Les pistes pour améliorer les relations de locataires bailleurs

Publié le 24/07/2019

Dans son rapport « Louer en confiance » remis au gouvernement le 18 juin dernier, le député Mickaël Nogal propose de renforcer la place des professionnels de la location pour sécuriser le paiement des loyers.

Quelques mois après l’adoption de la loi Elan (L. n° 2018-1021, 23 nov. 2018, portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, JORF n° 0272, 24 nov. 2018), qui a créé le bail mobilité, le bail d’habitation numérique, ou encore qui a mis en cohérence la procédure d’expulsion avec celle de surendettement, le parc locatif privé fait à nouveau l’objet d’attention des pouvoirs publics. Il faut dire qu’il concerne le logement de 23 % des ménages français, avec 6,7 millions de logements. Les tensions sur le marché placent les bailleurs en position de force et partant, renforcent le besoin de protection du locataire. Si le régime français est de ce point de vue globalement équilibré, plusieurs nœuds de conflits doivent être dénoués.

Dépôt de garantie, risques d’impayés, un rapport présenté le 18 juin dernier au gouvernement, par le député LREM, Mickaël Nogal, vice-président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, avance 37 propositions pour « réconcilier les propriétaires et les locataires ». Intitulé : « Louer en confiance », le rapport devrait donner lieu à une proposition de loi en septembre.

Dépôt de garantie

L’un des principaux points de tension entre bailleurs et locataires est constitué par le dépôt de garantie.

Pour preuve : selon les statistiques du ministère de la Justice, 65 % des actions en justice engagées par les locataires portent sur la non-restitution du dépôt de garantie, à raison de 6 000 à 8 000 affaires par an. Trop souvent ces sommes sont conservées par le propriétaire pour couvrir des dépenses qui lui incombent, voire dans des cas plus qu’exceptionnels, sont conservées sans aucun motif. En réaction à ces comportements indélicats, les locataires négligent de plus en plus fréquemment de payer le dernier mois de loyer.

Pour régler cette situation, le rapport s’inspire des pratiques au Royaume-Uni. Le versement des dépôts de garantie perçus par les propriétaires bailleurs dans le secteur privé sera obligatoirement versé à un organisme agréé qui le conservera jusqu’à la fin de la location. Ensuite, le dépôt de garantie pourra être reversé au locataire et/ou au bailleur en accord avec les deux parties, ou conformément à une décision judiciaire en cas de litige.

Représentants des locataires, des propriétaires et des administrateurs de biens pourraient être associés à l’administration du dispositif.

L’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) s’est élevée contre « la confiscation du dépôt de garantie versé par le locataire » à un organisme agréé, y voyant « un bien mauvais signal dans le déséquilibre des rapports locatifs ».

Sécuriser le propriétaire contre les impayés par la gestion déléguée

Une mesure contenue dans le rapport fait déjà débat. Elle consiste à étendre la gestion déléguée pour sécuriser les impayés. Aujourd’hui, seul un propriétaire sur trois confie la gestion de son logement à un administrateur de biens, deux sur trois préférant au contraire s’en charger eux-mêmes.

Le député propose de modifier la loi Hoguet pour imposer simultanément dans tout mandat de gestion locative les trois éléments suivants.

Tout d’abord, le mandat de gestion comprendrait une garantie totale, sous la forme d’une clause ducroire : il reviendrait à l’administrateur de biens de garantir au propriétaire le paiement des loyers et charges à la bonne date quels que soient les retards du locataire dont il a vérifié la solvabilité et à prendre en charge tous les frais éventuels de procédure (remise en état suite à dégradation par le locataire, frais de recouvrement ou de procédure) sans les refacturer au propriétaire.

Ce type de garantie très large correspond à la forme la plus courante des mandats de gestion locative jusqu’aux années quatre-vingt. Sa pratique a été freinée par la loi bancaire de 1984 qui a interdit aux agents immobiliers d’accorder directement cette garantie puisque celle-ci constitue une opération de crédit au sens de l‘article L. 313-1 du Code monétaire et financier. Le député préconise d’introduire une nouvelle dérogation à l’interdiction générale de l’article L. 511-5 du Code monétaire et financier, au bénéfice des agents immobiliers dans ce cadre.

Ensuite, l’administrateur de biens devrait se couvrir de cet engagement en souscrivant une assurance en excédent de pertes. Selon le député, ce type de garantie « stop loss », « est adapté aux petites agences immobilières aussi bien qu’aux grands réseaux dès lors que le risque laissé à leur charge, par exemple 1 % des loyers perçus, est proportionné à leur surface financière ». Son coût total sera in fine imputé au propriétaire dans les honoraires dû à l’agent immobilier. Comme elle s’applique à l’ensemble du portefeuille de mandats d’un agent immobilier exclusion des meilleurs risques, son coût devrait se situer en deçà du coût moyen actuel de la garantie loyers impayés (GLI), et pourrait représenter 1,5 % des loyers et charges.

