Les principales dispositions de la loi de finances pour 2022

Publié le 25/03/2022
Finance
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La loi de finances pour 2022 poursuit les orientations suivies depuis 2017. Elle comporte des mesures techniques à destination des entreprises qui s’inscrivent dans le cadre du plan en faveur des travailleurs indépendants présenté le 16 septembre 2021. Elle autorise également le gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le régime de la responsabilité financière des gestionnaires publics.

L. n° 2021-1900, 30 déc. 2021, de finances pour 2022, NOR : ECOX2126830L : JO, 31 déc. 2021

Le projet de loi de finances pour 2022, qui a été présenté au Conseil des ministres du 22 septembre 2021, a été adopté en première lecture, avec modifications, par l’Assemblée nationale le 16 novembre 2021. Le 23 novembre 2021, le Sénat a rejeté en première lecture la première partie de ce texte, mettant ainsi fin à la discussion budgétaire, ce qui ne s’était pas produit depuis décembre 2016 et les débats concernant le projet de budget pour 2017. Après l’échec de la commission mixte paritaire le 1er décembre 2021, le projet de loi de finances pour 2022 a été adopté en nouvelle lecture par les députés le 10 décembre 2021, puis rejeté par le Sénat le 14 décembre 2021. Il a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 15 décembre 2021.

Dans sa décision n° 2021-833 DC du 28 décembre 2021, le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité de ce texte. Le Conseil, qui a censuré dix articles qu’il a qualifiés de « cavaliers budgétaires », a écarté les griefs tirés de la méconnaissance du principe de sincérité budgétaire. Il a considéré que les hypothèses économiques sur lesquelles est fondée la loi de finances ne sont pas « entachées d’une intention de fausser les grandes lignes de l’équilibre qu’elle détermine ».

Le budget 2022 a été présenté par le gouvernement comme un budget « de relance et d’investissement » pour favoriser la croissance économique. S’il ne comporte aucune réforme fiscale d’ampleur, il confirme les baisses d’impôts décidées au cours du quinquennat. Il permet la poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales et de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS).

La loi de finances pour 20221 comporte des mesures fiscales concernant autant les entreprises que les particuliers. Plusieurs dispositions techniques à destination des entreprises s’inscrivent dans le cadre du plan en faveur des travailleurs indépendants présenté par le président de la République le 16 septembre 2021 ; un plan destiné à offrir à ces entrepreneurs un cadre plus protecteur au moment de la création de leur entreprise et tout au long de l’exercice de leur activité. S’agissant des particuliers, on retiendra notamment la mise en place d’un « bouclier tarifaire » pour l’électricité et le gaz naturel, afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages.

Enfin, le gouvernement est habilité à légiférer par ordonnance pour créer un régime unifié de responsabilité des ordonnateurs et des comptables publics pour les fautes les plus graves.

Nous examinerons successivement les grandes orientations du budget 2022 (I), les principales mesures fiscales concernant les particuliers (II) et les entreprises (III) ainsi que la réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics (IV).

I – Les grandes orientations du budget 2022

Nous présenterons successivement les chiffres clés du budget 2022 (A) et les avis du Haut conseil des finances publiques (HCFP) (B).

A – Les principales hypothèses et mesures du budget 2022

Le budget de l’État s’appuie sur une prévision de croissance de l’activité de 4 % pour l’année 2022 (après 6,25 % en 2021). Le déficit public diminuera nettement, passant de 8,1 % du PIB en 2021 à 5 % du PIB en 2022 (art. liminaire).

La dette publique, qui a atteint 115,3 % du PIB en 2021, devrait, elle aussi, reculer et s’établir à 113,5 % du PIB en 2022. La charge de la dette devrait quant à elle augmenter et atteindre 39,5 Mds€ en 2022(38,2 Mds€ en 2021). Un nouveau programme budgétaire intitulé « amortissement de la dette de l’État liée au Covid-19 », évaluée à 165 Mds€, est créé. Il est doté d’1,9 Md€ pour 2022.

