IFI : fiscalité et philanthropie font bon ménage

Publié le 21/05/2024
IFI : fiscalité et philanthropie font bon ménage
Mary Long/AdobeStock

Donner permet de réduire son impôt sur la fortune immobilière. Les techniques de démembrement de propriété permettent d’optimiser ces dons, transformant un choix solidaire en opportunité fiscale. Éclairage.

En 2022, près de 164 000 foyers ont reçu un avis d’impôt pour un montant total de 1,8 Md€. Si soutenir la cause de son choix est d’abord un geste de solidarité, les dispositifs mis au point par le législateur permettent aux contribuables de flécher leur impôt vers des actions de solidarité. Les contribuables à l’IFI peuvent bénéficier de ces dispositifs.

Un régime particulièrement généreux pour encourager la philanthropie

Les incitations fiscales à la générosité ont connu de grandes évolutions depuis leurs origines. D’un taux originellement faible, mais applicable à toutes les associations et fondations d’intérêt général, l’avantage fiscal a progressivement évolué vers des montants plus importants. Son augmentation est corrélée avec le développement de la philanthropie. Longtemps confidentiel, le régime français est devenu l’un des plus généreux au monde avec l’adoption de la loi n° 2003-709 du 1er août 2003 relatif au mécénat, aux associations et aux fondations. À côté du régime de droit commun qui vise les structures dites d’intérêt général, coexistent des régimes spécifiques offrant, sous certaines conditions, aux particuliers et aux entreprises, les mêmes avantages fiscaux qu’il s’agisse du régime de la fondation du patrimoine pour le financement en faveur de la restauration de monuments historiques privés, des régimes des associations cultuelles ou de bienfaisance ou encore du régime des structures ayant pour activité principale la présentation au public de spectacles vivants ou l’organisation d’exposition d’art contemporain. Des régimes spécifiques d’exceptions ont été mis en place pour l’acquisition de biens culturels comme les trésors nationaux, les œuvres originales d’artistes vivants, et les instruments de musique. Au fur et à mesure, au sein du régime de droit commun, les textes ont mis en place une distinction entre les associations et fondations dites « Amendement Coluche » qui prévoit depuis l’adoption de la loi de finances pour 1989 des dispositions plus favorables et les autres organismes d’intérêts général.

Une dépense fiscale croissante

Dès novembre 2018, la Cour des comptes a souligné la forte augmentation du coût fiscal pour l’État du dispositif du mécénat. La dépense fiscale a été multipliée par dix, a souligné la Cour des comptes, passant de 90 millions d’euros en 2004 à environ 900 millions d’euros en 2017. Ce phénomène se poursuit. D’après les dernières statistiques de la DGFiP, depuis 2011, les dons déclarés à l’impôt sur le revenu par les particuliers ont augmenté de 50 % et s’élèvent à 3,3 milliards d’euros en 2021, tandis que ceux déclarés par les entreprises à l’impôt sur les sociétés au titre du mécénat ont plus que doublé dans le même temps pour atteindre 2,6 milliards d’euros (Dons et mécénat, DGFiP Analyses, n° 6, janvier 2024). En 2021, 5,9 milliards d’euros de dons ont été déclarés à l’administration fiscale par les particuliers et les entreprises pour obtenir une réduction d’impôt. L’ensemble des réductions d’impôt correspondantes sont ainsi passées de 1,9 à 3,0 milliards d’euros en dix ans. Surtout, l’efficacité du dispositif n’est pas évaluée. En effet, l’État est « dans l’incapacité de quantifier l’apport de son soutien, et plus largement du mécénat des entreprises, aux différents secteurs d’activité ». L’analyse, le suivi et le pilotage de cette dépense fiscale restent lacunaires. De là à considérer que ces dispositifs de soutien constituent une niche à raboter, il n’y a qu’un pas. À ce titre, la loi de finances pour 2020 a marqué le premier reflux du dispositif incitatif du mécénat réduisant la réduction de l’impôt sur les sociétés de 60 % à 40 % pour certaines des dépenses des plus grandes entreprises. Ce texte a également limité l’attractivité du mécénat de compétences. Néanmoins, avec l’instauration d’un plafond de 10 000 euros en 2019 puis de 20 000 euros en 2020, le législateur a favorisé l’action philanthropique des TPE qui était jusqu’alors limitée par le plafond historique de 0,5 % du chiffre d’affaires.

