IFI et don

Publié le 22/05/2018

La réforme de l’ISF constitue-elle une menace pour les ressources du secteur non lucratif ? La réduction d’impôt pour dons prévue dans le cadre de l’IFI permettra-t-elle un relais efficace en matière de philanthropie ? Le point sur les interrogations du secteur.

Comme promis par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, en 2017, la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a fait place à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Le dispositif ISF-Don contribuait jusque-là fortement à financer les actions du secteur de la philanthropie. En 2017, 82 % des contribuables assujettis à l’ISF ont effectué au moins un don à une fondation ou un organisme caritatif selon la dernière édition du Baromètre Don ISF, réalisée par Ipsos pour Apprentis d’Auteuil qui évalue le rapport au don des foyers assujettis à l’ISF et à l’IFI. Leur don moyen s’est élevé à 2 535 € en 2017. Si le nombre de personnes qui ont réalisé un don au cours de la dernière année est resté stable (82 %), la fréquence et le montant des dons, a quant à lui, augmenté. 72 % des sondés ont donné plusieurs fois (contre 68 % en 2017), pour une moyenne de 4,4 dons par an (contre 3,9 l’an passé).

L’impact de la loi TEPA

Depuis la loi TEPA, du 21 août 2007, les personnes assujetties à l’ISF avaient la possibilité de déduire de leur ISF jusqu’à 75 % des dons effectués à certains organismes, en particulier les fondations reconnues d’utilité publique. Le dispositif ISF-Don consistait en une réduction d’ISF codifiée à l’article 885-0-V bis du CGI. Cette réduction s’élevait à 75 % des sommes données, dans la limite de 50 000 € par an, une limite atteinte par un don de 67 000 €. Les établissements de recherche ou d’enseignement supérieur ou artistique, fondations reconnues d’utilité publique, entreprises d’insertion et entreprises de travail temporaire d’insertion, ateliers et chantiers d’insertion… pouvaient bénéficier de ces dons. Cette réduction d’impôt pouvait être utilisée conjointement à la réduction IR-Don. La réduction IR-Don consiste en une réduction d’impôt sur le revenu, codifiée à l’article 200 du Code général des impôts (CGI). Elle est égale à 66 % du montant des sommes versées, lesquelles sont retenues dans la limite d’un plafond égal à 20 % du revenu imposable. Cette réduction est réservée aux dons effectués au profit d’œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère notamment philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel. Les contribuables peuvent bénéficier des deux dispositifs au titre d’une même année, mais pour des dons différents, le montant du don qui ouvre droit à la réduction d’ISF ne pouvant ouvrir droit à la réduction d’IR. « La loi TEPA et son mécanisme de réduction d’impôt du don ISF avaient permis d’encourager un véritable élan de générosité, et créé un effet de levier sur le montant des dons, explique Stéphane Dauge, directeur communication, relations bienfaiteurs et ressources d’Apprentis d’Auteuil. Les donateurs s’étaient parfaitement appropriés ce dispositif pour participer plus largement qu’avant à l’intérêt général, et nous craignons que cette réforme ne pèse sur les dons et l’activité des fondations », poursuit-il.

La nouvelle physionomie de l’IFI

Même si le législateur en instaurant l’IFI a préservé le dispositif de réduction d’impôt pour don, les acteurs du secteur de la philanthropie s’inquiètent de l’impact de cette réforme.

Le seuil d’entrée dans l’IFI a été maintenu à l’identique : 1,3 M€ de patrimoine net taxable. En revanche, l’impôt a été recentré sur les seuls biens immobiliers (terrains, appartements, maisons, droits réels immobiliers, parts de sociétés immobilières…). Tous les actifs immobiliers entrent dans ce patrimoine taxable, y compris la résidence principale. En revanche, l’abattement de 30 % sur la résidence principale est conservé.

L’IFI est calculé en appliquant le barême suivant :

– jusqu’à 800 000 euros : 0 % ;

– entre 800 001 euros et 1 300 000 euros : 0,5 %  ;

– entre 1 300 001 euros et 2 570 000 euros : 0,7 % ;

– entre 2 570 001 euros et 5 000 000 euros : 1 % ;

– entre 5 000 001 euros et 10 000 000 euros : 1,25 % ;

– supérieur à 10 000 000 euros : 1,5 %.

