Focus sur les services de police fiscale

Publié le 31/01/2023
Lutte contre la fraude fiscale
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La lutte contre la fraude fiscale fait désormais intervenir deux services de police spécialisés : le SEJF et la BNRDF. Retour sur leurs missions et leurs bilans.

Depuis la création du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF) en 2019, il existe désormais deux services spécialisés en matière de fraude fiscale complexe, le SEJF et la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF). Avec la mise en place du SEJF, la France a suivi l’exemple de ses principaux partenaires, qui se sont dotés de services d’enquête judiciaire au sein de leurs administrations fiscales (États-Unis, Allemagne et Royaume-Uni).

Deux services complémentaires

Le SEJF  a pour objectif d’accroître les capacités d’enquête judiciaire en cas de fraude fiscale. Il vient compléter l’action de la BNRDF, qui intervient sur un champ d’action plus large que le SEJF, avec une priorité donnée aux affaires dans lesquelles la fraude fiscale est mêlée à d’autres infractions (corruption, escroquerie, crime organisé, par exemple). Les dossiers à fort potentiel pénal entrent donc dans le périmètre de la BNRDF. Le SEJF est, quant à lui, spécialisé sur les dossiers les plus complexes de fraude douanière, fiscale et financière. Les dossiers de fraude fiscale pure et de blanchiment de fraude fiscale mais sans lien avec d’autres infractions pénales nécessitent de mobiliser une expertise essentiellement fiscale et sont donc du ressort du périmètre d’action du SEJF. Il s’agit de dossiers caractérisés par des montages patrimoniaux complexes (avoirs et revenus dissimulés à l’étranger, interposition de structures opaques, montages fiscaux abusifs). Le SEJF ne remplace pas la BNRDF, mais vient la compléter. Lors de l’examen du projet de loi relative à la lutte contre la fraude, la création de cette nouvelle « police fiscale » a suscité des réticences, avec notamment la crainte d’une « guerre des polices »  avecla BNRDF, rappelle la mission d’information relative à la fraude fiscale du Sénat (Sénat, mission d’information relative à la fraude fiscale, dirigée par Claude Raynal avec Jean-François Husson comme rapporteur, rapport d’information du 26 octobre 2022, ci-après, Sénat, rapport d’information du 26 octobre 2022). « En pratique, le nombre excessivement important de dossiers à traiter par ces services a laissé de la place à chaque service et le SEJF a finalement réussi à démontrer sa pertinence, sans qu’il y ait apparemment eu de conflits de compétences », conclut la mission d’information (Sénat, rapport d’information du 26 octobre 2022). Il revient aux parquets de faire le choix de saisir l’un ou l’autre de ces services.

La BNDRF, plus de douze ans d’activité

La BNRDF est un service d’enquêtes placé au sein de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Le décret n° 2010-1318 du 4 novembre 2010 a permis de mettre en place cette police fiscale relevant de la Direction centrale de la police judiciaire; elle est compétente pour rechercher et constater les infractions définies à l’article 28-2 du Code de procédure pénale. La BNRDF a pour mission de rechercher et de constater, à la demande du parquet, les infractions énumérées à l’article 28‑2 du Code de procédure pénale (fraudes fiscales complexes, montages financiers sophistiqués, domiciliations fiscales fictives, et blanchiment de ces infractions), sur l’ensemble du territoire national. Placée sous le pilotage du ministère de l’Intérieur, la BNRDF comprend  pour moitié des officiers et agents de police judiciaire et pour moitié des personnels issus des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes : des officiers fiscaux judiciaires. À la tête de cette brigade placée sous la direction du procureur de la République, on trouve un commissaire et un adjoint, directeur divisionnaire des impôts. Fortement interministérielle, la BNRDF est aujourd’hui composée de 45 personnes : 24 officiers fiscaux judiciaires (OFJ) et 21 officiers de police judiciaire (OPJ), qui apportent respectivement des compétences en matière fiscale et comptable et en matière de techniques d’investigation judiciaire (Assemblée nationale, rapport n° 292 de Jean-René Cazeneuve, du 6 octobre 2022, fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), Charlotte Leduc, Annexe 26, Gestion des finances publiques, lutte contre l’évasion fiscale, ci-après, Ass. Nat., rapport n ° 292 du 6 octobre 2022). Depuis 2010, la BNRDF a traité et clôturé 317 affaires, sur les 455 ouvertes. « Toutes ont donné lieu à une réponse pénale : procès devant le tribunal correctionnel, comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), pour les personnes physiques ou convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) pour les personnes morales » (Ass. Nat., rapport n ° 292 du 6 octobre 2022). En 12 ans, la BNRDF a saisi près de 233 millions d’euros d’avoir criminels. Au 8 mars 2021, sur 138 enquêtes terminées et contrôlée par la Direction nationale des vérifications de situation fiscale, plus de 400 millions d’euros de droits et pénalités avaient été notifiés par cette seule direction (Ass. Nat., rapport n ° 292 du 6 octobre 2022). « La BNRDF travaille principalement avec le PNF : sur les 138 affaires en cours, 87 sont traitées avec le PNF, 24 avec le tribunal judiciaire de Paris et le reste avec les tribunaux judiciaires de province », (Ass. Nat., rapport n ° 292 du 6 octobre 2022).

