Le fisc au secours du patrimoine religieux

Publié le 04/04/2025
Le fisc au secours du patrimoine religieux
Ievgen Skrypko/AdobeStock

Réduction d’impôt exceptionnelle pour les dons en faveur du patrimoine religieux des petites communes, dispositif fiscal spécifique au service du chantier de Notre-Dame de Paris, le législateur innove pour que la fiscalité vienne accompagner la restauration du patrimoine religieux.

« Le patrimoine religieux représente un enjeu important pour les citoyens, en dépit et même à cause de la loi de 1905 », constate l’Observatoire du patrimoine religieux. « En effet, ce patrimoine reste largement propriété de l’État et des collectivités locales qui doivent en assumer les charges, de plus en plus lourdes, en mobilisant les impôts des citoyens, quel que soit le culte que ces derniers pratiquent ou ne pratiquent pas ». L’exceptionnelle mobilisation en faveur du chantier de Notre-Dame en est la meilleure preuve.

La collecte de Notre-Dame, une collecte record

La restauration de Notre-Dame a reposé sur deux principales sources de financement : une souscription nationale et des dons versés directement à l’établissement public, au total environ 846 millions d’euros en numéraire, en nature ou via des mécénats. L’État a soutenu ce projet grâce à des dispositifs fiscaux incitatifs qui ont encouragé les financements privés, notamment des dons déductibles des impôts. En complément, une subvention annuelle accordée par le ministère de la Culture a permis de répondre aux besoins du chantier. L’important élan de générosité et de mécénat constaté après l’incendie s’est prolongé par la confirmation des promesses de dons, dont 98 % ont été contractualisées, par l’arrivée de nouveaux dons et par la mise en place de mécénats de compétence au bénéfice de l’établissement public. Au total, d’après les chiffres de la Cour des comptes, l’ensemble des dons en numéraires s’élevait à 841,5 millions d’euros à fin 2021, auxquels s’ajoutent des dons en nature et en mécénat de compétence pour une valeur d’au moins 5 millions d’euros « du jamais vu ». Pour Bertrand de Feydeau, vice-président de la Fondation du patrimoine pour Notre-Dame de Paris, cette collecte d’un montant record « fait partie de l’extraordinaire de cet événement ». À la fin du chantier les collectes ont permis de réunir 846 millions d’euros au total. Selon l’établissement public chargé du chantier de restauration de la cathédrale parisienne, ces dons proviennent de 340 000 donateurs de 150 pays.

Une réduction spécifique de 75 % pour les particuliers

Les particuliers ont été très nombreux à se mobiliser. En 2019, à la suite à l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, un dispositif a été instauré pour favoriser les dons à destination d’organismes agréés pour sa restauration c’est-à-dire auprès du Trésor public, du Centre des monuments nationaux, de la Fondation de France, de la Fondation du patrimoine ou encore de la Fondation Notre-Dame, (L. n° 2019-803 du 29 juillet 2019, loi pour la conservation et la restauration et de la cathédrale Notre-Dame de Paris). La réduction d’impôt sur le revenu prévue s’effectue à hauteur de 75 % du montant du don dans la limite de 1 000 euros. Elle s’est appliquée aux dons effectués entre le 16 avril et le 31 décembre 2019 dans le cadre de la souscription nationale pour la restauration de la cathédrale Notre-Dame. Son montant n’est pas pris en compte dans le calcul du plafonnement global des avantages fiscaux. Plus de 120 000 foyers fiscaux ont déclaré avoir effectué un don dans ce cadre, pour un montant total de 30,6 millions d’euros, ce qui représente en moyenne 253 euros par foyer. Cependant, seulement un tiers de ces dons sont supérieurs à 100 euros.

Le cadre de droit commun également applicable

Les dons consentis ultérieurement pour la restauration de la cathédrale sont entrés dans le cadre de droit commun. Ils ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égal à 66 % de leur montant, dans la limite d’un plafond annuel égal à 20 % du revenu imposable. Lorsque les dons effectués au cours d’une année excèdent la limite de 20 %, l’excédent peut être reporté successivement sur les cinq années suivantes et ouvre droit à la réduction d’impôt dans les mêmes conditions. Les donateurs redevables de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) peuvent déduire de leur impôt une somme correspondant à 75 % du montant de leurs dons. Cette réduction d’impôt est plafonnée à 50 000 euros par an.

Des montants inédits versés par les entreprises mécènes

Cet exceptionnel élan de générosité des donateurs individuels a été complété par des apports de mécénat des entreprises dont l’importance très majoritaire en montant apparaît complètement inédite, souligne la Cour des comptes. « Au 31 décembre 2019, 331 762 particuliers avaient fait un don en moyenne de 196,50 € et 6 012 entreprises avaient apporté un mécénat en moyenne de 17 304 € ». Certains grands donateurs ont réalisé des donations exceptionnelles : 200 millions d’euros pour la famille Arnault et le groupe LVMH, ainsi que pour la famille Bettencourt Meyers et le groupe L’Oréal, 100 millions d’euros pour la famille Pinault, comme pour le groupe Total. Des dizaines d’autres grands donateurs, comme le groupe Bouygues ou JC Decaux permis d’atteindre environ 700 millions d’euros.