Les dons des foyers IFI sont en hausse

Depuis 2018, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est venu remplacer l’impôt de solidarité sur la fortune et s’applique pour les personnes détenant un patrimoine immobilier net supérieur à 1,3 million d’euros. Les redevables de l’IFI peuvent déduire de leur impôt 75 % du montant de leur don effectué à un organisme reconnu d’utilité publique. La réduction d’impôt est limitée à hauteur de 50 000 €, ce qui représente un don de 66 667 €. La réforme de l’IFI a paru, dans un premier temps, faire fléchir les collectes de dons. Entre 2011 et 2016, le montant des dons déclarés par des foyers assujettis à l’ISF a plus que doublé passant de 101 millions d’euros à 265 millions d’euros. À la suite du passage à l’IFI, les dons ont chuté à 112 millions d’euros puis sont repartis à la hausse pour atteindre 171 millions d’euros en 2021. Cette progression se poursuit. Avec 193 M€ de dons en 2023, les dons des foyers à l’IFI sont en augmentation de 9 % sur un an. 33 400 foyers à l’IFI ont indiqué avoir effectué des dons à des organismes d’intérêt général, établis en France ou dans un autre État membre de l’Union européenne en 2023. Ces dons donnent droit, sous conditions, à des réductions d’IFI. Le montant total de 208 M€ de dons déclarés pour l’IFI est en hausse de plus de 7,8 % sur un an et représente près de 6 200 € en moyenne par foyer donateur. Cette hausse s’explique par la hausse sur un an de 6,6 % du nombre de donateurs et celle de 1,1 % du montant du don moyen. Ainsi, les foyers dont le patrimoine est situé entre 1,3 et 2,50 M€ ont en moyenne déclaré des dons de 3 400 €, tandis que ceux dont le patrimoine est supérieur à 10 M€ ont donné en moyenne un peu plus de 33 000 € (DGFIP Statistiques avril 2024 n° 23).

Réduire sa facture fiscale grâce à son don

Pour bénéficier de cette réduction d’impôt, il suffit de mentionner le montant de son don sur sa déclaration d’IFI. Il est nécessaire de conserver le reçu fiscal qui a été remis par l’organisme bénéficiaire de don afin de pouvoir justifier de ce don face à l’administration fiscale. Si le montant du don effectué dépasse le plafond de 50 000 € ou le montant d’IFI dû, l’excédent ne peut pas être reporté sur les années suivantes. Cependant le contribuable a la possibilité de déduire cet excédent de son impôt sur le revenu. Le contribuable peut en effet bénéficier d’une réduction d’impôt à hauteur de 66 % du montant de son don, dans la limite de 20 % de ses revenus imposables. Il lui est d’ailleurs possible de répartir ses dons entre déduction IFI et déduction d’impôt sur le revenu en veillant toutefois à ne pas déduire deux fois le même don.

Le calendrier de la déclaration IFI

Pour l’IFI 2024, les dons pris en compte pour bénéficier d’une réduction d’impôt sont ceux effectués entre la date de déclaration de l’IFI 2023 et la date limite de déclaration de l’IFI 2024. Le calendrier de l’IFI est le même que celui de la déclaration des revenus. À partir du 11 avril, les redevables peuvent procéder à leur déclaration en ligne. Selon le département de résidence du contribuable, la date limite de déclaration en ligne est fixée au :

jeudi 23 mai 2024 à minuit pour les départements allant de 01 (Ain) à 19 (Corrèze) et pour les non-résidents fiscaux ;

jeudi 30 mai 2024 pour les départements allant de 20 (Corse du Sud) à 54 (Meurthe-et-Moselle) ;

jeudi 6 juin 2024 dans les départements allant du 55 (Meuse) au 976 (Mayotte).