Le mécanisme de plafonnement a été maintenu. En 2018, l’IFI sera plafonné en fonction du montant cumulé des impôts du contribuable. L’impôt sur le revenu 2017 (prélèvements sociaux et contribution exceptionnelle sur les hauts revenus inclus) ajouté à l’IFI 2018 ne peut dépasser 75 % des revenus perçus au cours de l’année 2017. En cas de dépassement, la différence sera déduite du montant d’IFI à acquitter.

Comme par le passé, grâce aux dons versés à un certain nombre d’organismes d’intérêt général, les contribuables assujettis à l’IFI peuvent réduire leur impôt à hauteur de 75 % du montant de l’ensemble des dons, dans la limite de 50 000 € par an. Les contribuables qui ne peuvent pas utiliser l’intégralité de leurs dons à la réduction IFI, peuvent affecter la fraction non utilisée pour réduire leur impôt sur le revenu. Si les deux réductions d’impôt ne sont pas pleinement cumulables, ils peuvent décider de la part des dons qui sera affectée à l’IFI ou à l’IR. Les dons pris en compte sont ceux effectués entre la date limite de dépôt de la déclaration de l’année précédant celle de l’imposition et la date limite de dépôt de la déclaration de l’année d’imposition. Par exemple, pour l’IFI 2018, les dons pris en compte sont ceux effectués entre la date limite de déclaration d’ISF 2017, et la date limite de déclaration d’IFI 2018. Cette date limite de déclaration ne dépend plus du montant du patrimoine taxable comme c’était le cas pour l’ISF. Quand le patrimoine net taxable était compris entre 1,3 M€ et 2,57 M€, la déclaration ISF était effectuée en même temps que la déclaration de revenus. Quand le patrimoine était supérieur ou égal à 2,57 M€, la date limite de déclaration ISF était fixée au milieu du mois de juin. Le législateur a mis fin au principe d’une déclaration spécifique pour les personnes possédant un patrimoine supérieur à 2,57 M€. Désormais, quel que soit le montant du patrimoine imposable au titre de l’IFI, le contribuable doit faire sa déclaration d’IFI en même temps que sa déclaration annuelle de revenus et détailler, à cette occasion, la composition de son patrimoine dans les annexes.

Cette réduction au titre des dons constitue désormais la seule possibilité d’abaisser la facture fiscale puisque la réduction d’impôt au titre de l’investissement dans les PME a été supprimée à l’exception des versements réalisés entre la date limite de dépôt de la déclaration d’ISF 2017 et le 31 décembre 2017. Ce dispositif était très usité. En 2017, le recours au dispositif ISF-PME a augmenté de + 7 % pour atteindre 59 %. Les investissements au capital d’une PME bénéficiaient d’une déduction fiscale de 50 % plafonnée à 45 000 € ou 18 000 € pour les FIP (fonds d’investissement de proximité) et les FCPI (fonds communs de placement dans l’innovation). Loin d’être concurrents, les dispositifs ISF-PME et ISF-Don apparaissaient complémentaires et il était tout à fait possible de verser un don à une fondation tout en souscrivant au capital d’une PME. Toutefois, la réduction maximale totale d’ISF ne pouvait alors excéder 45 000 €. La part des assujettis à l’ISF ayant utilisé le dispositif ISF-PME a fortement progressé en 2017 pour atteindre 41 % contre 34 % en 2016. Ce montant moyen versé aux PME a progressé sans toutefois atteindre les niveaux d’avant 2016.

Les interrogations du secteur

Le dispositif Don ISF a une incidence directe sur les dons, puisque d’après la quatrième édition de ce baromètre, pour plus d’un donateur sur deux, la possibilité de déduire de son ISF 75 % du montant des dons est déterminante dans sa décision de donner. Ce chiffre monte à 68 % chez les donateurs les plus généreux, ceux qui donnent plus de 1 000 euros par an. Si 89 % des assujettis IS se disaient alors favorables à la suppression de l’ISF, ils étaient tout aussi nombreux (88 %) à plaider pour la mise en place d’un dispositif compensatoire afin de maintenir le niveau de leurs dons. Si aucun mécanisme n’était mis en place, les donateurs précisaient en effet préférer allouer les sommes économisées à de l’épargne et à des dons à des proches.