Nombre de donateurs ont renoncé à bénéficier du régime fiscal du mécénat

Les entreprises concernées ont pu bénéficier du régime fiscal qui prévoit une réduction d’impôt sur les sociétés (IS) égale à 60 % des sommes données (CGI, art. 238 bis). La loi n’impose aucun montant minimal de chiffre d’affaires. De même, aucun montant minimal n’est requis pour le don effectué par l’entreprise. En revanche, le dispositif est plafonné, puisque les dépenses ne sont retenues que dans la limite de 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’entreprise ou dans la limite de 20 000 euros. En cas de dépassement de ce seuil ou si le résultat de l’exercice en cours est nul ou négatif, il est cependant possible de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants. Pour les grandes entreprises, le taux de réduction d’impôt passe de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros par an. Cependant nombre de grands donateurs comme les familles Pinault et Arnault ont choisi de ne pas utiliser ce dispositif défiscalisant.

Étendre ce mouvement de solidarité à d’autres édifices religieux

Ce succès a inspiré les pouvoirs publics. D’après les chiffres du ministère de la Culture, le patrimoine religieux français est composé en France, tous cultes confondus, de 100 000 édifices. Environ 15 000 sont classés ou inscrits au titre des monuments historiques. 40 000 appartiennent à des petites communes. 500 sont en périls, fermés au public ou nécessitent d’importants travaux de restauration. L’entretien et la conservation du patrimoine immobilier religieux incombent pour une très large part aux communes, souvent trop petites pour supporter seules la charge des travaux. En septembre 2023, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine, le président de la République a annoncé le lancement d’une nouvelle collecte nationale pour la conservation du patrimoine immobilier religieux des petites communes. « Depuis la collégiale de Semur-en-Auxois, en Côte-d’Or, le chef de l’État a lancé une collecte pour mobiliser 200 millions d’euros sur quatre ans », résume l’Observatoire du Patrimoine Religieux. La collecte nationale a été confiée à la Fondation du patrimoine dans le cadre de son activité d’intérêt général de sauvegarde du patrimoine local.

Une collecte nationale

Pour Marthe Boulanger, directrice du mécénat à la Fondation du patrimoine, « cette grande collecte nationale résonne avec le chantier historique de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Au même titre que Notre-Dame, il s’agit ici d’agir pour sauvegarder les marqueurs de l’histoire de notre territoire, les édifices religieux qui sont au cœur de la vie des villes et villages ». En accompagnant la collecte nationale, l’État consolide ainsi son engagement en faveur de la sauvegarde du patrimoine national, auprès des communes de France métropolitaine de moins de 10 000 habitants et des communes d’outre‑mer de moins de 20 000 habitants. Les premiers projets ont été sélectionnés au cours du premier semestre 2024 par un comité spécifique liant le ministère de la Culture et la Fondation du patrimoine. Le montant mobilisé détermine le nombre de projets soutenus. Un compteur, actualisé en temps réel, en ligne sur le site de la Fondation du patrimoine, indique les montants collectés ainsi que le nombre de donateurs. La plateforme de collecte comptabilisait, le 24 janvier 2024, 2 119 635 € de dons faits par 10 668 particuliers.

Une réduction d’impôt exceptionnelle pour les particuliers

Le législateur a mis en place une nouvelle réduction d’impôt sur le revenu au profit des dons effectués à la Fondation du patrimoine pour assurer la conservation et la restauration du patrimoine immobilier religieux des petites communes. Cette réduction d’impôt sur le revenu est égale à 75 % des versements, dans la limite de 1 000 euros. Elle s’applique aux versements réalisés entre le 15 septembre 2023 et le 31 décembre 2025. Les dons qui excèdent cette limite ouvrent droit à la réduction d’impôt de droit commun au taux de 66 % prévue pour les autres dons versés aux œuvres et organismes d’intérêt général ou assimilés, dans la limite de 20 % du montant du revenu imposable. Les 1 000 euros ouvrant droit à la réduction d’impôt au taux de 75 % ne sont pas pris en compte pour l’appréciation de cette limite de 20 %. « La mobilisation de plusieurs milliers de donateurs témoigne de la dimension populaire de cet élan de générosité qui devra s’inscrire dans la durée pour sauver le plus d’édifices possible, analyse Marthe Boulanger. Cette initiative nationale est soutenue par le gouvernement à travers une défiscalisation renforcée. C’est un signe fort d’encouragement à une solidarité territoriale en faveur du patrimoine à laquelle les mécènes entreprises peuvent être sensibles. »

Le collectif budgétaire étend ce dispositif

En outre, le taux majoré à 75 % de la réduction d’impôt pour les dons en faveur du patrimoine religieux a été étendu à l’ensemble des fondations reconnues d’utilité publiques (Frup) dont les statuts prévoient une mission d’intérêt général de sauvegarde du patrimoine pour contribuer au financement d’études et de travaux pour la conservation et la restauration du patrimoine immobilier religieux, que ces Frup appartiennent à des collectivités publiques ou privées. Jusqu’alors, les seuls dons effectués au profit de la Fondation du patrimoine pour la restauration du patrimoine immobilier religieux public bénéficiaient de cette réduction d’impôt de 75 %. Conformément aux dispositions de la loi de finances pour 2025, la mesure s’applique, à compter du lendemain de la promulgation de la loi, soit le 15 février 2025 et jusqu’au 31 décembre 2025.

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