L’épargne retraite : un avantage fiscal remis en cause

Publié le 27/12/2024
L'épargne retraite : un avantage fiscal remis en cause
Nuthawut/AdobeStock

Dans un rapport paru en novembre dernier, la Cour des comptes pointe le coût fiscal et social des dispositifs d’épargne retraite, en tête desquels le PER. Le point sur ce dispositif nouveau qui gagne du terrain.

Dans un rapport d’évaluation des dispositifs d’épargne retraite, la Cour des comptes pointe son « coût significatif pour les finances publiques » et invite les pouvoirs publics à une réflexion sur l’efficacité de ces dispositifs, leur impact budgétaire et leur contribution réelle à l’objectif d’assurer un revenu complémentaire à la retraite (Cour des comptes, L’épargne retraite, Rapport public thématique, Évaluation de politique publique 7 novembre 2024). L’institution passe ainsi au crible le Plan d’épargne retraite (PER), créé par la grande réforme de l’épargne retraite opérée par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte (JORF n°0119 du 23 mai 2019).

Qu’est-ce que l’épargne retraite, et précisément le PER ?

Également appelée retraite supplémentaire, l’épargne retraite est un système de retraite par capitalisation. Elle permet à chaque actif d’économiser pour disposer de ressources qui compléteront les sommes versées par les régimes de retraite obligatoire. Dans un contexte d’érosion des pensions de retraite, elle semble indispensable, même si elle reste modeste. En 2022, l’épargne retraite ne représentait que 5,1 % des cotisations retraites et 2,3 % des prestations. Mais déjà en 2022, les PER représentaient plus des deux tiers des cotisations de retraite supplémentaire, seulement trois ans après leur lancement selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Dress). Début 2024, 5 ans après sa mise en place, le PER compte plus de 10 millions de titulaires et plus de 102,8 milliards d’euros.

Quels sont les contrats d’épargne retraite ?

Les contrats d’épargne retraite sont variés car, jusqu’à la grande réforme de l’épargne retraite opérée par loi Pacte en 2019, plusieurs contrats étaient proposés à la souscription, selon le statut du souscripteur (salarié, dirigeant fonctionnaire, etc.). Ces anciens contrats (Contrat Madelin, contrat article 83, Perco, etc.) sont soumis à des règles variables. Ils subsistent mais il est impossible d’en souscrire de nouveaux. Ils peuvent être transformés en PER. Avec le PER, l’épargne retraite est soumise à un régime unifié, tant sur le fonctionnement de l’enveloppe, ses règles fiscales et sociales. Le PER est décliné à titre individuel (PERIN), à titre collectif dans l’entreprise selon une modalité obligatoire (PEROB) ou facultative (PERCOL).

À quel moment l’épargnant peut-il récupérer son épargne ?

L’épargne est en principe bloquée jusqu’au départ en retraite. Mais la loi a prévu des possibilités de déblocage anticipé afin que l’épargnant puisse percevoir ses fonds en cas d’important besoin. La loi liste ces événements (Code monétaire et financier, art. L. 224-4) :

Mariage, conclusion d’un pacs, naissance ou adoption d’un 3e enfant, divorce, séparation, dissolution d’un pacs, avec la garde d’au moins un enfant, victime de violence conjugale, invalidité (salarié, son époux (se) ou partenaire de pacs, ses enfants), décès (salarié, son époux (se) ou partenaire de pacs), rupture du contrat de travail, cessation de son activité par l’entrepreneur individuel, fin du mandat social, perte du statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé, création ou reprise d’entreprise par le titulaire, ou son époux (se) ou partenaire de pacs, exercice d’une autre profession non salariée, acquisition de parts sociales d’une société coopérative de production (SCOP), acquisition ou agrandissement de la résidence principale, avec création de nouvelle surface habitable et en présence d’un permis de construire ou d’une déclaration préalable de travaux, remise en état de la résidence principale endommagée à la suite d’une catastrophe naturelle reconnue par arrêté ministériel, rénovation énergétique de la résidence principale, surendettement, activité de proche aidant exercée par le titulaire, ou son époux (se) ou partenaire de pacs, achat d’un véhicule à faible émission de gaz à effet de serre (voiture, camionnette, véhicule à moteur à 2 ou 3 roues, ou quadricycle à moteur qui utilise l’électricité, l’hydrogène ou une combinaison des deux comme source exclusive d’énergie, ou cycle à pédalage assisté neuf.

Sur quoi sont placées les sommes ?

