IFI et SCI : une réforme défavorable
La loi de finances pour 2024 met fin à un avantage en matière d’impôt sur la fortune immobilière en cas de détention de biens immobiliers indirecte. Désormais, les dettes contractées par la société détentrice des biens entrant dans le champ de l’IFI et qui ne sont pas afférentes à ces actifs imposables ne sont plus prises en compte, à l’instar des règles de valorisation en cas de détention en direct.
Les parlementaires ont introduit un amendement inscrit dans la version définitive de la loi de finances pour 2024, visant à mettre fin à une optimisation fiscale en matière d’impôt sur la fortune immobilière (IFI) liée à la détention des biens immobiliers par une structure (Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024, JORF n° 0303 du 30 décembre 2023). Cette mesure, qui figure à l’article 27 de la loi, réduit la prise en compte des dettes de la structure.
Les biens imposables à l’IFI
L’IFI concerne les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France à raison de leur patrimoine immobilier situé en France et à l’étranger, et les non-résidents à raison de leurs actifs immobiliers situés en France.
Le seuil d’entrée dans l’IFI s’élève à 1 300 000 euros, mais l’impôt se calcule partir de 800 000 euros. Il est fait masse du patrimoine immobilier des conjoints et de leurs enfants, ainsi que des concubins. L’IFI est ensuite liquidé selon le barème progressif de l’article 977 du Code général des impôts (CGI).
Patrimoine taxable :
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n’excédant pas 800 000 euros : 0 % ;
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supérieur à 800 000 et inférieur ou égal à 1 300 000 euros 0,5 % ;
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supérieur à 1 300 000 et inférieur ou égal à 2 570 000 euros 0,7 % ;
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supérieur à 2 570 000 et inférieur ou égal à 5 000 000 euros : 1 % ;
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supérieur à 5 000 000 et inférieur ou égal à 10 000 000 euros : 1,25 % ;
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supérieur à 10 000 000 euros : 1,5 %.
L’IFI est assis sur l’ensemble des biens et droits immobiliers appartenant au redevable et aux membres du foyer fiscal ainsi que sur les parts ou actions des sociétés ou organismes, établis en France ou hors de France, appartenant au redevable et aux membres du foyer fiscal, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société ou l’organisme, non affectés à l’activité industrielle, commerciale (CGI, art. 965). Ces biens sont évalués au 1er janvier de l’année d’imposition. La valeur à retenir est leur valeur vénale, c’est-à-dire à la somme que pourrait obtenir son propriétaire en cas de vente à cette date.
Prise en compte des dettes d’acquisition
Les redevables ont la possibilité de déduire certaines dettes. Pour l’appréciation de la valeur des biens et droits immobiliers des personnes physiques redevables de l’IFI, le I de l’article 974 prévoit que sont seules déductibles de la valeur de ces biens les dettes effectivement supportées par ces redevables et afférentes à des actifs imposables. Il s’agit des dépenses d’acquisition de ces biens ou droits immobiliers, des dépenses de réparation et d’entretien, des dépenses d’amélioration, de construction ou d’agrandissement, des impositions des propriétaires ainsi que les dépenses d’acquisitions de parts ou d’actions au prorata de leur valeur représentative de droits ou biens immobiliers.
En cas de détention indirecte, pour la valorisation des parts et les actions de sociétés ou d’organismes comprises dans l’assiette de l’IFI à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers, les redevables avaient jusqu’à présent la possibilité de déduire un passif plus large qu’en cas de détention directe puisqu’il englobe l’ensemble des dettes de la société, et pas seulement le passif relatif aux actifs imposables à l’IFI.
Toutefois, certaines dettes ne sont pas admises en déduction pour la valorisation des parts et actions imposables (CGI, art. 973). Cette limitation vise à ce qu’un endettement ne soit constitué uniquement à des fins de minimisation de l’assiette imposable.
Ainsi, les dettes contractées directement ou indirectement par une société ou un organisme ne sont pas déductibles lorsque :
– la société ou l’organisme est contrôlé par le redevable et a contracté ces dettes pour l’achat au redevable d’un actif immobilier imposable ;
– les dettes ont été contractées auprès du redevable de l’IFI ou d’un membre de son foyer fiscal ou de son cercle familial ;
– les dettes ont été contractées pour l’acquisition d’un actif immobilier imposable ou pour certaines dépenses y afférentes auprès du redevable à l’IFI ou d’un membre de son foyer fiscal ;
– les dettes ont été contractées auprès d’une société contrôlée par le redevable, seul ou conjointement, avec d’autres membres de son foyer fiscal.
Le redevable retrouve un droit à la déductibilité de ces dettes s’il démontre que le prêt n’a pas été contracté dans un objectif principalement fiscal.
Une inégalité de traitement source d’optimisation fiscale
Cette inégalité de traitement peut fonder des stratégies d’optimisation fiscale, par la création de dettes exagérées voire fictives par les sociétés civiles immobilières (SCI), structures de détention des actifs immobiliers. La principale stratégie consiste en la contraction de dettes par la SCI auprès de ses associés ou du groupe familial (à savoir le redevable, son conjoint, partenaire de pacs, concubin, ascendants, descendants, frères et sœurs), destinées à financer des actifs immobiliers taxables à l’IFI.
La mesure adoptée vise donc à uniformiser les règles de déductibilité des dettes de l’assiette de l’IFI, en alignant les conditions prévues pour la déductibilité des dettes des organismes ou des sociétés détenant des actifs immobiliers sur celles prévues pour les dettes directement contractées par les personnes physiques redevables de l’IFI. Elles tiennent désormais compte pour la déduction, dans les deux cas, de la seule part de la dette afférente à des actifs imposables à l’IFI.
Des retraitements comptables à effectuer dès l’IFI 2024
Désormais, les dettes contractées par la société détentrice des biens entrant dans le champ de l’IFI et qui ne sont pas afférentes à ces actifs imposables ne sont plus prises en compte, à l’instar des règles de valorisation en cas de détention en direct. « Pour la valorisation des parts ou actions (…) ne sont pas prises en compte les dettes qui sont contractées directement ou indirectement par un organisme ou une société et qui ne sont pas afférentes à un actif imposable », indique le nouvel article 973, IV du CGI.
« Cette mesure est applicable dès cette année », rappelle Sandrine Quilici, directrice de l’ingénierie patrimoniale chez Norman K. « Cela signifie que les redevables concernés vont devoir procéder rapidement à des retraitements des dettes sociales pour que la valorisation de leurs parts ou actions dans la structure de détention ne tienne pas compte des passifs écartés par la loi au regard de l’IFI. D’un point de vue opérationnel, cela laisse peu de temps à ces redevables pour un travail complexe et minutieux de réévaluation, avec à la sortie, nécessairement, une cotisation IFI plus élevée que d’ordinaire ».
Enfin, les sénateurs ont introduit un garde-fou à cette mesure afin que son application n’ait pas pour effet de porter la valeur des parts ou actions imposable à l’IFI au-delà de la valeur vénale desdites parts ou actions déterminées dans les conditions de droit commun : « Sans préjudice des II et III du présent article, la valeur imposable à l’impôt sur la fortune immobilière des parts ou actions déterminée conformément au premier alinéa du présent IV ne peut être supérieure à leur valeur vénale déterminée conformément au I ou, si elle est inférieure à cette dernière, à la valeur vénale des actifs imposables de la société diminuée des dettes y afférentes qu’elle a contractées, à proportion de la fraction de capital de la société à laquelle donnent droit les parts ou actions comprises dans le patrimoine du redevable. »
Référence : AJU012d1