Enfin, à partir du moment où il se trouve en première ligne pour supporter les sinistres éventuels, l’administrateur de biens doit être libéré de tous critères de sélection des locataires imposés par l’assureur. Ces critères doivent être bannis des contrats d’assurance en stop loss, parce qu’il revient à l’agent immobilier de s’en charger et non plus à l’assureur.

Si l’intention affichée par cette mesure est louable, elle est aussi critiquée pour mettre au centre de ce dispositif de sécurisation du paiement des loyers les agents immobiliers qui ont aujourd’hui du mal à valoriser leur rôle en matière locative. En effet, seule une location sur trois passe par l’intermédiaire d’une agence. Selon les mesures proposées par le rapport Nogal, la sélection du locataire et la vigilance sur sa solvabilité incomberaient donc au professionnel de l’immobilier, qui devra donc se protéger.

Selon les précisions apportées par l’annexe III du rapport (p. 77), « le cas échéant, il pourra décider lui-même de faire appel à des prestataires externes pour certifier le dossier de certains candidats ou demander une caution à la charge du locataire ». De leur côté, les locataires n’ont pas à s’attendre à une amélioration de leur situation au chapitre de l’accès à la location, puisque les exigences seront les mêmes.

Agent immobilier

En contrepartie de cette place donnée aux professionnels de l’immobilier, le rapport relève le niveau d’exigence en matière d’aptitudes professionnelles, pour les agents immobiliers comme pour leurs salariés et mandataires qui s’engagent pour leur compte auprès des clients.

Il s’agirait de modifier l’article 11 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 fixant les conditions d’application de la loi Hoguet pour ouvrir l’accès de la profession à tous les titulaires d’un diplôme de niveau 6 quelle qu’en soit la spécialité avec l’exigence complémentaire d’une formation qualifiante d’une durée minimale de 6 mois en immobilier dont seuls seraient exemptées les personnes dont le diplôme comporte déjà un cursus en immobilier.

Le député propose également de permettre l’accès de la profession à tous les titulaires d’un diplôme de niveau 4 dès lors que la condition d’expérience professionnelle prévue au 2° est remplie et en étendant ces conditions d’expérience professionnelle aux mandataires non-salariés.

Pour améliorer les prestations offertes par les administrateurs de biens, le rapport propose de donner la meilleure visibilité aux professionnels qui s’engagent dans une démarche qualité garantissant des résultats conformes aux attentes des bailleurs. Pourrait être créée une certification IMMO + dont le cahier des charges comporterait deux volets : la gestion administrative, comptable et technique, d’une part, l’assistance à la maîtrise d’ouvrage de travaux d’amélioration, notamment de rénovation énergétique, d’autre part.

Il en est de même pour la formation continue pour laquelle les quotas d’heures ne garantissent rien si on ne donne pas accès sur tout le territoire à une offre de formation riche et diversifiée. Le rapport propose une augmentation du quota d’heures de formation continue obligatoire.

Incitation fiscale à l’investissement nouveau

Le député considère qu’il est primordial de poursuivre le soutien à la construction neuve par le maintien de régimes fiscaux incitatifs. Actuellement, le dispositif Pinel, permet, jusqu’au 31 décembre 2021, de déduire de l’impôt sur le revenu un crédit d’impôt qui peut atteindre de 36 000 euros (pour un engagement de location limité à 3 ans) à 63 000 euros (pour un engagement sur 12 ans) à condition d’investir sur un logement situé en zone tendue, de pratiquer des loyers respectant un plafond et de louer le logement à un locataire respectant également un plafond de revenus. Depuis le 1er janvier 2019 s’y ajoute le nouveau dispositif Denormandie qui permet, suite à l’achat d’un logement existant à réhabiliter dans les quartiers centraux de certaines villes, de bénéficier d’une réduction d’impôt pouvant atteindre 63 000 euros (pour un engagement de louer pendant 12 ans).

Si le député  a pris la mesure du besoin d’un soutien plus large et moins ciblé pour faire face à la baisse de la rentabilité de l’investissement locatif, il a toutefois écarté la mise en place d’un mécanisme d’amortissement permettant à l’ensemble des bailleurs de déduire chaque année de leur revenu foncier une fraction du coût de l’investissement. Il préconise en effet de maintenir au-delà du 31 décembre 2021 un dispositif puissant de crédit d’impôt en faveur de l’investissement locatif dans le neuf et dans l’ancien avec réhabilitation lourde dont le ciblage en terme géographique doit évoluer en collant au plus près de la réalité des marchés que le développement des observatoires locaux permet de mieux connaître.

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