Il est à noter que les règles européennes du pacte de stabilité et de croissance, qui limitent à 3 % du PIB le déficit public et à 60 % la dette publique, ont été suspendues depuis mars 2020 pour permettre aux États membres de dépenser autant que nécessaire pour lutter contre les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Elles resteront suspendues en 2022. La Commission européenne a lancé le 19 octobre 2021 une consultation sur la révision de ces règles budgétaires de la zone euro.

Le taux de prélèvements obligatoires devrait rester stable et s’établir en 2022 à 43,5 % du PIB, contre 43,8 % en 2021. Avec la fin du « quoi qu’il en coûte », les dépenses publiques passeront de 59,9 % du PIB en 2021 à 55,6 % du PIB en 2022.

La loi de finances fixe, pour 2022, le déficit budgétaire de l’État à 155,1 Mds€ (197,4 Mds€ en 2021) et évalue son besoin de financement à 302,5 Mds€ contre 338,3 Md€ en 2021 (art. 56).

Les moyens des ministères régaliens seront renforcés en 2022. Le budget du ministère de la Justice progressera, pour la deuxième année consécutive, de 8 % et celui du ministère de l’Intérieur augmentera de 1,5 Md€. Les crédits du ministère de la Défense augmenteront de 1,7 Md€. Le budget du ministère de l’Éducation nationale progressera également de 1,7 Md€.

Le « budget vert », qui mesure l’impact du budget de l’État sur l’environnement, a été présenté par le gouvernement le 11 octobre 2021. Les dépenses « vertes », c’est-à-dire favorables à l’environnement sur au moins un axe environnemental sans être défavorables par ailleurs, représenteront 32,5 Mds€ en 2022. Elles seront en augmentation par rapport à 2021 (31,4 Mds€). Les dépenses « mixtes » ayant un impact favorable sur un ou plusieurs critères environnementaux, tout en présentant un impact défavorable sur d’autres critères, représenteront 4,5 Mds€ en 2022. Les dépenses ayant un impact défavorable pour l’environnement atteindront quant à elles 10,8 Mds€ en 2022 et resteront stables par rapport au budget 2021 (10,6 Mds€).

Le développement du secteur ferroviaire, qui est un levier essentiel de la transition écologique, est encouragé avec la suppression de la contribution de solidarité territoriale à compter du 1er janvier 2022, puis de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires à compter du 1er janvier 2023 (art. 36). Une enveloppe de 2 Mds€ viendra financer en 2022 le dispositif de rénovation énergétique des logements, MaPrimRénov’. Le budget du fonds de prévention des risques naturels majeurs sera porté à 235 M€ en 2022.

Enfin, la contribution de la France au budget de l’UE est évaluée à 26,4 Mds€ pour l’année 2022 (art. 53) ; un montant légèrement inférieur à celui qui avait été inscrit dans la loi de finances initiale pour 2021 (27 Mds€).

B – Les avis du HCFP

Dans son premier avis rendu le 17 septembre 2021, le HCFP s’est dit dans l’incapacité de rendre un avis « pleinement éclairé » sur les prévisions de finances publiques pour 2022. Il a qualifié le projet de loi de finances pour 2022 d’« incomplet » car il n’intégrait pas plusieurs mesures comme le plan d’investissement baptisé « France 2030 » (doté de 30 Mds€ sur cinq ans, pour développer les filières industrielles) que le chef de l’État a présenté le 12 octobre 2021 et le revenu d’engagement, devenu contrat d’engagement jeune (CEJ) ; deux « mesures d’ampleur » qui avaient été annoncées par le gouvernement. Le HCFP a regretté « ces conditions de saisine ». Pour la première fois, il a indiqué n’être « pas à ce stade en mesure de se prononcer sur la plausibilité de la prévision de déficit pour 2022 ». Le gouvernement s’est alors engagé à saisir à nouveau le HCFP une fois précisé le montant des nouvelles dépenses. Dans son avis du 29 octobre 2021 sur la révision du projet de loi de finances pour 2022, le HCFP, qui s’est félicité de cette nouvelle saisine qu’il avait appelée de ses vœux, a estimé que la prévision de déficit public pour 2022 pouvait être considérée comme plausible. Il a aussi regretté que « le surcroît de recettes attendu n’est pas consacré au désendettement, mais qu’il est, au contraire, plus que compensé par un surcroît de dépenses ou de mesures de baisse des prélèvements obligatoires ». Enfin, le HCFP a une nouvelle fois souligné que la soutenabilité à moyen terme de la dette publique appelle à la plus grande vigilance.