Quel est l’impact de l’IFI sur les intentions de don ? Si 80 % des assujettis à l’ISF 2017 qui ont effectué un don l’année dernière ont l’intention de continuer, moins de la moitié (44 %) en sont certains – contre 51 % en 2017, et seuls un quart (24 %) sont prêts à donner plus – contre 29 % l’an passé. Des chiffres plus inquiétants pour les donateurs non assujettis à l’IFI : 74 % envisagent un don en 2018 et 20 % une progression de son montant. Cette catégorie ne projette pas de consacrer en priorité les économies réalisées grâce à la suppression de l’ISF à des dons. Ils affecteraient d’abord ces économies d’impôt aux dépenses de consommation (41 %), à l’épargne classique (39 %) ou encore à des investissements dans des entreprises (30 %), et ce bien devant les dons à des organismes d’intérêt général (21 %). « Nous sommes évidemment inquiets, explique Stéphane Dauge. Le secteur associatif a plus que jamais besoin que l’État encourage la générosité privée, et le financement d’actions d’intérêt général – qu’il peut de plus en plus difficilement prendre en charge. À Apprentis d’Auteuil, nous accueillons un nombre de jeunes grandissant, avec des besoins de plus en plus urgents. Nous avons la responsabilité et l’exigence de leur proposer un accompagnement de qualité, sur le long terme, en expérimentant des solutions innovantes et adaptées… ». 61 % des sondés souhaitent la mise en place d’un avantage fiscal compensatoire pour les contribuables qui ne seront plus assujettis à l’ISF et ne bénéficieront plus du dispositif de réduction d’impôt. Précisons qu’ils gardent la possibilité d’affecter leurs dons qui permettent de réduire l’impôt sur le revenu à hauteur de 66 % des sommes versées, et dans la limite de 20 % du revenu net imposable. Le montant qui dépasse ce plafond peut être utilisé l’année suivante pour réduire l’impôt, dans les mêmes conditions, et ce pendant 5 ans. Les dons effectués jusqu’au 31 décembre 2018 abaisseront la cotisation d’IR due en 2019. Avec le passage à la retenue à la source, les réductions fiscales pour les dons sont maintenues. Un don effectué au cours de l’année 2018 fera l’objet d’une réduction d’impôt qui sera restituée par l’administration fiscale au cours de l’année 2019.

Un manque d’information

Cette inquiétude apparaît partagée par les donateurs. Pour plus de la moitié des sondés (55 %), le passage de l’ISF à l’IFI constitue « une menace pour les organismes caritatifs qui risquent de voir le montant des dons diminuer ». Ces futurs donateurs apparaissent également mal informés. Selon le baromètre, plus d’un tiers (37 %) d’entre eux se disent mal informés sur le nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI), et près de la moitié (44 %) s’estiment mal informés sur les modalités de réduction d’impôt Don-IFI. Ainsi, moins d’un assujetti à l’IFI sur 2 (49 %) sait qu’il pourra toujours réduire autant son impôt en donnant à certains organismes caritatifs. 38 % des personnes qui se sont renseignées l’ont fait auprès de la presse spécialisée et 24 % de la presse généraliste. « L’information n’est pas encore complètement passée auprès de nos donateurs habituels et potentiels, souligne Stéphane Dauge. C’est pourquoi, nous multiplions les outils d’information et restons à la disposition de ceux et celles qui se posent légitimement des questions ». Le secteur avait jusqu’ici beaucoup travaillé à l’information des potentiels donateurs, un facteur-clé pour les dons. L’utilisation des dispositifs de réduction fiscale avait atteint des records depuis la création du baromètre puisque d’après la quatrième édition, 91 % des donateurs ont déduit une partie du montant de leurs dons de leur impôt sur le revenu (+ 7 points) et 50 % de leur impôt de solidarité sur la fortune (+ 4 points). L’attachement des personnes assujetties à l’ISF à ces dispositifs a progressé nettement. Ils sont de plus en plus nombreux à considérer ce mécanisme utile (87 %, + 7 points). Ils sont également plus nombreux à le trouver facile à mettre en œuvre (83 %, + 10) et surtout financièrement intéressant (74 %, + 6). Pour 93 %, ce dispositif constitue une opportunité de reprendre la main sur son impôt et de décider de son affectation. Ces dispositifs sont également mieux connus. 88 % des personnes interrogées connaissent le dispositif ISF-Don (+ 4 points). Une très large majorité des assujettis à l’ISF (82 %) a déjà recherché des informations sur ce sujet. Deux vecteurs d’informations principaux sont principalement utilisés, la presse spécialisée et la documentation fournie par les organismes caritatifs et associations auxquels les dons sont adressés.

LPA 22 Mai. 2018, n° 135p4, p.4

Référence : LPA 22 Mai. 2018, n° 135p4, p.4

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