La fiscalité au service de l’enrichissement du patrimoine, l’exemple de la BnF

Publié le 25/07/2023
La fiscalité au service de l’enrichissement du patrimoine, l’exemple de la BnF
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Les dons des personnes physiques comme des entreprises ouvrent droit à des régimes fiscaux spécifiques. Ils permettent aux collections nationales d’évoluer régulièrement.

La générosité des personnes physiques, simples particuliers, artistes, ayant droit, et l’action mécénale des entreprises permet d’effectuer de nouvelles acquisitions pour les collections publiques. Tous bénéficient dans ce cadre d’une fiscalité dédiée particulièrement incitative.

Soutenir les politiques d’acquisition grâce à la fiscalité

En effet, ces nouvelles acquisitions de pièces historiques et contemporaines sont précieuses pour la collectivité. Elles témoignent de la vitalité des collections nationales qui constituent un patrimoine en mouvement, un héritage actif. L’évolution des précieux fonds de la Bibliothèque nationale de France (BnF) est un parfait exemple de la façon dont une collection publique ne cesse de se transformer, se complète de nouveaux points de vue et ce faisant fait évoluer les connaissances et la recherche. Un ensemble complet de la Revue Dada en 2019, des carnets d’Antonin Artaud en 2018, le manuscrit de Najda d’André Breton en 2017, les archives de Michel Foucault en 2015, le manuscrit des Mémoires de Casanova en 2010, l’histoire de la Belle Mélusine, un in-folio gothique du XIV siècle en 2008 ou encore des maquettes d’affiches de Toulouse-Lautrec en 2009, la liste des acquisitions de la Bibliothèque nationale de France (BnF) réalisées grâce au soutien des particuliers et des entreprises est longue. La générosité de ces donateurs, souvent des bibliophiles passionnés permet aux donateurs d’inscrire leur nom dans l’histoire de cette prestigieuse institution qui œuvre au quotidien pour proposer à tous les publics un accès au patrimoine documentaire national que la BnF a pour mission de collecter, cataloguer, conserver, enrichir et communiquer.

Un dîner pour un Trésor national

L’entrée en 2014 dans les collections de la Bibliothèque nationale de France d’un agenda inédit ayant appartenu à Marcel Proust illustre le dynamisme de l’effort mécénal. Guillaume Fau, conservateur au département des manuscrits de la BnF, a repéré cet ouvrage lors d’une de ces opérations de veille. C’est en feuilletant le catalogue de vente de Christie’s, qu’il repère cet agenda inédit qui pourrait enrichir le Fonds Proust des collections du département des manuscrits alors constitué de 122 volumes. Ce fonds s’est constitué par acquisitions successives, auprès de la nièce de Marcel Proust entre 1962 et 1977, puis par dation en 1983 auprès d’un collectionneur privé. L’agenda a été vendu en avril chez Christie’s, par un particulier français au profit d’un libraire parisien, qui a acquis l’agenda 130 000 euros pour son compte. Ce libraire contacté accepte spontanément de le revendre à son prix d’achat à la BnF. Reste à financer l’opération. Ce financement est monté lors d’un Dîner des mécènes, une manifestation qui se tient une fois par an, dans l’enceinte de la BnF, et dont les bénéfices permettent d’acquérir un objet de prestige. Libraires, maisons d’édition, amateurs d’art, fondations, entreprises mécènes de la BnF achètent des places ou des tables entières pour financer l’objet qui est présenté à ce dîner. L’élan des 230 mécènes réunis ce soir-là a permis d’acquérir ce trésor littéraire. Car bien loin d’être un simple agenda c’est en réalité la matrice de La Recherche qu’on retrouve avec ce petit carnet de maroquin rouge grenat. Proust commence à prendre des notes dès 1906. Sur 80 pages, apparaissent des listes d’idées, de termes et de noms propres qui préfigurent l’univers de Swann ; bien en amont des quatre carnets de l’écrivain, datés de 1908 à 1917, et conservés dans le Fonds Proust de la BnF. Un trésor inestimable pour les chercheurs en particulier pour les spécialistes de la génétique des textes, qui étudient le processus de création des œuvres littéraires.