En 2022, le PER individuels et entreprises étaient composés d’actions à 30 %, obligations d’entreprises à 30 %, obligations souveraines à 22 %, d’immobilier à 8 % et 11 % d’autres placements. L’allocation du PER évolue sous l’effet de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, dite Industrie verte (JORF n° 0247 du 24 octobre 2023). La loi renforce l’investissement de l’épargne retraite dans les PME/ETI et dans les titres non cotés, par l’introduction de deux mesures :

– l’élargissement à l’épargne retraite des fonds d’investissement alternatifs déjà ouverts à des investisseurs professionnels pour les fonds d’assurance-vie (notamment les fonds professionnels spécialisés (FPS), les fonds professionnels de capital investissement (FPCI), les fonds professionnels à vocation générale (FPVG) et les organismes de financement spécialisés (OFS)) ;

– l’instauration d’une part minimale de titres non cotés et de titres de PME/ETI cotés dans la gestion pilotée par horizons du PER.

Les sommes font l’objet, par défaut, d’une « gestion pilotée », qui implique des placements de moins en moins risqués au fur et à mesure que le détenteur du contrat approche de l’âge de liquidation des droits à la retraite.

En quoi son régime fiscal est attractif ?

Les épargnants peuvent déduire une partie des sommes cotisées de leur revenu imposable avec une imposition différée lors de la sortie du dispositif, souvent à un taux marginal plus faible en raison de la diminution des revenus à la retraite. C’est une spécificité de l’épargne retraite. Pour les salariés, en 2024, le plafond de déduction des cotisations retraite sur un PER individuel était égal à 10 % des salaires et le traitements déclarés sur la déclaration de revenus 2023, dans la limite de 35 194 euros. Pour un professionnel indépendant, ce plafond est égal à 10 % des revenus professionnels, dans la même limite.

Selon la Cour des comptes, la moitié des demandes de déductions fiscales annuelles sont inférieures à 1 700 euros pour les PER individuels, une partie d’entre elles portent sur des montants plus élevés. La faculté de reporter sur les trois années suivantes la fraction non utilisée du plafond de déduction et de bénéficier du plafond de son conjoint ouvre de larges possibilités à des contribuables en recherche d’optimisation fiscale.

Quel est le coût lié à l’épargne retraite individuelle ?

Selon la Cour des comptes, la déductibilité des cotisations entraîne, pour l’État, un report de l’imposition dans le temps, l’obligeant à emprunter pour compenser le manque à gagner. Ce coût est estimé à 365 millions d’euros pour les cotisations de l’année 2022. Par ailleurs, la déduction des cotisations aboutit à diminuer le taux marginal d’imposition à la retraite. Les revenus des épargnants diminuant lors du passage à la retraite, ils sont imposés à un taux marginal plus faible lors de la sortie du dispositif. Ce phénomène représente un coût supplémentaire estimé également à 365 millions d’euros. Quant à la taxation forfaitaire des sorties en capital à un taux forfaitaire (12,8 % ou 7,5 %), elle engendre une dépense fiscale de 243 millions d’euros en 2022, avec une prévision de 332 millions d’euros en 2024. Enfin, l’épargne retraite représente également un coût social en raison des exemptions d’assiette de cotisations sociales. Celles dont bénéficie l’épargne retraite issue de l’épargne salariale sont évaluées à environ 226 millions d’euros pour 2022. « En additionnant ces différents éléments, le rapport estime que les dépenses fiscales et sociales associées à l’épargne retraite atteignent au minimum 1,78 milliard d’euros en 2022. Ce chiffre est potentiellement sous-estimé, car il ne prend pas en compte certains coûts difficiles à chiffrer, notamment ceux liés à l’épargne retraite obligatoire d’entreprise », indique la Cour des comptes.

Quels changements réclame la Cour des comptes ?

Après avoir mis en évidence ce double coût pour les recettes publiques, la Cour des comptes avance quatre propositions :

– clarifier les objectifs assignés à cette épargne longue en lien avec l’évolution de la retraite obligatoire par répartition ;

– outiller le suivi de ces dispositifs (analyse de leur coût, réconciliation des données fiscales, des données statistiques de la Drees et de celles qui remontent des gestionnaires de l’épargne retraite) ;

– resserrer le bénéfice de l’avantage fiscal attaché à l’épargne retraite, en revoyant notamment les possibilités de report des plafonds de déduction d’une année sur l’autre et le montant des plafonds annuels de déduction ;

– dans la continuité de la loi Industrie verte du 23 octobre 2023, favoriser l’orientation des fonds de l’épargne retraite vers le financement des PME-ETI.

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