Les logements les plus énergivores sont désormais interdits à la location
Les propriétaires des passoires thermiques font face aux premières interdictions de mise en location. État des lieux.
C’est un coup rude pour les propriétaires concernés. Depuis le 1er janvier 2023, les biens dont la consommation dépasse 450 kWh/m2/an ne pourront plus être loués ! Il s’agit des pires passoires énergétiques, ces biens ces biens classés F et G, d’après les étiquettes attribuées par le diagnostic de performance énergétique (DPE), obligatoire pour les ventes depuis novembre 2006 et les locations de logements depuis juillet 2007.
La réforme du diagnostic de performance énergétique
Le DPE permet de faire le point sur la performance énergétique d’un bien immobilier grâce à un classement énergétique allant de A (meilleure performance énergétique) à G (plus mauvaise performance énergétique). Dans le cadre de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, ELAN, qui est entrée en vigueur au 1er juillet 2021, le DPE a été réformé avec pour objectif de permettre une évaluation plus lisible et représentative de la performance d’un bâtiment. La méthode dite des « consommations réelles », basée sur l’examen des factures a été supprimée au profit de la méthode qui consiste à apprécier les caractéristiques du bien : type de logement, d’isolation, de chauffage, etc.
L’étiquette finale attribuée consiste désormais en une synthèse de deux informations la consommation énergétique et la quantité d’émission de gaz à effet de serre émise par le logement. Elle est fonction de la plus mauvaise performance, en énergie primaire ou en gaz à effet de serre (système des doubles seuils).
Inciter les propriétaires des biens énergivores à réhabiliter leur bien
La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, Climat et Résilience, impose de nouvelles obligations aux propriétaires immobiliers. Ces règles sont destinées à inciter les propriétaires de biens énergivores à réhabiliter leur bien. Depuis le 1er juillet 2021, dans les zones tendues et en cas de relocation, l’augmentation du loyer est plafonnée pour les biens classés F et G. Depuis le 1er janvier 2023, la performance énergétique est prise en compte afin d’apprécier le caractère décent du logement, c’est pourquoi, les biens dont la consommation dépasse 450 kWh/m2/ an ne peuvent plus être loués (décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent en France métropolitaine). Cette mesure ne s’applique qu’aux nouveaux contrats de location conclus à compter du 1er janvier 2023. À partir du 1er janvier 2025, ce sont tous les logements notés G qui seront concernés par cette interdiction de location. Au 1er janvier 2028, ce sera le tour des logements classés F et enfin, à partir du 1er janvier 2034 celui des logements notés E. En, outre, à compter du 1er avril 2023, un audit énergétique devra être réalisé préalablement à la mise en vente pour les maisons ou immeubles classés F ou G au diagnostic de performance énergétique.
Les biens concernés
D’après les chiffres du Commissariat général au développement durable, environ 90 logements dépassent les 450 kWh par m2 et par an, soit 4 % des passoires thermiques – dont 70 000 logements privés. On estime qu’en effet que la France compte 4,8 millions de logements énergivores, dont plus de deux millions sont mis en location, la très grande majorité dans le parc privé. Ces passoires thermiques sont inégalement réparties sur le territoire selon la dernière édition du baromètre trimestriel établi par la FNAIM et la Chambre des diagnostiqueurs immobiliers. Ce baromètre est établi grâce aux DPE communiqués tous les trois mois par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Les biens énergivores sont peu nombreux dans le Sud de la France. On compte ainsi moins de 10 % de logements classés F ou G dans les départements du Var, des Bouches-du-Rhône ou encore de l’Hérault. En revanche, on dénombre 33,9 % de passoires thermiques dans les Alpes-de-Haute-Provence, 32,1 % en Corrèze et 41,5 % en Lozère.
L’Île-de-France majoritairement concernée
Les villes qui comptent le plus de passoires thermiques sont majoritairement situées en Île-de-France. Il s’agit notamment de Paris et des villes situées dans la petite couronne. On dénombre ainsi près de 40 % de logements classés F ou G à Paris, 50,3 % à Nanterre dans le département des Hauts-de-Seine ou encore 56,4 % à Épinay-sur-Seine dans le département de la Seine-Saint-Denis. Alors que des villes comme Marseille, Montpellier et Toulouse n’en comptent respectivement que 7,6 %, 7,7 % et 9,4 %. Cependant en Île-de-France, certaines villes affichent un très faible taux de biens énergivores comme Issy-les-Moulineaux dans le département des Hauts-de-Seine ou Cergy, dans le département du Val-d’Oise avec seulement 3,10 % de logements classés F ou G. Il en est de même pour les villes de Pantin dans le département des Seine-Saint-Denis et Créteil (Val-de-Marne) avec respectivement seulement 3,70 % et 4,40 % de passoires thermiques. « On constate clairement l’impact de la période de construction : plus une ville compte de logements neufs ou récents, plus les DPE sont bien classés, et à l’inverse, les villes constituées d’un parc vieillissant ont majoritairement des DPE les plus énergivores », soulignent les experts de la FNAIM.