II – Les mesures fiscales intéressant les particuliers

La loi de finances pour 2022 prévoit la poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales (A). S’agissant de l’impôt sur le revenu, elle actualise le barème de l’impôt, aménage le système du quotient, permet la défiscalisation des pourboires et prolonge le renforcement du dispositif Coluche de défiscalisation des dons (B). Elle sécurise également la liste des prestations de services éligibles au crédit d’impôt en faveur des services à la personne (C) et met en place le volet fiscal du « bouclier tarifaire » pour l’électricité et le gaz naturel (D). Enfin, elle stabilise le tarif de la contribution à l’audiovisuel public (E).

A – La poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales

La loi de finances pour 2022 vient acter la poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur la résidence principale qui avait été engagée par la loi de finances pour 2018. L’année 2022 verra s’appliquer la seconde phase de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales pour les 20 % des foyers qui la paient encore. Ces derniers bénéficieront d’une exonération de 65 % de la taxe d’habitation sur leur résidence principale qui sera supprimée définitivement en 2023. Seule la taxe d’habitation sur les résidences secondaires subsistera en 2023.

B – Les dispositions concernant l’impôt sur le revenu

L’actualisation du barème des impôts. Il est procédé à l’indexation du montant des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu à hauteur de l’évolution des prix hors tabac de 2021 par rapport à 2020, soit 1,4 % (art. 2).

L’aménagement du système du quotient. L’article 6 de la loi de finances, qui est issu d’un amendement gouvernemental adopté par l’Assemblée nationale, aménage les modalités d’application du système du quotient, lequel vise à limiter la progressivité de l’impôt sur le revenu en cas de perception d’un revenu exceptionnel ou différé. L’article 163-0 A du Code général des impôts (CGI) est modifié afin de préciser que le déficit catégoriel, le déficit global ou, le cas échéant, le revenu net global négatif s’impute sur le montant du revenu exceptionnel ou différé, avant application du système du quotient. Selon l’exposé des motifs de l’article 6, il s’agit « de prévenir toute optimisation de la part de contribuables disposant de dépenses pilotables ». Il est à noter que le Conseil d’État a jugé qu’à défaut de précision dans la loi, le système du quotient s’applique au revenu exceptionnel avant imputation du revenu net global négatif2.

La défiscalisation des pourboires. Afin de renforcer l’attractivité des professions salariées en contact avec la clientèle, l’article 5 de la loi de finances, qui reprend un amendement adopté par l’Assemblée nationale, exonère de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu les pourboires (art. 5). Il s’agit des pourboires que « les salariés perçoivent, directement ou indirectement de la part des clients avec lesquels ils sont en contact, au cours des années 2022 et 2023, à la condition que les salariés à qui ces sommes sont remises perçoivent, au titre des mois civils concernés, une rémunération n’excédant pas (…) le salaire minimum de croissance majoré de 60 % ». L’exonération concernera l’ensemble des pourboires, quel qu’en soit le mode de versement. L’article 5 de la loi de finances vient concrétiser une mesure annoncée par le président Emmanuel Macron, le 27 septembre 2021, à Lyon, lors d’une visite au Salon international de la restauration, de l’hôtellerie et de l’alimentation. Il avait affirmé que « les pourboires payés par carte bleue seraient sans charge pour les employeurs et sans impôts pour les salariés ».

La prorogation du dispositif Coluche de défiscalisation des dons. Le dispositif Coluche permet une défiscalisation au titre de l’impôt sur le revenu à hauteur de 75 % pour les versements effectués au profit d’associations qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins. Le plafond ouvrant droit à défiscalisation, qui était à l’origine de 552 €, a été rehaussé temporairement à 1 000 €, en mars 2020, pour faire face à la précarité due à la crise sanitaire. La loi de finances vient proroger ce renforcement du dispositif exceptionnel de défiscalisation pour une durée supplémentaire de deux ans (art. 76).

