Yvelines (78)

L’envolée de la taxe foncière : le cas d’école du département des Yvelines

Publié le 07/12/2022
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2022 marque une hausse importante de la taxe foncière sur les propriétés bâties. La situation est particulièrement marquée dans le département des Yvelines (78), accentuée par la création d’un nouveau niveau de taxe foncière prélevée par la communauté de communes.

Le Think Tank IFRAP anticipe une augmentation de 1, 2 milliard d’euros en 2022 et de 2 milliards d’euros en 2023 pour la taxe foncière sur les propriétés bâties acquittée par les ménages. Les chiffres de l’Observatoire national des taxes foncières sur les propriétés bâties de l’UNPI collectés dans les 200 plus grandes villes de France confirment cette tendance avec des hausses à deux chiffres, quelques fois spectaculaires : + 19 % à Bagnolet ou à Martigues, + 16 % (TEOM comprise) à Marseille. Dans ces 200 plus grandes villes, on note une hausse moyenne de 4,7 % (5 %, TEOM comprise).

Une hausse marquée dans le département des Yvelines

Cette hausse n’était que de 1,3 % entre 2021 et 2022. Dans le département des Yvelines, l’envolée est particulièrement spectaculaire : on note ainsi des hausses de taxe foncière de + 24 % à Poissy et de + 22 % à Mantes-la-Jolie deux communes membres de la communauté urbaine Grand-Paris-Seine-et-Oise, d’après les chiffres de l’Observatoire national des taxes foncières sur les propriétés bâties de l’UNPI. Sur la dernière décennie, la taxe foncière a singulièrement augmenté. Entre 2011 et 2021, d’après les chiffres de l’UNPI, en moyenne, sur l’ensemble du territoire, la taxe foncière a progressé de 24,9 %. Une hausse qui s’explique pour moitié par la revalorisation légale des valeurs locatives pendant cette période et pour moitié par la hausse des taux votés par les collectivités. En 2022, la revalorisation des bases cadastrales s’avère particulièrement dynamique (+3,4 %). Et l’utilisation du levier fiscal est plus marquée qu’en 2021, avec une augmentation moyenne de 5, 9 % par rapport à l’année précédente d’après les chiffres de la Banque Postale, qui souligne que près de 30 % des EPCI à fiscalité propre ont augmenté leur pression fiscale sur la TFPB en 2021 et 2022 et près d’une cinquantaine ont institué un taux de TFPB pour la première fois.

Vallée de la Seine : l’impact de la création d’une taxe foncière communautaire

Dans la vallée de la Seine, la hausse de la taxe foncière est très conséquente. Si elle atteint des niveaux inédits pour les 73 communes qui composent la communauté urbaine Grand-Paris-Seine-et-Oise c’est notamment en raison de la délibération du 17 février 2022 actant la création d’un taux de taxe foncière intercommunal de 6 % dédiée au financement de la communauté urbaine. Une décision inédite et controversée car depuis la création de la communauté urbaine, au 1er janvier 2016, le principe de non-recours à la fiscalité foncière avait été acté. Mais les exigences budgétaires ont mis à mal ce principe. Les 39,8 millions de recettes attendues devraient faciliter l’exercice des 54 compétences exercées par la communauté de communes au quotidien (l’amélioration de la qualité de la voirie, le développement des mobilités durables ou encore la redynamisation des centres-villes par exemple) et lui permettre d’assurer sa participation aux grands projets, dont l’aménagement des pôles gares Éole pour accompagner l’arrivée du RER E sur le territoire à l’horizon 2024/2025 ou encore des opérations de renouvellement urbain.

Un millefeuille de taux

Chaque collectivité bénéficiaire de la taxe foncière applique en effet un taux aux bases d’imposition. La somme des cotisations prélevées par les collectivités territoriales donne le montant brut de la taxe foncière. Sur ce montant brut, l’État applique 3 % à titre de frais de gestion ; dont les deux tiers sont appliqués en contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs qu’il prend à sa charge. Par exception, ce taux est de 8 % pour la collecte au profit des syndicats de communes. La somme du montant brut de taxe foncière et des frais de gestion donne le montant total de taxe foncière. D’autres taxes additionnelles peuvent intervenir. La commune ou une intercommunalité peut avoir institué une taxe d’enlèvement des ordures ménagères  (TEOM) qui partage la même base d’imposition que la taxe foncière pour couvrir spécialement les dépenses d’enlèvement des déchets ménagers. Dans ce cas, le taux, la base d’imposition et la cotisation de TEOM apparaissent sur l’avis de taxe foncière dans une colonne dédiée, même s’il s’agit en réalité d’un impôt distinct de la taxe foncière (voir par exemple l’avis d’imposition). Des frais de gestion sont également prélevés, au taux de 8 %. Contrairement à la taxe foncière, les bailleurs peuvent refacturer la TEOM à leurs locataires. Les deux tiers des communes françaises prévoient également pour les propriétés bâties une taxe spéciale d’équipement (TSE), destinée à financer un établissement public foncier local ou d’État. Les frais de gestion de l’État sont fixés à 9 % pour la TSE. En Île-de-France, une TSE spécifique s’applique en sus au profit de l’établissement public du Grand Paris chargé de développer le réseau de transport francilien. En Martinique et en Guadeloupe, une TSE supplémentaire est également prélevée au profit d’établissements publics fonciers spécifiques. Depuis 2015, pour les propriétaires franciliens une taxe additionnelle spéciale annuelle  (TASA) s’applique pour le financement des transports en commun. Depuis 2015, les propriétaires peuvent être assujettis à une taxe GEMAPI, qui est collectée au profit de collectivités (le plus souvent des intercommunalités) exerçant une compétence en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Cette année la taxe GEMAPI a été mise en place pour la première fois dans 25 villes.

