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L’encadrement des loyers : Paris prend la main !

Publié le 22/03/2023
Paris
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La Ville de Paris a désormais un pouvoir de contrôle et de sanction en cas de dépassement de l’encadrement des loyers, ce dispositif qui permet de limiter l’augmentation des loyers des logements du parc privé parisien. Il est possible de mettre en demeure le propriétaire de régulariser le bail et de reverser les loyers trop-perçus au locataire. La Ville de Paris peut prononcer une amende à l’encontre du propriétaire en cas de refus ou d’absence de réponse de ce dernier.

D’abord mis en place dans le cadre de la loi ALUR en 2014, puis mis en échec par le juge administratif, le dispositif d’encadrement des loyers dans les zones tendues a été rétabli de façon expérimentale par le législateur avec la loi ÉLAN (portant Évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) du 23 novembre 2018. Le législateur a prévu sa prolongation jusqu’en 2026, dans le cadre du projet de loi 4 D (projet de loi relatif à la différenciation, décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, adoptée au Sénat en juillet dernier).

La loi ÉLAN a ouvert ce dispositif expérimental d’encadrement des loyers du secteur privé sur un périmètre défini par les collectivités, au regard de quatre critères : un écart important entre le niveau de loyer constaté dans le parc locatif privé et le loyer moyen pratiqué dans le parc locatif social, un niveau de loyer médian élevé, un taux de logements commencés, rapportés aux logements existants sur les cinq dernières années faible et des perspectives limitées de production pluriannuelle de logements et de faibles perspectives d’évolution de celles-ci.

Un dispositif efficace

Paris a été la première candidate à cette expérimentation, vite rejointe par plus d’une vingtaine de villes, dont de nombreuses communes d’Île-de-France mais également des communes comme Lille, Lyon, Villeurbanne, Bordeaux, Montpellier, etc. Dans une ville où 2 Parisiens sur 3 sont locataires, une mesure comme l’encadrement des loyers est essentielle. En août dernier, la ville de Paris se félicitait d’une étude publiée par l’OLAP affichant une hausse des loyers moins forte à Paris en 2021 que les années précédentes. Pour la ville, « les relocations se sont conclues en 2021 en moyenne à 26,20 €/m² soit un niveau proche de 2020 (26,00 €/m²), illustrant l’effet modérateur de l’arrêté d’encadrement des loyers effectif depuis le 1er juillet 2019 ». Reste que ce dispositif est encore insuffisamment respecté. D’après la septième étude de l’association Consommation, Logement et cadre de Vie (CLCV) portant sur le respect de l’encadrement des loyers à Paris, seules 69 % des annonces respectent les loyers plafonds, avec des dépassements d’en moyenne 119 euros par mois. Ce taux est abaissé à 60 % pour les professionnels qui gèrent en direct leurs biens. Il monte à 85 % pour les administrateurs professionnels.

Trois mesures de références

L’encadrement s’applique à tous les baux signés à compter du 1er juillet 2019 et soumis à la loi du 6 juillet 1989, c’est-à-dire la location de la résidence principale ou la location dans le cadre d’un bail mobilité. Il s’applique aux locations vides et meublées, tant pour les relocations que pour les premières locations (dont les colocations) et les renouvellements de baux. Ne sont pas concernés par l’encadrement des loyers :

  • Les logements sociaux (HLM, conventionnés APL et ANAH) ;

  • Les logements soumis à la loi de 1948 ;

  • Les locations saisonnières.

L’encadrement des loyers repose sur trois mesures, fixées annuellement par un arrêté : un loyer de référence, un loyer majoré équivalant au loyer de référence +20 % et un loyer minoré équivalant au loyer de référence -30 %, exprimés par un prix au mètre carré de surface habitable, déterminés en fonction du marché locatif observé et déclinés par secteurs géographiques. Pour les logements meublés, le loyer de référence inclut une majoration, sous forme de pourcentage, défini annuellement par arrêté (environ 12 % depuis 2 ans), appliquée sur le loyer de référence des logements non meublés. Le propriétaire peut fixer librement le loyer hors charges des logements mis en location, dit loyer de base à la condition de ne pas excéder le niveau du loyer de référence majoré. À défaut, une action en diminution du loyer peut être engagée. Pour vérifier la conformité de son loyer au loyer de référence majoré, le locataire peut utiliser un service mis en ligne par la ville de Paris : https://teleservices.paris.fr/encadrementdesloyers/

Que faire en cas de dépassement de loyer ?

Rappelons que le dispositif de plafonnement s’articule en effet avec le décret annuel de limitation de la hausse des loyers à l’indice de référence des loyers (IRL) appliqué depuis 2012 dans les 28 zones tendues dont l’agglomération parisienne. Ce mécanisme s’applique aux villes de plus de 50 000 habitants où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements et a été prolongé récemment jusqu’au 31 juillet 2022 et est en vigueur à Paris. En conséquence de ce dispositif, si le bail concerne un logement qui était occupé dans les derniers 18 mois par un autre locataire, le loyer ne peut pas être supérieur au précédent, sauf un nombre très limité de cas.

