Imposition minimum mondiale : Top départ !
La loi n°2323-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 vient de transposer en droit français la directive européenne relative aux règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition.
La directive visant à garantir un taux d’imposition effectif minimum mondial de 15 % pour les grands groupes exerçant leurs activités dans l’Union européenne devait être transposée dans le droit national des États membres avant le 31 décembre 2023. Ces règles ont pour objectif d’assurer une imposition effective, par juridiction, d’au moins 15 % des groupes d’entreprises multinationales dont le chiffre d’affaires consolidé est d’au moins 750 millions d’euros (sur au moins 2 années sur une période de 4 ans).
Un impôt complémentaire, distinct de l’impôt sur les sociétés
Ces règles prévoient que les groupes concernés déterminent un taux effectif d’imposition de leurs bénéfices (TEI) État par État. Lorsque ce taux est, pour les entités établies dans un État ou territoire donné, inférieur à 15 %, le groupe devra payer un impôt complémentaire pour porter le montant total de l’impôt sur les bénéfices excédentaires réalisés par le groupe dans cet État ou territoire à un niveau d’imposition de 15 %. Le taux effectif d’imposition est une notion nouvelle spécifique au calcul de cette imposition qui est déterminé dans chaque État ou territoire où le groupe multinational exerce ses activités. Il est déterminé, pour chaque État ou territoire dans lequel le groupe est implanté et pour un exercice donné, par le rapport entre le montant des impôts « couverts » supportés par les entités constitutives (entreprises, établissements stables, etc.) établies dans cet État ou territoire et le résultat « qualifié » réalisé par ces mêmes entités. L’article 33 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024 transpose en droit interne les règles de la directive (UE) 2022/2523 permettant d’instaurer un niveau minimum mondial d’imposition fixé à 15 % pour les bénéfices des groupes d’entreprises multinationales disposant d’une implantation en France, ainsi que des grands groupes nationaux qui développent leurs activités sur le seul territoire français. En France, cette réforme conduit à instituer un impôt complémentaire, distinct de l’impôt sur les sociétés pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023.
Une mise en œuvre rapide
C’est la concrétisation de l’engagement pris par l’Union européenne d’agir très rapidement et d’être parmi les premiers à mettre en œuvre l’accord global historique de réforme fiscale conclu par le cadre inclusif de l’OCDE et du G20 sur l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS). La directive relative aux règles globales de lutte contre l’érosion de la base d’imposition, communément désignées sous l’appellation règles GloBE ou Pilier 2 devait être transposée en France au plus tard le 31 décembre 2023, pour pouvoir s’appliquer pour la première fois aux exercices fiscaux ouverts à compter du 31 décembre 2023 et aux exercices fiscaux ouverts à compter du 31 décembre 2024 pour la règle sur les bénéfices insuffisamment imposés, puisque l’application de la règle sur les bénéfices insuffisamment imposés a lieu un an plus tard. Pour les sociétés dont l’exercice est calé sur l’année civile, la réforme s’appliquera donc à compter de l’exercice 2024. Précisons que les États membres qui accueillent sur leur territoire les sièges de moins de douze groupes se trouvant dans le champ du dispositif peuvent choisir de ne pas appliquer cette réforme pendant six ans. Le législateur insère ainsi un nouveau chapitre au Code général des impôts, après ceux consacrés à l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les bénéfices des sociétés. Ce nouveau chapitre porte création d’une nouvelle imposition : l’imposition minimale mondiale des groupes d’entreprises multinationales et des groupes nationaux.
Une réforme majeure
Nombre de multinationales ont bénéficié de la mondialisation pour exploiter les règles du système de taxation internationale afin d’échapper à l’impôt. Dans ce contexte, la quête d’une plus grande justice fiscale est à l’origine d’une vaste réforme de l’impôt sur les sociétés (IS) pour lutter contre l’optimisation fiscale des entreprises implantées en France, notamment les géants du numérique et permettre aux entreprises de payer des impôts dans les pays où elles exercent effectivement leurs activités. Les discussions se sont articulées autour de deux grands thèmes :
– le pilier 1 qui porte sur la réattribution partielle des droits d’imposition des plus grandes multinationales aux juridictions où les bénéfices sont réalisés. L’élément essentiel de ce pilier sera une convention multilatérale. Les travaux techniques sur les modalités respectives sont en cours au sein du Cadre inclusif ;
– le pilier 2 appelé aussi Global Anti-Base Érosion (Globe) comprend deux mécanismes distincts pour collecter l’impôt minimal, la règle d’inclusion des revenus (RIR) qui est la règle principale et la règle des bénéfices insuffisamment imposés (RBII) qui est un filet de sécurité pour garantir une imposition minimale effective des bénéfices réalisés dans chaque État.
À l’hiver 2022, les États membres de l’Union européenne sont parvenus à un accord de principe concernant le Pilier 2, de la réforme sur la fiscalité internationale de l’OCDE. La mise en œuvre effective de la directive la directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022 adoptée à l’unanimité par l’ensemble des États membres visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’Union permettra de limiter le nivellement par le bas des taux d’imposition des sociétés.