Le dispositif fiscal du Trésor national

Cette pièce manquante du puzzle de l’édification de la Recherche, peut être considéré comme un Trésor national car à ce jour on ne connaît aucun autre carnet de ce type, celui-ci bénéficie donc d’un régime fiscal de mécénat spécifique. En participant à l’achat d’un Trésor national pour le compte de l’État les entreprises bénéficient en effet d’une réduction spécifique égale à 90 % sommes investies (CGI, art. 238 Bis – OA). La notion de Trésor national vise des biens culturels qui, présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie et ont en conséquence fait l’objet d’un refus temporaire de sortie du territoire. Ils deviennent inexportables pendant 30 mois. Dans ces délais, l’État peut présenter au propriétaire une offre d’achat qui tient compte des prix sur le marché international. La réduction d’impôt est très importante, signe de la volonté du législateur d’afficher sa générosité pour un objectif considéré comme prioritaire. Cette réduction d’impôt, qui ne peut être supérieure à 50 % du montant de l’impôt dû par l’entreprise, s’applique sur l’impôt dû au titre de l’exercice au cours duquel les versements ont été acceptés par les ministres chargés de la Culture et du Budget. Le dispositif a été appliqué pour la première fois, en février 2003, quand l’entreprise PGA Holding a permis l’acquisition par l’État, d’un Trésor national constitué par l’ensemble de neuf grands panneaux décoratifs de Jean-Baptiste Oudry, désormais exposé au Louvre. Initialement, le dispositif Trésor national comprenait deux volets. À la réduction d’impôt pour don de 90 % était associée une réduction d’impôt limitée à 40 % des dépenses engagées (CGI, art. 238 Bis – O AB) et destinée aux entreprises souhaitant faire l’acquisition d’un Trésor national et en rester propriétaire. Dans ce dernier cas, la réduction d’impôt était conditionnée au fait que le bien n’ait pas fait l’objet d’une offre d’achat de l’État, que l’entreprise ait demandé l’agrément pour l’acquisition directe d’un Trésor national, et qu’elle se soit engagé à en demander le classement comme monument historique. Autres conditions à respecter : ne pas céder le bien dans les dix ans suivant l’acquisition, le placer en dépôt auprès d’un musée de France, d’un service public d’archives ou d’une bibliothèque relevant de l’État ou placée sous son contrôle technique, durant dix ans minimum. Ses conditions strictes n’ont pas facilité l’essor de ce volet d’acquisition du dispositif qui est resté sous-utilisé. Il a été depuis supprimé dans le cadre de la loi de finances pour 2020.

Structurer les dons

Pour structurer l’effort philanthropique de ces grands mécènes, il existe des structures dédiées. Les Cercles de la BnF réunissent des hommes et des femmes qui souhaitent s’engager aux côtés de la Bibliothèque pour la soutenir dans des projets d’envergure patrimoniale. Philanthropes et passionnés, ils nouent ainsi des relations privilégiées et pérennes avec la plus ancienne institution culturelle française. C’est dans le cadre de ce cercle créé en 2000 et présidé par Jean-Claude Meyer, que s’organisent les dîners de levées de fonds évoqués plus haut. Les fonds réunis à cette occasion, grâce à la générosité des participants, sont destinés à acquérir une nouvelle œuvre. Le Cercle Richelieu a, quant à lui, pour vocation de réunir des mécènes, en France et à l’international, pour soutenir la restauration du site historique de la BnF. Entreprises, particuliers et fondations s’engagent ainsi durablement aux côtés de la BnF en faveur de ce projet de renaissance d’envergure. Ensemble, ils accompagnent un projet culturel d’excellence, au rayonnement international.

