Focus sur le CIR

Publié le 03/03/2023
science, recherche, laboratoire
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Mesure de soutien aux activités de recherche et développement (R&D) des entreprises, le crédit d’impôt recherche représente une dépense fiscale dont l’efficacité reste critiquée. Le point sur quelques pistes de réforme.

Quels que soient leur secteur ou leur taille, les entreprises qui engagent des dépenses de recherche fondamentale et de développement expérimental peuvent bénéficier du CIR en les déduisant de leur impôt sous certaines conditions. D’après les statistiques de la DGFiP, cette dépense fiscale représente environ 7 Mds€ par an de coût annuel en 2022. Plus de 20 000 entreprises en bénéficient chaque année. 95 % d’entre elles sont des TPE et des PME.

Une aide fiscale massivement utilisée

Instauré en 1983 et profondément réformé en 2004 puis en 2008, le crédit d’impôt recherche (CIR) est devenu le principal dispositif public de soutien à la recherche et au développement (R&D) des entreprises. En 2021, 21 695 entreprises ont bénéficié du CIR pour plus de 23 Mds€ de dépenses éligibles, ce qui représente une créance fiscale de 6,54 Md€.

Massivement utilisé par les entreprises, s’il est loin d’être le seul outil utilisable pour financer leurs projets de recherche et de développement, le CIR reste le principal outil incitatif de financement public de la R&D. Ce dispositif monte en puissance d’année en année, avec une hausse continue du nombre de bénéficiaires, de la dépense fiscale et donc de la créance fiscale associée qui, selon les dernières prévisions disponibles, devrait s’élever à plus de 7 Mds€ pour 2022 et pour 2023. Première dépense fiscale, le CIR représente désormais plus de 86 % des dépenses fiscales en faveur du soutien à l’innovation contre 16,5 % en 2000, et plus de deux tiers de l’ensemble des dépenses, fiscales et budgétaires, de soutien à l’innovation. Avec le CIR, la France est considérée comme offrant le dispositif le plus généreux d’aide fiscale parmi les 30 pays de l’OCDE ayant mis en place des aides fiscales similaires. En effet, c’est l’État dans lequel le poids relatif de l’ensemble des aides à la recherche privée par rapport au PIB est le plus élevé, devant la Fédération de Russie et le Royaume-Uni. Pour les seules aides fiscales, la France se situe également au tout premier rang, devant le Royaume-Uni, l’Autriche, l’Italie et la Belgique. Le CIR constitue la première dépense fiscale de soutien à l’innovation.

Le champ d’application du CIR : les activités de R&D

Quel que soit son statut juridique, une entreprise industrielle, commerciale, artisanale et agricole, peut en bénéficier. Elle doit être soumise à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des BIC et être imposée d’après son bénéfice réel.

Les activités concernées par le CIR sont les activités de recherche et de développement : recherche fondamentale, recherche appliquée ou développement expérimental, par exemple. Pour être éligibles au CIR, les dépenses doivent correspondre à des opérations de recherche localisées au sein de l’Espace économique européen (EEE), sauf pour les dépenses de veille technologique et de défense des brevets. Elles doivent aussi avoir été retenues pour déterminer le résultat imposable à l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés. Il s’agit des dépenses suivantes :

• Dotations aux amortissements des biens et bâtiments affectées à la recherche

• Dépenses de personnel concernant les chercheurs et techniciens de recherche

• Rémunérations supplémentaires des salariés auteurs d’une invention

• Dépenses de fonctionnement, fixées forfaitairement à 75 % des dotations aux amortissements et 43 % des dépenses de personnel

• Dépenses de recherche confiées à des organismes agréés par le ministère de la Recherche

• Frais de brevets

• Dépenses de normalisation des produits de l’entreprise

• Dépenses de veille technologique

• Dépenses et élaboration de nouvelles collections dans le secteur textile-habillement-cuir

Pour savoir si son projet de recherches est éligible au CIR, l’entreprise peut déposer une demande préalable par écrit à l’administration. Le délai de réponse de l’administration à cette demande est de trois mois.

