Hauts-de Seine (92)

Hauts-de Seine : un exemple de mécénat territorial

Publié le 27/12/2022

Les collectivités publiques s’appuient sur la stratégie de mécénat des entreprises pour développer leur politique culturelle. Le département des Hauts-de-Seine (92) associe de longue date les entrepreneurs au rayonnement culturel de son territoire. Retour sur une expérience innovante.

Depuis plusieurs années les collectivités territoriales (communes, intercommunalités, départements, régions…) sont devenues des acteurs majeurs du mécénat dans les territoires. Le mécénat se définit comme un soutien matériel apporté sans contrepartie directe de la part du bénéficiaire, à une œuvre, ou à une personne pour l’exercice d’activités présentant un caractère d’intérêt général. Les actions de mécénat peuvent prendre des visages très divers. Il peut concrétiser par un soutien financier de l’entreprise apporté à un projet d’intérêt général. Il peut également prendre la forme d’un mécénat de compétences, c’est-à-dire la mise à disposition de compétences de salariés de l’entreprise, sous forme de mise à disposition de personnel ou de prêt de main-d’œuvre, d’accompagnement dans le montage d’un projet, ou d’appui technique. L’entreprise peut également offrir un mécénat en nature. Il peut consister en la remise d’un bien, de marchandises, en l’exécution de prestations de services, ou encore en la mise à disposition de moyens matériels, personnels ou techniques. Enfin, il peut consister à mobiliser le savoir-faire, la technologie disponible ou utilisée par l’entreprise au bénéfice d’un partenaire d’intérêt général.

Le développement du mécénat territorial

Pour les experts de Admical, première association dédiée au développement du mécénat des entreprises et des entrepreneurs, « le concept de mécénat territorial peut se définir comme une participation financière, en nature et/ou en compétences des entreprises et/ou des citoyens en faveur d’actions d’intérêt général menées par une collectivité, un établissement ou une institution publique ». Le mécénat des entreprises s’étend à de nombreuses actions relevant des compétences des collectivités territoriales (environnement, santé, culture, éducation, recherche, lutte contre les exclusions, aménagement du territoire, etc.). Pour les collectivités, qui y recourent le mécénat représente un nouveau souffle pour leur développement territorial. « Confrontées à une double exigence : palier la baisse des dotations étatiques et conclure des partenariats innovants avec le privé afin d’assurer le développement et le rayonnement de leur territoire, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à pérenniser, systématiser et structurer leur recherche de fonds privés », précisent les équipes d’Admical. Les personnes publiques évoluent dans un contexte de fortes contraintes budgétaires alors qu’elles engagent de nombreuses politiques publiques au bénéfice de leur territoire et de son développement. « Stimuler la créativité et la vitalité des porteurs de projet devient dès lors un véritable défi à l’heure où la contrainte financière impose souvent une stagnation, voire une érosion des subventions pour le tissu associatif territorial. Le mécénat apparaît alors pour la personne publique comme un levier pour financer à la fois ses propres actions et celles conduites par le secteur associatif », analyse Alain-Joseph Poulet dans sa thèse soutenue en 2020, « L’action de mécénat au profit des personnes publiques ». Et ce mouvement répond aux aspirations des entreprises. D’après les statistiques d’Admical, les entreprises mécènes privilégient davantage des projets qui s’exercent au niveau local ou régional (81 %).

Conclure des partenariats avec les acteurs économiques : la politique innovante du département

C’est le pari du département des Hauts-de-Seine qui a commencé cette démarche des 2008. Sous l’impulsion de Patrick Devedjian, alors président du Conseil départemental des Hauts-de-Seine la création de la Vallée de la culture a pour objectif de mettre en valeur la géographie d’un site d’exception : la boucle de la Seine d’Issy-les-Moulineaux à Nanterre. C’est alors une démarche innovante destinée à développer un projet culturel d’envergure pensé non en termes d’équipement mais de territoire. Très tôt son ambition consiste à associer la culture à un territoire économique, avec la revendication de la culture pour tous.