Une fiscalité avantageuse pour les dons individuels

Plus de 3 300 donateurs individuels ont ainsi manifesté leur attachement à la BnF par le biais de souscriptions publiques. Ces dernières ont porté sur la restauration de la salle Ovale, de la galerie Mazarin et du salon Louis XV. La salle Ovale, symbole d’une bibliothèque ouverte à tous, a fait l’objet d’une approche singulière dans cette levée de fonds, permettant au grand public de se réapproprier le lieu à travers des dons. Le mobilier de la salle (tables, calorifères, lampes, bibliothèques et colonnes) et les décors avec les noms des villes ornant la verrière ont ainsi été proposés à l’adoption symbolique. Au total, ce sont 553 objets et éléments de décors de la salle Ovale qui ont été parrainés. Les particuliers bénéficient d’une réduction d’impôt qui est fonction de leur effort mécénal. La réduction d’impôt sur le revenu est égale à 66 % dans la limite de 20 % du revenu imposable du contribuable. Ainsi, un particulier qui effectue un don de 5 000 euros bénéficie en réalité d’une réduction d’impôt sur le revenu de 3 300 euros ce qui porte le coût réel de son geste mécénal à 1 700 euros. La BnF recourt souvent à ce type de contributions publiques.

De nombreuses souscriptions publiques

En 2020, une souscription publique a été lancée pour acquérir le fonds d’archives de Maurice Genevoix, ses premiers jets aux épreuves corrigées, de ses carnets de guerre aux brouillons de ses discours, en passant par une très importante correspondance, et surtout de la totalité de ses manuscrits, à l’exception du manuscrit définitif de ceux de 14 qui avait fait l’objet d’un don à la BnF en 2020. Plus de 1 200 personnes ont répondu à l’appel au don. Le Fonds du Patrimoine et la Fondation d’entreprise La France Mutualiste se sont également engagés aux côtés de la BnF pour permettre cette acquisition. En 2023, la BnF a lancé un appel au don pour acquérir un exceptionnel manuscrit enluminé, réalisé vers 1370, pour le roi de France, Charles V (1338-1380), le Bréviaire à l’usage de la Sainte Chapelle. L’appel au don est ouvert jusqu’au 31 décembre 2023. Le montant de l’acquisition du bréviaire de Charles V est fixé à 1,60 M€. C’est la première fois depuis plus de 200 ans que la BnF a l’opportunité d’acquérir un manuscrit de la très fameuse bibliothèque de Charles V, qui comptait plus de 1 000 ouvrages. La BnF en possède déjà 185. Outre la réduction fiscale attachée à ce don, les donateurs bénéficient d’avantages croissant en fonction de leur don : invitations pour découvrir le musée, une exposition temporaire de la BNF, Pass lecture culture nominatif valable un an, invitation à un événement privé.

La contribution des entreprises

Les entreprises françaises ont également répondu présents. Mécène depuis 2009 de la BnF, le don de la Caisse d’Épargne Île-de-France a contribué à rendre le site Richelieu accessible à tous. Saint-Gobain est partenaire de la BnF pour la création d’une galerie de verre qui permet au visiteur d’accéder de façon plus fluide à l’ensemble des salles du musée. L’engagement de la Banque Hottinguer auprès de la BnF comme celui de la Fondation d’entreprise TotalEnergies a contribué à la restauration de la galerie Mazarin. Le don de la Fondation Sisley-d’Ornano a permis la création du Cabinet précieux, nouvel écrin du trésor antique de Berthouville. Celui de la Fondation Andreas Mentzelopoulos a permis la restauration de la salle dédiée aux collections issues de la donation, en 1863, du duc de Luynes, dont une des particularités est d’abriter la plus belle collection de monnaies grecques au monde. Le régime de droit commun mis en place pour les entreprises correspond à une réduction d’impôt sur les sociétés (IS) égale à 60 % des sommes données (CGI, art. 238 bis). Les dépenses ne sont retenues que dans la limite dans la limite de 20 000 € ou de 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’entreprise donatrice lorsque ce dernier montant est plus élevé. En cas de dépassement de ce seuil ou si le résultat de l’exercice en cours est nul ou négatif, il est cependant possible de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants. La loi de finances pour 2020 a durci le régime du mécénat d’entreprise, en abaissant à 40 % le taux de la réduction d’impôt pour la fraction de versements annuels de dons supérieurs à 2 millions d’euros.

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