C – La sécurisation du champ des prestations de services éligibles au crédit d’impôt en faveur des services à la personne

Dans son arrêt Sté Les jardins d’Iroise de Auch du 30 novembre 2020, le Conseil d’État a annulé le paragraphe de l’instruction fiscale publiée le 20 septembre 2017 au Bulletin officiel des finances publiques (BOFiP) prévoyant que le crédit d’impôt pour l’emploi d’un salarié à domicile s’applique aux prestations réalisées à l’extérieur du domicile, dès lors qu’elles sont comprises dans une offre de services incluant un ensemble d’activités effectuées à domicile, au motif que ces commentaires administratifs « ajoutent à la loi dont ils ont pour objet d’éclairer la portée ».

Le législateur, qui a tenu compte de cette décision du juge administratif, a souhaité modifier l’article 199 sexdecies du CGI en y introduisant explicitement la liste des prestations ouvrant droit au bénéfice de l’avantage fiscal lorsqu’elles sont réalisées hors du domicile du contribuable mais dans le cadre d’une offre de services incluant des activités effectuées dans le domicile (art. 3). Ainsi, par exemple, l’accompagnement des enfants sur le parcours entre l’école et le domicile continuera d’être éligible au crédit d’impôt, dès lors qu’il est lié à la garde d’enfant à domicile. Il est à noter que la loi vient étendre le bénéfice du crédit d’impôt pour l’emploi à domicile aux cas des « services de téléassistance et de visio-assistance », dès lors qu’il y est recouru pour une personne âgée ou une personne handicapée ou atteinte d’une pathologie chronique qui a besoin de telles prestations.

D – Le « bouclier tarifaire » pour l’électricité et le gaz naturel

La loi de finances reprend un amendement gouvernemental mettant en œuvre le volet fiscal du « bouclier tarifaire » annoncé par le premier ministre le 30 septembre 2021 afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages de la hausse des prix du gaz et de l’électricité (art. 29). Le ministre délégué au Budget, Olivier Dussopt, a précisé que cet amendement adopté par l’Assemblée nationale en première lecture « complète le dispositif du chèque énergie, doté d’une enveloppe de 600 millions dans [la] loi de finances pour 2022 »3.

L’article 29 de la loi de finances prévoit une minoration de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) si le tarif réglementé de vente d’électricité pour les usages résidentiels sur le réseau métropolitain continental venait à excéder de plus de 4 % celui applicable au 1er août 2021, taxes comprises.

De plus, le gouvernement est autorisé à minorer, par décret, le tarif de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), si les coûts d’approvisionnement en gaz naturel au titre d’un mois donné de l’année 2022 excèdent ceux d’octobre 2021. Cette minoration s’appliquera aux consommations de gaz combustible réalisées pour les besoins des personnes physiques autres que ceux tenant à leurs activités économiques.

E – Les aides au logement

Le gouvernement a fait adopter par l’Assemblée nationale un amendement qui prévoit que le dispositif du prêt à taux zéro (PTZ) sera prolongé pour une année supplémentaire, soit jusqu’au 31 décembre 2023 (art. 87). Le PTZ, qui devait s’éteindre au 31 décembre 2022, constitue un outil important de soutien à l’accession à la propriété des ménages à revenus modestes et intermédiaires. Ce mécanisme qui a été institué par la loi de finances pour 2009 est aussi un outil de soutien indirect à la construction de logements.

Le dispositif Denormandie ancien est lui aussi prolongé d’un an, soit jusqu’au 31 décembre 2023 (art. 75). Il s’agit d’une réduction d’impôt sur le revenu en faveur de l’investissement locatif intermédiaire rénové qui est prévue à l’article 199 novovicies du CGI. Elle s’applique aux logements situés dans le centre-ville des communes dont le besoin de réhabilitation de l’habitat est particulièrement marqué ou qui ont conclu une convention d’opération de revitalisation de territoire (ORT).