La Vallée de la culture est donc d’abord une réponse organisationnelle destinée à valoriser le territoire. Il s’agit de souligner ses atouts culturels et patrimoniaux dans une logique de développement du public et des recettes. Dès l’origine du projet des outils de communication sont mutualisés sous l’intitulé Vallée de la culture avec la création d’une revue et d’un portail internet.

Le coût des différents projets commencés incite les décideurs à rechercher des fonds privés en associant les entreprises du territoire à ces opérations. Commencée en 2019, la rénovation de la Tour aux figures de Jean Dubuffet sur l’île Saint-Germain a coûté 1,5 million d’euros au département, la rénovation des jardins et du musée Albert-Kahn à Boulogne-Billancourt coûte près de 27 millions d’euros. Qu’il s’agisse de la création de la Seine Musicale ou celle du futur Musée du Grand Siècle à Saint-Cloud, le département des Hauts-de-Seine entend mener une politique culturelle ambitieuse.

Dès 2010, la cellule Mécénat du département des Hauts-de-Seine est créée en 2010. Elle doit permettre de développer la Vallée de la Culture, le projet phare du Conseil général pour faire du territoire un pôle d’attractivité culturel. La cellule accompagne des projets culturels stratégiques en rapprochant entre les secteurs culturels et économiques. Les entreprises peuvent apporter leur soutien aux grands projets culturels mis en place par le conseil départemental des Hauts-de-Seine, notamment les expositions des musées départementaux, la rénovation et la mise en valeur de sites patrimoniaux, mais également l’acquisition d’œuvres d’art.

Dans les Hauts-de-Seine, une expérience de mécénat collectif

Afin de structurer l’action mécénale des entreprises, le département des Hauts-de-Seine crée le Cercle des entreprises partenaires de la Vallée de la Culture afin de donner l’opportunité aux dirigeants d’entreprise de soutenir la culture sur le territoire (patrimoine, musique, éducation artistique…), de devenir les ambassadeurs de la Vallée de la Culture, de promouvoir le tissu économique local, et d’échanger et d’établir des liens durables avec des entreprises de différents secteurs. Pour soutenir les actions du département, les entreprises peuvent adhérer au Cercle dans une action de mécénat collectif ou préférer exercer une action individuelle en soutenant un projet spécifique. La restauration de la Chambre Chateaubriand de la Maison de Chateaubriand a ainsi bénéficié du soutien de la Maison Pierre Frey.

La Fondation d’Entreprise Total et CGPA ont soutenu en 2014, à travers la Fondation du patrimoine, le département des Hauts-de-Seine dans le cadre d’une convention de mécénat pour la restauration de la serre du Musée Albert Kahn à Boulogne-Billancourt.

La Fondation Neuflize OBC a soutenu en 2019 le département des Hauts-de-Seine à travers un mécénat financier autour de la restauration du fonds films des Archives de la Planète consacré au Royaume de Dahomey, ancien royaume africain (XVII – XIXe siècles), situé dans l’actuel Bénin. La sauvegarde et la conservation de ces images animées, détenues par le musée départemental Albert-Kahn à Boulogne-Billancourt, permettront d’assurer la pérennité d’un patrimoine visuel majeur et, à ce jour, relativement confidentiel, pour le premier tiers du XXe siècle.

Des avantages fiscaux

Les entreprises mécènes bénéficient d’avantages fiscaux. Le régime de droit commun mis en place pour les entreprises dans le cadre de la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite loi Aillagon correspond à une réduction d’impôt sur les sociétés (IS) égale à 60 % des sommes données (CGI, art. 238 bis).