Le mécanisme du CIR

Le taux du crédit d’impôt recherche (CIR) varie selon le montant de leurs investissements. Le taux du crédit d’impôt recherche varie en fonction du montant des dépenses de recherches. Si les dépenses de recherches sont inférieures à 100 000 000 €, le taux du CIR est de 30 %. Si les dépenses de recherches s’élèvent au-delà de 100 000 000 €, le taux du CIR de 5 %. Précisons que le CIR est déterminé par année civile, du 1er janvier au 31 décembre, quelle que soit la date de clôture de l’exercice. Les subventions publiques reçues pour les projets de recherche ouvrant droit au CIR doivent être déduites des bases de calcul du crédit. Les subventions remboursables sont ajoutées aux bases de calcul pour l’année de leur remboursement.

Pour bénéficier du crédit d’impôt, l’entreprise doit joindre l’imprimé 2069-A-SD à sa déclaration de résultats et l’envoyer par l’intermédiaire d’un partenaire EDI (échange de données informatisées) (mode EDI-TDFC). Si les dépenses de recherche dépassent 100 M€ (pour les déclarations déposées à partir du 1er janvier 2020), l’entreprise doit accompagner sa déclaration 2069-A-SD du formulaire 2069-A-1-SD.

Le crédit d’impôt est imputé sur l’impôt sur le revenu ou sur les sociétés dû par l’entreprise pour l’année pendant laquelle les dépenses de recherche ont eu lieu. En cas d’impossibilité d’imputation sur un bénéfice trop faible par exemple, le crédit excédentaire non imputé constitue une créance. À la fin de ce délai de 3 ans, la créance est remboursable.

Le remboursement anticipé de la créance du CIR, sans le délai de carence de 3 ans, est possible pour certaines entreprises :

• les nouvelles entreprises, l’année de leur création et les quatre années suivantes ;

• les entreprises en procédure collective ;

• les jeunes entreprises innovantes (JEI) ;

• les entreprises de moins de 250 salariés, réalisant un chiffre d’affaires de 50 M€ maximum ou un bilan annuel de 43 M€ au plus.

Une efficacité critiquée : l’avis de Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation

L’efficacité du CIR au regard de son objectif principal, à savoir l’augmentation de la dépense intérieure en R&D des entreprises, reste difficile à établir. La Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (Cnepi) a rendu en juin 2021 son avis sur l’impact du CIR, (avis de la Cnepi juin 2021, Évaluation du crédit d’impôt recherche). Les travaux de la CNEPI ont montré que la réforme du dispositif en 2008 a conduit les entreprises à un niveau de dépenses de recherches supérieur à ce qu’il aurait été sans cette réforme, et d’un montant à peu près équivalent à la dépense fiscale additionnelle résultant de la réforme. La réforme du CIR a donc atteint son objectif d’accroissement des dépenses de R&D. En revanche, ces effets positifs et statistiquement significatifs sur les activités de recherche et le chiffre d’affaires n’ont pas eu d’impact sur la valeur ajoutée et l’investissement, à l’exception de l’investissement incorporel (acquisition de logiciels, de brevets, etc.). En outre, pour les entreprises déjà bénéficiaires du CIR avant 2008, les effets identifiés sont positifs sur les TPE-PME, mais non significatifs sur les grandes entreprises. Pour les entreprises entrées dans le dispositif après 2008, il n’est pas possible de chiffrer l’impact du CIR sur leur dynamique de croissance. Surtout, l’efficacité du CIR apparaît limitée dans la mesure où son effet d’entraînement est inversement proportionnel à la taille des entreprises qui en bénéficient. Alors que les petites et moyennes entreprises (PME) et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) constituent 96,7 % des bénéficiaires du CIR, elles ne perçoivent que 32 % de la créance fiscale, dont le versement demeure très concentré. En effet, les 10 % des bénéficiaires les plus importants perçoivent 77 % du montant total du CIR, les 100 bénéficiaires les plus importants en percevant 33 %. Enfin, conclut la CNEPI, le dispositif n’a pas démontré son efficacité pour pallier la baisse de l’attractivité du site France pour la localisation de la R&D des entreprises multinationales.

