Focus sur la mise en application du plan de lutte contre la fraude fiscale

Publié le 23/08/2024
Evasion fiscale
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Davantage de moyens humains et matériels pour le ciblage et la détection de la fraude fiscale, développement du contrôle à distance, essor grandissant du datamining et de l’utilisation de l’intelligence artificielle pour orienter le contrôle fiscal : la DGFiP fait le point sur les réalisations de l’année écoulée en matière de lutte contre la fraude fiscale.

En juin 2024, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) a présenté son rapport d’activité pour l’année 2023. Elle a accordé une large place à la mise en application du plan de lutte contre la fraude fiscale, douanière et sociale, présenté au printemps 2023, qui mobilise l’ensemble des agents des services concernés : finances publiques, direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI), service d’enquêtes judiciaires des finances  (SEJF), Tracfin et organismes de sécurité sociale.

La lutte contre la fraude

Ce plan s’inscrit dans une démarche de renforcement des moyens humains et matériels. La mission de contrôle fiscal compte en effet plus de 10 000 agents répartis sur tout le territoire. Elle s’exerce au niveau international, national, interrégional et départemental, selon l’importance économique de la personne physique ou morale contrôlée. Cette mission regroupe également les activités de recherche d’informations et de programmation des contrôles. À l’échelon national, trois grandes directions assurent des opérations d’enquête et de contrôle fiscal. La direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) déploie des brigades spécialisées pour lutter contre les réseaux frauduleux, avec une compétence particulière dans les secteurs à risques tels que la TVA intracommunautaire, les carrousels TVA, les cryptomonnaies ou les actifs numériques. La Direction nationale des vérifications de situations fiscales  (DNVSF) traite les dossiers complexes et significatifs de personnes physiques, que ce soit en termes d’enjeux financiers ou de notoriété. Enfin, la Direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) a pour mission le contrôle fiscal des grandes entreprises, qu’elles soient nationales ou internationales, ainsi que de leurs filiales. À l’échelon interrégional, les Directions spécialisées de contrôle fiscal (DIRCOFI) assurent le contrôle fiscal des entreprises de taille moyenne. Au sein de chaque direction départementale ou régionale des finances publiques, des brigades contrôlent les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 million d’euros pour les ventes et à 0,5 million d’euros pour les services. À ce même échelon, les Pôles de contrôle et d’expertise  (PCE) instruisent les demandes de remboursement des crédits de TVA et réalisent les contrôles sur pièces des professionnels. Le contrôle fiscal des particuliers est, quant à lui, principalement exercé par les pôles de contrôles revenus/patrimoine (PCRP), qui examinent la cohérence entre les déclarations de revenus et de patrimoine. Les services des impôts des particuliers (SIP) peuvent également mener certains contrôles sur pièces.

Renforcer les moyens du contrôle fiscal

Les effectifs du contrôle fiscal vont significativement augmenter d’ici 2027. Les effectifs de la police fiscale seront, quant à eux, multipliés par deux. Pour le renseignement économique et financier, 100 millions d’euros supplémentaires seront investis d’ici 2027 et une cellule dédiée est créée pour la recherche et la prévention des fraudes fiscales. Elle permettra notamment de mieux cibler les fraudes les plus complexes et graves, y compris la dissimulation dans des paradis fiscaux ou optimisation abusive. L’accent est également porté sur le contrôle fiscal des hauts patrimoines et des grandes entreprises avec pour objectif l’augmentation des contrôles des particuliers, et notamment des plus gros patrimoines, de 25 % d’ici 2027. Pour faire face à l’augmentation et à l’évolution permanente des tentatives de fraudes déclaratives à l’impôt sur les revenus, une cellule nationale centralisée a été mise en place en décembre 2023 afin  d’établir la stratégie nationale de lutte contre ce type de fraudes. Elle assure la mise en œuvre coordonnée et opérationnelle avec l’ensemble des acteurs concernés.

Mieux évaluer la fraude fiscale

Le Conseil d’évaluation des fraudes (CEF) a été créé pour définir une méthode harmonisée et partagée d’évaluation pour connaître le montant de la fraude ainsi que pour mieux appréhender les nouvelles pratiques et les phénomènes émergents de la fraude, notamment liés au développement du numérique et améliorer les leviers de lutte contre la fraude. Sa première session s’est tenue le 10 octobre 2023. Elle a réuni une trentaine de participants, issus d’horizons professionnels multiples (directeurs d’administrations, parlementaires, experts internationaux, représentants du monde académique et d’autorités indépendantes), pour évaluer le montant des fraudes fiscales, sociales, douanières et aux aides publiques notamment écologiques, en vue de mieux connaître et comprendre ce phénomène et d’agir plus efficacement contre toutes les fraudes aux finances publiques. En renforçant la collaboration avec d’autres administrations, l’autorité judiciaire et ses partenaires internationaux, les finances publiques s’engagent activement dans une démarche de mutualisation des informations afin de cibler précisément les différentes fraudes. Plusieurs dispositifs sont ainsi en cours de déploiement afin d’élargir l’accès des finances publiques aux bases de  données sociales. Depuis mai 2023, les directions nationales spécialisées peuvent solliciter un accès au portail « partenaire CAF », permettant de disposer d’informations telles que les numéros d’allocataire ou la nature des prestations familiales versées. Une expérimentation de l’ouverture de l’accès au Répertoire national commun des données de la protection sociale  (RNCPS) à un panel restreint de services a également été lancée par la signature d’une convention juridique avec la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV). Des travaux sont également menés en matière de transmission des résultats à la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) des contrôles sur les particuliers susceptibles d’avoir une incidence sur le montant des aides sociales. En matière d’échanges de données entre les finances publiques et la Direction générale des douanes et des impôts indirects (DGDDI), les nouvelles modalités de gestion de la TVA à l’importation, comme les nouvelles modalités déclaratives prévues pour le e-commerce, ont participé à l’accélération des échanges entre les deux administrations. À titre d’exemple, de nouveaux dispositifs ont été mis en place pour transmettre les données de dédouanement ou les données des contrôles douaniers pour le contrôle de la TVA à l’importation de la DGDDI vers les finances publiques.