Le montant du loyer est obligatoirement mentionné dans le bail signé entre le locataire et le propriétaire. Le bail doit comprendre également le loyer de référence, le loyer de référence majoré, et, si le propriétaire demande un complément de loyer, son montant et sa justification. Si le bail ne précise pas ces informations, le locataire a un mois à partir de la date de la prise d’effet du bail pour demander au bailleur de régulariser le bail. Sans réponse du propriétaire dans un délai d’un mois ou en cas de refus de ce dernier, le locataire a trois mois à compter de la réception de son courrier par le propriétaire pour saisir le juge des contentieux et de la protection de Paris – tribunal judiciaire.

Le pouvoir de contrôle et de sanction transféré à la ville

Jusqu’ici assuré par le préfet, le recueil des signalements de dépassement du loyer de référence majoré effectués par les locataires est depuis le 1er janvier 2023 désormais assuré par la ville de Paris, une première pour les collectivités locales. Une dizaine d’agents est affectée à cette nouvelle mission. Jusqu’ici la préfecture n’avait instruit qu’environ 120 dossiers et prononcé une dizaine d’amendes, un chiffre jugé très faible. Le transfert du pouvoir de contrôle et de sanction à la ville doit permettre de limiter au maximum les abus en ayant un effet dissuasif sur les propriétaires. En effet, le dépassement du loyer peut être signalé à tout moment à la ville de Paris, via une plateforme dédiée, le délai d’action en justice étant de trois ans à compter de la date de signature du bail. Dans les quatre premiers jours de janvier une quinzaine de signalements ont déjà été effectués. En cas de non-respect de l’encadrement des loyers, la ville de Paris met en demeure le propriétaire de rectifier le montant du loyer dans le bail et de verser les trop-perçus au locataire dans un délai de deux mois. En cas de refus ou sans réponse de sa part, la ville de Paris informe le propriétaire des sanctions qu’il encourt. Il peut, à cette occasion, transmettre ses observations. À l’issue de ce délai, la ville de Paris prononce une amende à l’encontre du propriétaire pouvant aller jusqu’à 5 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale. Même si une amende est prononcée par la ville de Paris à l’encontre du propriétaire, le bail reste à régulariser et les loyers trop-perçus à verser. Parallèlement à la démarche de signalement auprès de la ville de Paris, le locataire peut effectuer une démarche auprès de la commission départementale de conciliation (CDC) pour demander l’actualisation du bail et le reversement des trop-perçus.

Présence d’un complément de loyer

Si la qualité de son bien le justifie, l’investisseur peut opter pour un complément de loyer. Il s’agit d’un montant qui s’ajoute au loyer de base, hors charges, et qui peut être demandé par le propriétaire lorsque le logement comprend des caractéristiques liées à la localisation et/ou pouvant être considérées comme luxueuses ou rares, par rapport à des logements similaires dans le même secteur géographique. Qu’il s’agisse d’un logement vide ou meublé, un complément de loyer ne peut pas être demandé si le loyer hors charges est inférieur au loyer de référence majoré. Les caractéristiques justifiant le complément de loyer ne doivent pas avoir déjà été prises en compte pour fixer les loyers de référence (meublée ou vide, nombre de pièces principales, époque de construction). Le montant du complément de loyer et les caractéristiques du logement le justifiant doivent obligatoirement être mentionnés dans le contrat de location.

Contester un complément de loyer

Le locataire dispose de trois mois à compter de la signature du bail, pour contester le complément de loyer auprès de la commission départementale de conciliation (CDC). Cette étape est indispensable avant toute saisine du juge judiciaire. Dans le cadre de la conciliation, le propriétaire doit démontrer et justifier les caractéristiques du logement permettant la mise en place d’un complément de loyer. En cas d’accord, le montant du loyer tenant compte du complément de loyer est fixé par le document de conciliation établi par la commission. En l’absence d’un accord, le locataire dispose d’un délai de trois mois à compter de la réception de l’avis pour saisir le juge des contentieux et de la protection d’une demande en annulation ou en diminution du complément de loyer. La décision judiciaire comme l’accord de conciliation s’applique à compter de la prise d’effet du bail.

Le propriétaire ne peut pas demander un complément de loyer si le logement présente l’une des caractéristiques suivantes :

  • des sanitaires sur le palier ;

  • des signes d’humidité sur certains murs ;

  • un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G

  • des fenêtres laissant anormalement passer l’air hors grille de ventilation ;

  • un vis-à-vis à moins de dix mètres ;

  • des infiltrations ou des inondations provenant de l’extérieur du logement ;

  • des problèmes d’évacuation d’eau au cours des trois derniers mois ;

  • une installation électrique dégradée ;

  • une mauvaise exposition de la pièce principale.

D’après l’analyse de la jurisprudence, les motifs considérés comme recevables pour demander un complément de loyer sont une grande terrasse, une vue directe exceptionnelle sur un monument, des équipements luxueux ou encore une hauteur sous plafond de plus de 3,3 m. En revanche, la décoration ou la luminosité du logement, la présence d’une cuisine équipée, de placards de rangement, d’un petit balcon, des travaux de rénovation ou encore la proximité du RER/métro ne sont pas admis comme éléments justificatifs.

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