Quelles pistes de réforme pour le Conseil des prélèvements obligatoires ?

Le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), un organe de la Cour des comptes (https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-02/20220209-rapport-defis-fiscaux_0.pdf), s’est penché en février 2022 sur l’avenir du CIR et propose trois pistes de réforme. Premier scénario : recentrer le CIR sur les PME et les ETI, afin de concentrer la dépense fiscale là où atteint son maximum d’efficacité. Autre possibilité maintenir le dispositif en état mais rationaliser les éléments les moins efficients de son assiette comme le doublement des dépenses prises en compte pour les jeunes docteurs, l’exclusion des dépenses de veille technologique, la gestion des brevets et normalisation, la suppression des dépenses de fonctionnement et la suppression du crédit d’impôt collection. Enfin, le CPO propose une dernière évolution possible destinée à faire du CIR une dépense fiscale verte afin d’inciter aux dépenses de recherche dans le domaine de l’environnement. Reste à définir les dépenses qui pourraient relever de la R&D verte, même si la taxonomie européenne des activités vertes ou durables facilitera les arbitrages. Autres difficultés au programme d’une telle réforme : vérifier la compatibilité de ce nouvel instrument avec le droit européen des aides d’État et adapter les modalités de contrôle fiscal du CIR afin d’intégrer cette nouvelle dimension.

Le CPO privilégie le scénario d’un plafonnement progressif plus strict du CIR est privilégiée par le CPO. Ce plafonnement plus strict se justifie dans le contexte  actuel de baisse du taux nominal de l’impôt sur les sociétés. En outre, l’ensemble des pays de l’OCDE ayant mis en place un CIR ont opté pour un plafonnement plus faible que celui en vigueur actuellement. Enfin, une telle réforme aurait l’avantage de privilégier la stabilité des incitations sans dénaturer un dispositif qui constitue un élément d’attractivité fiscale pour la France.

Les propositions du Conseil d’analyse économique pour renforcer l’impact du CIR

En septembre dernier, c’était au tour du Conseil d’analyse économique (CAE) de réfléchir à comment renforcer l’impact du CIR (https://www.cae-eco.fr/renforcer-limpact-du-credit-dimpot-recherche). Le CAE propose d’« abaisser le plafond du CIR et augmenter le taux de subvention permettrait d’accroître l’efficacité du CIR à enveloppe budgétaire constante… Cette évolution permettrait de rapprocher la structure du CIR des dispositifs comparables existant au Royaume-Uni et en Allemagne ». Du fait des réformes récentes de l’impôt sur les sociétés et des impôts de production, le CIR n’est plus nécessaire pour maintenir le taux effectif d’impôt sur les sociétés à un niveau proche de celui de pays comparables, souligne le CAE. Initialement, la générosité du dispositif pouvait en effet s’expliquer par le différentiel de coût de production entre la France et les autres pays de l’Union européenne. Or le taux normal de l’impôt sur les sociétés a diminué pour atteindre 25 % en 2022 alors qu’il était encore de 33,33 % en 2018 et la baisse des impôts de production se poursuit avec la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Dès lors, conclut le CAE « l’optimisation du CIR ne remettrait pas en cause la compétitivité internationale de la R &D en France et constituerait une perte limitée pour les grandes entreprises ». Dans un tel contexte, on s’attendait à une réforme du CIR, qui n’avait pas subi de retouches majeures depuis 2018, pour le début de l’année 2023, dans le cadre du vote de la loi de finances pour 2023. Contre toute attente, il n’en a rien été…

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