion de la location de longue durée avec un abattement majoré de 10 % par rapport à la location de courte durée.

Ce scénario n° 2 poursuit une volonté de désincitation de la location meublée de courte durée, avec un décalage d’abattement entre les LMNP touristiques de courte durée et les locations de longue durée. Il propose de renverser l’incitation fiscale par rapport à la situation actuelle. Dans le cadre du micro foncier, les LMNP de courte durée ne bénéficieraient plus que d’un abattement de 30 %, alors que les locations de longue durée (soumises à bail type « loi de 1989 ») bénéficieraient au micro-foncier d’un abattement de 40 %. Le nombre de foyers perdants est estimé à 600 000.

Un scénario 2 bis propose un abattement encore plus avantageux pour la location longue durée à 50 % en régime micro, permettant de ne causer aucune perte pour les propriétaires de location meublée longue durée déclarant aujourd’hui en régime micro-BIC.

Scénario 3 : Proposition désincitative pour le LMNP de courte durée et la mise en place d’un amortissement spécifique pour le logement longue durée

Ce troisième scénario s’appuie également sur une discrimination de la location meublée de courte durée au régime micro, qui ne bénéficierait que d’un abattement de 30 %, contre 40 % pour la location de longue durée. En supplément, il propose un supplément de cette distinction en régime micro, une déduction des amortissements en régime réel pour les locations de longue durée, nues ou meublées. L’amortissement serait fixé à 2 % de la valeur du bien, en excluant la valeur du terrain, qui serait fixé à 40 % de la valeur totale du bien. Cela revient à un amortissement du bâti sur 50 ans.

Les revenus déclarés par le biais d’une SCI

Le rapport s’est également positionné sur les revenus locatifs encaissés par les sociétés civiles immobilières (SCI). En principe, les SCI sont soumises à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers. En général, elles louent des biens vides et non des biens meublés. La location meublée étant une activité commerciale, les SCI qui exercent l’activité de location meublée sont donc soumises à l’impôt sur les sociétés (IS) en vertu de l’article 206 2° du Code général des impôts (CGI). Dans ce cas, la SCI doit respecter les règles des BIC et peut déduire toutes les charges nécessaires à l’exploitation, y compris l’amortissement du bien. Les SCI ont la possibilité de rester imposées à l’impôt sur le revenu, à condition que le montant des recettes provenant de la location meublée n’excède pas 10 % du montant total des recettes réalisées par la SCI.

Selon le rapport, « les loueurs pourront continuer à gérer leur bien immobilier via une société soumise à l’IS comme auparavant. Pour autant, le simple fait de louer un bien immobilier meublé n’aura plus pour conséquence de considérer son activité comme une activité commerciale et donc de la soumettre à l’IS, puisqu’elle dépendra des revenus fonciers, activité civile. Il aura ainsi une certaine neutralité qui sera rétablie dans la gestion des locations meublées comme des locations nues via une société civile ».

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