Le rôle des officiers fiscaux judiciaires

Les OFJ sont des agents des services fiscaux habilités à effectuer des enquêtes judiciaires. Contrairement aux officiers de police judiciaire, les OFJ ont une compétence limitée à certaines infractions fiscales. Ils peuvent également rechercher et constater les délits qui leur sont connexes. Dans le cadre de l’exercice de leur mission, les OFJ mettent en œuvre des prérogatives de police judiciaire. À cet effet, ils effectuent personnellement à l’occasion de leurs enquêtes les actes de procédure et réalisent les opérations matérielles permises par le Code de procédure pénale (filatures, surveillances, auditions, perquisitions, interpellations, gardes-à-vue, écoutes téléphoniques, sonorisations). Les OFJ effectuent des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d’instruction. Ils ne disposent pas de pouvoir d’enquête à leur initiative.

Une activité en forte hausse pour le SEJF

Mis en place depuis le 1er juillet 2019 et issu de la transformation du Service national de douane judiciaire (SNDJ), le Service d’enquête judiciaire des finances  (SEJF) réunit au sein d’une seule et même structure l’expertise des officiers de douane judiciaire et des officiers fiscaux judiciaires, sous la direction d’un magistrat de l’ordre  judiciaire. Au 31 mai 2022, sur un total de 314 agents, le SEJF comptait 43 agents de la DGFiP, dont 40 disposants de la qualification d’OFJ et 34 d’entre eux étant enquêteurs, selon les chiffres de la mission d’information du Sénat (Sénat, rapport d’information du 26 octobre 2022). « L’intérêt du SEJF consiste à regrouper ainsi dans un même service, au sein du ministère du Budget, des ODJ et des OFJ de culture proche, qui disposent d’un haut degré de technicité pour enquêter sur des infractions économiques, financières, douanières et fiscales le plus souvent complexes et aux enjeux financiers importants » (Ass. Nat., rapport n ° 292 du 6 octobre 2022). Cette force de police a été prévue dans le cadre de la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, afin de renforcer les moyens de détection et de caractérisation de la fraude. Concrètement, les équipes du SEJF recherchent et constatent, sur l’ensemble du territoire, ces délits de fraude fiscale complexe, qu’il s’agisse de fraude réalisée via les paradis fiscaux, de fraude recourant au faux ou à la falsification ou encore de fraude utilisant les domiciliations fiscales fictives ou artificielles. Le PNF s’appuie désormais prioritairement sur le SEJF, d’après la mission d’information d’après la mission d’information du Sénat (Sénat, rapport d’information du 26 octobre 2022). Ainsi, sur les 95 enquêtes préliminaires ouvertes par le  PNF  à  la  suite  de  dossiers  transmis par l’administration fiscale depuis 2019, 9 enquêtes ont été confiées à la  BNRDF, 20 sont  traitées  directement  par  le  PNF  et  66 ont  été  confiées  au SEJF.  Près de 75 % des dossiers traités par le SEJF relèvent d’un parquet spécialisé, avec une prépondérance du PNF. (Ass. Nat., rapport n ° 292 du 6 octobre 2022). De   fait,   avec   une   quarantaine   d’OFJ,   le   SEJF   s’est   rapidement   retrouvé  à  devoir  faire  face  à  un  grand  nombre  de  dossiers : il  a  été  saisi  de 169 affaires  de  fraude  fiscale  et  blanchiment  de  fraude  fiscale  entre  le 1er juillet 2019  et  le 31 mai 2022,  dont 148  sont  encore  en  cours (Sénat, rapport d’information du 26 octobre 2022).  Le SEJF est  par  ailleurs  particulièrement  sollicité  sur  les  dossiers  de  plaintes  pour  présomption de fraude fiscale de la DGFiP. Environ 80 % de ces dossiers  lui sont renvoyés pour enquête. Surtout, le  rythme  des  saisines  augmente  lui  aussi :  son  nombre  a  augmenté  de 43 % entre 2020 et 2021 et  de 25 %  entre  les  mois  de  mai 2021 et 2022 (Sénat, rapport d’information du 26 octobre 2022). De fait sou

Des résultats financiers croissants

Les  origines  des  saisines  démontrent  également  que  le  SEJF  est  surtout saisi des dossiers les plus complexes et les plus graves, relevant de la compétence des parquets instructeurs. Près de la moitié d’entre eux concerne des  avoirs  étrangers  ou  l’interposition  d’une  société  à  l’étranger  et  près  de 20 % a trait à des problématiques de domiciliation et d’autres manœuvres, dont surtout l’organisation d’insolvabilité. Le montant moyen des droits sur ces dossiers s’élève à 700 000 euros, sans les pénalités et amendes diverses.

En  ne  retenant  que  les  plaintes  pour  présomption  de  fraude  fiscale   transmise   par   la   DGFiP   aux   parquets   entre 2019 et 2022, 116 sur 127 ont  conduit  à  une  saisine  du  SEJF,   mais 14 seulement  ont  été  clôturées et retournées  au  magistrat  mandant.  La  durée  moyenne  des  enquêtes   s’établit   à   deux ans   et   l’objectif   du SEJF   est   de   parvenir   à   rendre 45 dossiers aux magistrats en 2022.

Les résultats financiers sont toutefois croissants, notamment pour les saisies  opérées  à  but  confiscatoire,  dans  les  dossiers  de  présomptions  de  fraude  fiscale.  Au 31 mai 2022,  le  montant  total  des  saisies  – supérieur à   10,3 millions  d’euros – avait  déjà  dépassé  le  montant  des  saisies  réalisées  en 2021 –  de  6,7 millions  d’euros.  Quant  au  montant  du  préjudice  identifié  pour le Trésor public, il s’est élevé à 6,3 millions d’euros en 2021, souligne la mission d’information du Sénat (Sénat, rapport d’information du 26 octobre 2022).

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