La loi n’impose aucun montant minimal de chiffre d’affaires. De même, aucun montant minimal n’est requis pour le don effectué par l’entreprise. En revanche, le dispositif est plafonné. En effet, les dépenses ne sont retenues que dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’entreprise. En cas de dépassement de ce seuil ou si le résultat de l’exercice en cours est nul ou négatif, il est cependant possible de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants. En 2019, la loi Aillagon a connu une réforme majeure, qui a limité le taux de réduction fiscale pour les grandes entreprises de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros par an. Cette réforme a facilité les dons des TPE et PME en doublant le plafond de défiscalisation jusqu’à 20 000 euros.

L’achat d’un Trésor national pour le musée d’Île-de-France à Sceaux

Ce mécanisme est assorti de mécanismes spécifiques dédiés à l’action des entreprises dans le domaine de l’art et de la culture. Ainsi, les entreprises qui effectuent des versements afin d’acheter un Trésor national pour le compte de l’État peuvent ainsi bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 90 % sommes investies (CGI, art. 238 Bis). Les entreprises qui achètent des œuvres originales d’artistes vivants peuvent également déduire dans certaines conditions, une somme égale au prix d’acquisition des œuvres concernées (CGI, art. 238 Bis AB). En 2008, grâce à l’aide de l’entreprise Total, le département a ainsi pu acquérir d’une œuvre d’intérêt patrimonial majeur : un tableau, Le Festin de Didon et Enée. Cette huile sur toile, de François de Troy, représente une source inestimable pour découvrir la réalité des familiers de la cour de la duchesse du Maine à Sceaux et est particulièrement représentative de la vie menée à la cour de Sceaux, au début du XVIIIe siècle. 50 personnages de la cour de Sceaux sont représentés dans cette scène mythologique. Cette œuvre fut placée, dès sa création, dans les appartements des Maine au Palais des Tuileries à Paris et, durant la seconde moitié du XVIIIe siècle, au château de Sceaux, appartenant alors au comte d’Eu, puis au duc de Penthièvre, tous descendants de Louis XIV. L’œuvre appartenait à un collectionneur américain. Grâce à la dotation de 1, 4 millions d’euros de Total dans le cadre du dispositif article 238 Bis – OA du CGI, le tableau a pu réintégrer le château de Sceaux.

De nombreux avantages pour les entreprises mécènes

Outre la dimension fiscale, les entreprises ont d’autres avantages à devenir mécènes. Le mécénat s’affiche comme un outil stratégique à multi-usages. D’après les chiffres d’Admical, si pour 89 % des entreprises mécènes, une politique de mécénat signifie d’abord contribuer à l’intérêt général, il s’agit également (86 %) d’incarner les valeurs de l’entreprise et de valoriser l’image et de la réputation de l’entreprise (80 %). Pour 70 % d’entre elles il s’agit de renforcer l’ancrage territorial de l’entreprise et sa cohésion interne (68 %). Enfin, l’objectif de développer de nouvelles relations avec des partenaires est privilégié par 65 % des entreprises mécènes.

Le département des Hauts-de-Seine s’est efforcé de répondre à ces différents objectifs. Grâce à une visibilité sur les divers supports de communication, comme la revue Vallée de la Culture, les entreprises mécènes peuvent valoriser leur identité de mécène en s’appuyant sur le rayonnement international du département des Hauts-de-Seine. Grâce au mécénat de compétences, elles peuvent impliquer leurs salariés autour de valeurs fortes. Tout au long de l’année, les entreprises sont invitées à participer à des événements organisés autour des projets soutenus, ce qui leur permet de tisser des liens avec les différents acteurs publics et privés du territoire.

Des contreparties, représentant jusqu’à 25 % du montant de votre don, peuvent être proposées aux entreprises mécènes (des visites privées d’expositions ou de jardins de collection, des accès privilégiés à des concerts ou des privatisations d’espaces prestigieux….). Le musée Albert-Kahn et la Seine Musicale ont ainsi prévu des espaces de privatisation dédiés aux entreprises.

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