Contrôle fiscal à distance et intelligence artificielle

De nouvelles structures ont vu le jour dans le cadre de la relocalisation des services des finances publiques dans les territoires. Ainsi cinq pôles nationaux de contrôle à distance (PNCD) ont été déployés à Chateaudun, Béthune, Besançon, Belfort, et Dieppe. Ils sont dédiés à l’exploitation en masse de données, permettant de déboucher sur des contrôles et relances des particuliers, dans le but d’inciter ces derniers à régulariser leurs déclarations. Les deux nouveaux PNCD localisés à Belfort et à Dieppe ont ouvert le 1er septembre 2023. Des travaux ont également été lancés en fin d’année afin de mettre en place, à partir de 2024, le premier Pôle national de contrôle à distance des professionnels. Initié en 2013, afin de développer des modèles statistiques de ciblage de la fraude en croisant des informations en provenance des diverses bases de données, le projet « ciblage de la fraude et valorisation des requêtes » (CFVR) a été achevé en 2022. Un service est ainsi dédié à l’analyse des téraoctets de données mis à disposition, afin de définir les listes qui alimentent la programmation du contrôle fiscal. En 2023, la part des contrôles ciblés par l’intelligence artificielle s’élève à 56 %, soit une hausse de 7 % par rapport à 2022. À l’origine majoritairement portés sur le contrôle des entreprises, les travaux de datamining connaissent depuis 2023 une progression du ciblage de la fraude patrimoniale des particuliers. L’objectif du recours au datamining est de porter d’ici 2027 à 50 % la part des contrôles fiscaux des particuliers, soit la même proportion que pour les entreprises. En 2023, les opérations de datamining ont généré 15,2 milliards d’euros de droits et pénalités dont 10,6 Md€ recouvrés. En 2022, ces chiffres se montaient respectivement à 14,6 Md€ et 10,6 Md€ recouvrés.

L’intelligence artificielle au service des bases foncières

Pour garantir une meilleure fiabilité des bases de la fiscalité directe locale, la DGFiP recourt désormais largement à l’intelligence artificielle. Son projet « Foncier innovant », qui exploite les prises de vues aériennes de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) lui permet ainsi d’optimiser le processus de détection des constructions ou aménagements non déclarés, en luttant plus efficacement contre les anomalies déclaratives. Les algorithmes utilisés lui permettent d’extraire des images aériennes publiques de l’IGN, les contours des immeubles bâtis ainsi que des piscines. Il facilite donc leur représentation sur le plan cadastral. Un process de traitement informatique vérifie ensuite, à partir notamment des déclarations des propriétaires effectuées auprès des services de l’urbanisme et de l’administration fiscale, si les éléments ainsi détectés sur les images sont correctement imposés aux impôts directs locaux. Les agents vérifient ensuite systématiquement chaque anomalie détectée avant toute opération de relance du propriétaire du bien et in fine de taxation. Plus de 94 % des propriétaires ont confirmé le caractère imposable de leur piscine. En 2022, ce dispositif a permis à la DGFiP d’identifier plus de 20 000 piscines non déclarées, avec à la clé près de 10 M€ de recettes supplémentaires collectés au profit des communes concernées. En 2023, l’administration fiscale a généralisé cette expérimentation et permis de détecter 120 000 nouveaux bassins, avec un montant moyen de redressement potentiel de 375 euros par propriétaire. Une expérimentation est en cours sur la détection de bâtiments non déclarés ou incorrectement imposés. Par ailleurs, le projet du Foncier innovant doit également permettre de faire évoluer les modalités de mise à jour des bâtiments sur le plan cadastral. Dans le cadre de la suppression de taxe d’habitation (TH) et du maintien de celle-ci sur les résidences secondaires et les locaux vacants, le service « Gérer mes biens immobiliers » s’est enrichi en 2023 d’une nouvelle fonctionnalité relative à la déclaration d’occupation des biens. Cette réforme a nécessité une modernisation en profondeur des modalités de gestion de ces impositions car l’identification de ces biens reposait sur de lourds travaux de mise à jour effectués par les services de la DGFiP. Bercy a choisi de mettre en place une nouvelle obligation déclarative dont les modalités reposent sur une association des propriétaires dans la détermination de la situation d’occupation de leurs biens immobiliers via un processus dématérialisé. Il permet à l’administration fiscale de disposer de données actualisées sur le statut d’occupation des biens pour servir de base à son processus de taxation. Plus de 82 % de propriétaires ont effectué leur déclaration. C’est une nouvelle masse de données qui peuvent être exploitées grâce aux outils de l’intelligence artificielle pour mieux déterminer l’imposition de ces biens immobiliers et recouper les informations dont dispose l’administration fiscale pour détecter d’éventuelles fraudes.

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