Les entreprises concernées
L’impôt complémentaire s’applique aux entreprises situées en France qui sont membres d’un groupe d’entreprises réalisant un chiffre d’affaires consolidé égal ou supérieur à 750 M€ au cours d’au moins deux des quatre exercices précédant l’exercice considéré. Rappelons que conformément à l’accord du cadre inclusif de l’OCDE et du G20, les entités publiques, les organisations internationales ou sans but lucratif, les fonds de pension ou les fonds de placement qui sont des entités mères d’un groupe multinational ne relèvent pas du champ d’application de la directive relative au pilier 2 de l’OCDE.
L’impôt complémentaire est déterminé, selon les cas, selon la règle d’inclusion du revenu, selon la règle relative aux bénéfices insuffisamment imposés ou selon les règles de l’impôt national complémentaire. En cas de sous-imposition globale au titre des entités situées dans un État ou territoire donné, un impôt complémentaire est dû, dont l’assiette est déterminée à partir du résultat qualifié ayant servi de base au calcul du taux effectif d’imposition et dont le taux est égal à la différence entre le taux minimum de 15 % et le taux effectif d’imposition dans cet État ou territoire.
Règles d’imposition
L’impôt complémentaire ainsi déterminé peut être collecté en application de deux règles distinctes :
• en premier lieu, la règle d’inclusion du revenu (RIR), qui s’applique à titre principal. La RIR consiste à mettre à la charge de l’entité mère d’un groupe l’impôt complémentaire lorsque les entités constitutives situées dans un même État ou territoire, qu’il s’agisse de la France ou d’un autre État, sont sous-imposées ;
• en second lieu, la règle des bénéfices insuffisamment imposés (RBII), qui s’applique à titre subsidiaire. La RBII consiste à réattribuer à un État ou territoire dans lequel est située une entité constitutive d’un groupe d’entreprises multinationales un montant résiduel d’impôt complémentaire dans l’hypothèse où le montant total de cet impôt n’a pas pu être perçu en application de la RIR. Il s’agit notamment du cas dans lequel la législation de l’État ou territoire de résidence de l’entité mère ultime du groupe ne prévoit pas l’application des règles du pilier 2, en particulier la RIR.
Les règles d’imposition minimale s’appliqueront aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, à l’exception de la RBII, qui s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.
La règle de l’imposition nationale complémentaire (INC) est applicable aux entités constitutives d’un groupe situées en France. Le champ d’application, l’assiette et le calcul de l’impôt complémentaire national sont identiques à ceux prévus pour l’impôt complémentaire au titre de la RIR ou de la RBII. L’INC ainsi acquitté s’impute sur le montant de l’impôt complémentaire déterminé en application de la RIR. Ce dispositif permet de taxer en France des bénéfices qui y sont faiblement imposés et qui seraient à défaut taxables à l’étranger selon la règle d’inclusion des revenus.
Prélèvement de l’impôt
L’impôt complémentaire est prélevé selon trois types de règles conformément à un ordre convenu. Pour les entités établies en France, le bénéfice faiblement imposé est d’abord assujetti à l’impôt national complémentaire. Selon la règle d’inclusion du revenu, un impôt complémentaire portant sur les bénéfices faiblement imposés d’entités constitutives d’un groupe devra être acquitté au niveau de l’entité mère ultime de ce groupe. L’impôt national complémentaire appliqué aux bénéfices faiblement imposés vient s’imputer sur l’impôt complémentaire dû en application de la règle d’inclusion du revenu. Selon la règle des bénéfices insuffisamment imposés, lorsque la règle d’inclusion des revenus ne s’applique pas dans l’État de situation de l’entité mère ultime, l’impôt complémentaire est prélevé par les États dans lesquels sont établies les autres entités de ce groupe et qui ont adopté les règles du pilier 2. Les règles d’imposition minimale s’appliqueront aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023, à l’exception de la règle de bénéfices insuffisamment imposés, qui s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 31 décembre 2024.
Les entités appartenant à un groupe placé dans le champ du pilier 2 devront souscrire obligatoirement par voie électronique une notification GloBE à compter des exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023. Cette notification permettra d’identifier au sein du groupe quelles entités rempliront les obligations déclaratives et de paiement de l’impôt dû le cas échéant. La première déclaration d’information GloBE devra être souscrite en 2026.
Liquidation et télérèglement de l’impôt
Par principe, toutes les entités constitutives situées en France d’un groupe dans le champ de l’impôt complémentaire devront déposer une déclaration d’informations et un relevé de liquidation au titre de l’impôt complémentaire sous forme dématérialisée, dans les quinze mois suivant la clôture de l’exercice, ou dans les dix-huit mois au titre du premier exercice au cours duquel le groupe ou l’entité constitutive entre pour la première fois dans le champ d’application de l’impôt complémentaire. Le contenu de la déclaration d’informations et du relevé de liquidation sera déterminé par décret. L’impôt complémentaire est acquitté par télérèglement à l’appui du relevé de liquidation. Toutefois par dérogation, les entités constitutives pourront designer une entité unique au sein du groupe pour déposer la déclaration d’informations. Cette entité pourra être située en France ou dans un État ayant conclu avec la France un accord d’échange automatique de déclarations d’informations relatives à l’impôt complémentaire. Par dérogation également, les entités constitutives redevables d’un impôt complémentaire au titre des règles de l’INC et de la RBII pourront désigner une entité unique du groupe pour le dépôt du bordereau de liquidation et le télérèglement.
Référence : AJU012n8