Les personnes qui ne disposent pas d’internet ou ne sont pas en mesure de déclarer en ligne peuvent utiliser un formulaire papier. La date limite est alors fixée au 21 mai 2024 à 23 h 59, le cachet de la Poste faisant foi.

Réduire l’assiette de son IFI

Seuls les biens immobiliers sont imposables à l’IFI. Les biens professionnels n’entrent pas dans cette assiette. La valeur de la résidence principale bénéficie pour le calcul de cette assiette d’un abattement de 30 %. Afin d’alléger l’assiette de son IFI, le contribuable peut utiliser la technique du démembrement de propriété. Le droit de propriété comprend l’usufruit c’est-à-dire le droit de jouir du bien et la nue-propriété c’est-à-dire droit de vendre ou de donner le bien. Le démembrement de propriété consiste à dissocier l’usufruit et la nue-propriété. Or dans le cadre de l’IFI, en principe c’est à l’usufruitier, et non au nu-propriétaire, de déclarer le bien dans son patrimoine immobilier pour sa valeur en pleine propriété. Cependant cette règle souffre des exceptions et la valeur déclarée du bien démembré peut être répartie entre les patrimoines de l’usufruitier et du nu-propriétaire lorsque le conjoint survivant bénéficie d’un usufruit légal, d’un usufruit compte tenu de l’absence de descendant et survie d’un ascendant du conjoint prédécédé, ou d’un usufruit lié à la présence d’un ou plusieurs enfants nés d’une première union. Il en est de même lorsque la nue-propriété d’un bien immobilier a été vendue à un tiers autre qu’un héritier présomptif, donataire ou personne interposée. C’est également le cas lorsque la nue-propriété a été donnée à une entité publique, une association ou une fondation reconnue d’utilité publique. La valeur déclarée du bien démembré est répartie entre les patrimoines de l’usufruitier ou du nu-propriétaire (barème dépendant de l’âge de l’usufruitier), dans ces trois hypothèses, sous réserve que l’usufruit constitué ne soit ni vendu ni cédé à titre gratuit par son titulaire.

Donation temporaire d’usufruit

Le propriétaire d’un bien immobilier peut effectuer une donation temporaire d’usufruit d’un ou de plusieurs biens immobiliers au profit d’une association ou d’une fondation reconnue d’utilité publique. Ce faisant, il donne pour une durée déterminée les fruits que produit ce bien ou la jouissance de ce bien, tout en conservant la nue-propriété du bien. Dès lors, la valeur de ces biens immobiliers est exclue du patrimoine du nu-propriétaire. Et le donateur peut exclure de l’assiette de son IFI la valeur du bien donné temporairement en usufruit. Il peut également bénéficier d’une réduction du taux de l’IFI, lequel évolue en fonction de la consistance du patrimoine du contribuable, voire être exonéré de tout IFI. En effet, le seuil d’imposition de l’IFI est fixé à 1,3 million d’euros, si le don d’un bien abaisse le patrimoine immobilier du contribuable en dessous de la barre des 1,3 million d’euros permettant à ce dernier d’être totalement exonéré de l’IFI. En outre, il peut également réduire temporairement la base de son impôt sur le revenu dans la mesure où il ne percevra plus les fruits de ce bien comme des loyers par exemple. Pour ce faire, l’association ou la fondation bénéficiaire de la donation doit être reconnue d’utilité publique et la donation doit être formalisée par acte notarié. La donation temporaire d’usufruit doit être consentie pour au moins 3 ans. Cette donation doit avoir une utilité pour l’activité du bénéficiaire, qu’elle soit de nature financière comme la perception des revenus générés par le bien, ou matérielle mise à disposition de locaux pour la structure. En outre, ce bénéficiaire ne doit pas se contenter de percevoir les revenus liés à la location du bien, il doit également en assurer l’administration et veiller à sa bonne conservation.

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