Un enjeu pour les propriétaires du parc privé
Si le parc social affiche de bonnes performances en termes d’efficience énergétique, c’est beaucoup moins vrai pour les propriétaires privés. Un tiers des logements sociaux sont aujourd’hui classés parmi les logements les moins énergivores. 22 % des logements du parc immobilier social figurent parmi les biens immobiliers émettant le moins de gaz à effet de serre. On considère qu’en moyenne, un logement du parc social consomme 30 % d’énergie et 50 % d’eau en moins qu’un logement du parc privé. Les organismes HLM ont engagé un effort de réhabilitation thermique du parc existant et développent des bâtiments neufs sobres en besoins énergétiques, voire à énergie positive. Pour le parc privé qui comporte une grande part de logements anciens, la réhabilitation de ces biens constitue un enjeu majeur. Or d’après un sondage de la FNAIM afin d’anticiper le comportement des propriétaires bailleurs de passoires énergétiques, dont les résultats ont été publiés en septembre dernier, si 32 % des propriétaires bailleurs choisissent à date de rénover leur bien, 26 % souhaitent le vendre et 6 % envisagent d’opter pour la location de courte durée pour échapper aux nouvelles contraintes de la réglementation. Pour Jean-Marc Torrollion, président de la FNAIM, « c’était une intuition, nous l’avons désormais quantifiée : près de 500 000 logements très énergivores actuellement loués seraient ainsi susceptibles de quitter le marché locatif d’ici à six ans. Il s’agit principalement de petites superficies, dont l’achat peinera de surcroît à être financé. Cela ne créera pas une catégorie de propriétaires modestes ».
Un risque de diminution du parc locatif privé
Si pour 93 % des sondés, le principal frein à la réalisation de travaux de rénovation énergétique est le coût de ces derniers, plus de 6 répondants sur 10 citent aussi les difficultés techniques. Une majorité des biens énergivores du parc locatif privé sont situés en copropriété. Pour ces biens, il est généralement il est nécessaire d’engager des travaux d’isolation, nécessitant une décision collective, prise en assemblée générale de copropriété. Or la nouvelle réglementation ne pèse que sur les propriétaires bailleurs. Difficile donc d’obtenir un consensus sur un plan de rénovation entre propriétaires occupants et propriétaires bailleurs. Pourtant les propriétaires occupants ont également intérêt à entreprendre ces opérations de rénovation énergétique. En effet, non seulement ces travaux peuvent leur permettre de faire de substantielles réductions de leurs factures d’énergie mais surtout à terme ils valorisent le patrimoine des propriétaires occupants. En effet, pour 9 acquéreurs sur 10, les performances énergétiques d’un logement constituent un critère important pour leur futur logement d’après un sondage réalisé en février 2021 par le site SeLoger.com (https://www.seloger.com/). C’est la fameuse valeur verte qui correspond pour un bien immobilier donné à la variation de valeur générée par une performance énergétique et environnementale d’un bien immobilier.
Une prise en compte croissante de la notion de valeur verte
À quelques exceptions notables, la valeur verte n’était jusqu’ici que peu prise en compte dans le cadre de la valorisation d’un bien immobilier. Les changements de réglementation évoqués plus haut modifient la donne. D’après l’étude des transactions réalisées en 2021, les notaires de France constatent une plus-value de 8 % pour les biens notés A et B et une moins-value de 6 % sur les passoires thermiques. D’après une étude, Se loger/Meilleurs Agents, publiée en mai 2022, pour de nombreux propriétaires la moins-value moyenne peut descendre jusqu’à 8 %, comme sans la ville de Nice, voire dépasser 10 % comme dans les villes de grande couronne.
Ce phénomène est toutefois moins sensible dans les zones particulièrement tendues, souligne la note de conjoncture immobilière des notaires de France établie en octobre 2022 et dédiée à la notion de valeur verte. Ainsi, toujours d’après les chiffres de l’étude Se loger/Meilleurs Agents, la moins-value moyenne constatée est plus faible dans les zones les plus tendues du littoral ouest, comme à Nantes (-3 %), ou à Rennes (-3,3 %). À Paris, où ces passoires énergétiques correspondent généralement à des appartements anciens très cotés comme ceux situés dans les immeubles haussmanniens, les biens énergivores se vendent même avec une surcôte de 1,1 % par rapport aux logements présentant une meilleure étiquette énergétique.
Une décote destinée à augmenter ?
Ce phénomène de décote pourrait augmenter dans l’avenir, si les propriétaires bailleurs concernés mettaient massivement en vente les biens énergivores. Or d’après les professionnels concernés, le volume des transactions relatives aux passoires thermique a déjà augmenté. La part des logements de classe G construits avant 1947 augmente dans les ventes. Au 4e trimestre 2021, ils ont représenté 33 % des transactions contre 18 % au 4e trimestre 2019, d’après les statistiques des notaires, pour qui l’interdiction à la location annoncée en 2021 d’une partie des logements de classe G dès 2023 a pu accélérer la décision de vendre chez les détenteurs de ce type de logements, analyse les professionnels du notariat. On observe la poursuite de cette tendance en 2022. L’étude Se loger/Meilleurs Agents de mai 2022 souligne que de nombreux propriétaires de biens classés G et F ont choisi de les mettre en vente plutôt que de les rénover. À Paris, où le parc immobilier est ancien et les deux tiers des logements sont classés E, F et G, les mises en ventes de biens énergivores ont bondi de + 34 % sur un an. En comparaison, les mises en ventes de logements classés A, B, C ou D n’ont augmenté que de 1,8 % de sur la même époque. On observe le même phénomène dans d’autres métropoles, comme Strasbourg (+28, 3 %), Lyon (+23, 5 %), ou encore Nice (+20,6 %). En revanche, il est encore trop tôt pour savoir si cet afflux de biens est susceptible d’impacter les prix du marché immobilier à la baisse.
Référence : AJU007k4