L’impact de l’inflation sur les valeurs locatives

Lors de la délibération de communauté urbaine Grand-Paris-Seine-et-Oise, il a été précisé que cette taxe foncière communautaire devait se traduire, à compter de 2022, par une hausse moyenne des impôts locaux de l’ordre de 260 € annuels pour les propriétaires de maison (sur la base d’une superficie de 120 m2) et de 210 € pour les propriétaires d’appartement (sur la base de 90 m2). Concernant les entreprises, la hausse devait s’avérer variable en fonction du secteur d’activité. C’était sans compter l’inflation qui a fait bondir les valeurs locatives qui servent de base de calcul à l’impôt de 3,4 %. Les valeurs locatives constituent les bases d’imposition de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Il s’agit des valeurs locatives cadastrales de chaque propriété, représentant en principe le loyer annuel potentiel de cette propriété, diminuée d’un abattement forfaitaire de 50 % censé couvrir les frais de gestion et d’entretien (assurance, réparations, etc.). Les valeurs locatives retenues ont été calculées en 1974 à partir de données, notamment de marché, de 1970. La valeur locative des propriétés bâties est majorée chaque année par application d’un coefficient forfaitaire applicable au niveau national. Jusqu’en 2018, les valeurs locatives étaient revalorisées chaque année selon un coefficient fixé librement par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers. Désormais, le coefficient de revalorisation de l’année N est fixé en fonction du glissement annuel de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) du mois de novembre de l’année N-1. « Si on cumule les coefficients de majoration appliqués entre 2016 et 2021, les bases d’imposition de la taxe foncière ont été majorées par un coefficient égal à 1,052964, ce qui correspond à une augmentation d’environ 5,3 % », analysent les experts de l’Observatoire national des taxes foncières sur les propriétés bâties de l’UNPI.

La pertinence de l’indexation

« Entre 2011 et 2021, les valeurs locatives ont été majorées de 12,2 %. Les coefficients de majoration annuels sont régulièrement présentés comme un outil permettant aux collectivités d’accroître chaque année leurs recettes de taxe foncière (en plus de l’augmentation des bases en cas notamment de constructions nouvelles) sans avoir à augmenter les taux. Hélas, on ne peut que constater que, en plus des majorations annuelles, les taux de taxe foncière augmentent », concluent les analystes de l’UNPI. Sous l’effet de l’inflation l’IPCH, l’outil de référence servant au calcul de la taxe foncière, a fait augmenter de 3,4 % les bases locatives servant au calcul de la taxe foncière. Du jamais vu depuis 1989. À titre d’exemple, l’année précédente, les valeurs locatives cadastrales n’ont augmenté que de 0,2 %. Les experts de l’Observatoire national des taxes foncières sur les propriétés bâties de l’UNPI rappellent en outre que « le taux d’inflation calculé par l’Insee pour l’année 2021 est de 1,6 % 3, loin des 3,4 % de majoration des valeurs locatives ». « Plus largement, ils critiquent la référence même à des indices relatifs à l’évolution des prix. « À ce jour, le premier alinéa de l’article 1518 bis du CGI continue d’énoncer que les coefficients forfaitaires [sont] fixés par la loi de finances en tenant compte des variations des loyers. Ce n’est que pure logique, s’agissant de majorer des valeurs locatives », concluent ces experts pour qui les valeurs locatives devraient être préférablement indexées sur des indices traduisant l’évolution des loyers (indices Clameur, indice IRL). « L’IPCH évolue de façon significativement plus haussière que l’IPC. Il n’existe pas par ailleurs de régulation ex-post permettant de revoir cette revalorisation à la baisse, quitte à la compenser par l’État aux collectivités », confirme le Think Tank Ifrap.

Et demain ?

Pour l’avenir, la pression fiscale pourrait encore augmenter. Le principe d’une révision générale des valeurs des locaux d’habitation a été acté dans le cadre de la loi de finances pour 2020. La réforme s’appliquera pour la première fois en 2026. Le mode de calcul des valeurs locatives sera simplifié, en particulier par l’abandon de la notion de local de référence, datant des années soixante-dix et grâce à la mise en place d’une nouvelle grille tarifaire. La révision des bases locatives devrait entraîner d’importants transferts de charges, notamment pour les biens anciens.

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