Enfin, le dispositif d’investissement locatif Censi-Bouvard est également prorogé d’un an (art. 74). Il accorde une réduction d’impôt en faveur des contribuables domiciliés en France qui investissent dans l’acquisition de logements situés dans des établissements accueillant des personnes âgées, dépendantes ou handicapées ou dans des résidences pour étudiants avec services, qu’ils donnent ensuite en location meublée non professionnelle à l’exploitant de l’établissement ou de la résidence. Le gouvernement transmettra au Parlement, avant le 30 septembre 2022, un rapport d’évaluation de ce mécanisme prévu à l’article 199 sexvicies du CGI.

F – La stabilisation du tarif de la contribution à l’audiovisuel public

Le législateur a prévu de ne pas tenir compte de l’inflation pour le calcul de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) et de conserver le montant retenu en 2021(art. 50). L’indexation des tarifs de la CAP sur l’inflation aurait conduit à une augmentation de son produit de 23 M€. Le montant de la CAP pour l’année 2022 sera de 138 € en métropole et de 88 € dans les départements d’outre-mer.

III – Les mesures fiscales intéressant les entreprises

La loi de finances pour 2022 prévoit la poursuite de la baisse de l’IS (A). Elle comporte des mesures techniques concernant le régime fiscal des indépendants (B). Elle permet également une mise en conformité du dispositif français des retenues à la source avec le droit de l’Union européenne (C). Enfin, elle instaure un crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative (D) et prolonge le dispositif des prêts garantis par l’État (E).

A – La poursuite de la baisse de l’IS

La trajectoire de baisse du taux de l’IS, qui a été engagée par la loi de finances pour 2018, est confirmée. Il s’agit de ramener progressivement pour l’ensemble des entreprises le taux normal de l’IS au niveau de la moyenne européenne. La baisse du taux de l’IS constitue un élément essentiel des décisions d’investissement des entreprises. Le taux normal de l’IS, qui est passé de 33,3 % en 2017 à 26,5 % en 2021 (27,5 % pour les grandes entreprises), atteindra 25 % en 2022 pour toutes les entreprises sans exception. Le ministère de l’Économie et des Finances a indiqué que « cette baisse du taux d’IS représente 11 Mds€ sur le quinquennat ».

B – Les dispositions concernant le régime fiscal des indépendants

Plusieurs dispositions concernent le régime fiscal des indépendants : l’allongement des délais en matière de droit d’option sur la fiscalité, le renforcement du crédit d’impôt pour la formation des dirigeants, la possibilité pour les entrepreneurs individuels d’opter pour l’IS, l’aménagement des dispositifs d’exonération des plus-values de cession d’entreprises ou de cession de titres détenus par les chefs d’entreprise et le dispositif d’amortissement fiscal des fonds commerciaux.

L’allongement des délais d’option pour les régimes d’imposition à l’impôt sur le revenu des entrepreneurs individuels. Fiscalement, un entrepreneur individuel peut être soumis à deux catégories de régime d’imposition : le régime de la « micro-entreprise » (ou « régime micro »), qui est réservé aux très petites entreprises dont le chiffre d’affaires ou les recettes ne dépassent pas certains seuils, et le régime réel d’imposition. Lorsqu’un entrepreneur relève de plein droit d’un régime micro, il a la possibilité de choisir, sous certaines conditions, d’opter pour un régime réel d’imposition.

Actuellement, le délai d’option pour un régime réel dont disposent les contribuables relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) et les délais de renonciation à l’option pour un régime réel pour les contribuables relevant des catégories des BIC, bénéfices non commerciaux (BNC) ou bénéfices agricoles (BA), coïncident. Cette option ou ces renonciations doivent être formulées avant le 1er février de l’année au titre de laquelle elles sont exercées.

Le législateur a estimé que les délais actuels d’option ou de renonciation s’avèrent parfois insuffisants « pour permettre aux entrepreneurs de prendre une décision parfaitement éclairée ». Les délais seront donc allongés jusqu’au dernier jour de dépôt de la déclaration fiscale des résultats de l’exercice précédent (art. 7).

Cette mesure, qui fait partie du plan en faveur des travailleurs indépendants présenté le 16 septembre 2021, s’appliquera aux options ou renonciations formulées à compter du 1er janvier 2022.

Le crédit d’impôt pour la formation des chefs d’entreprise. Conformément aux annonces faites par le président de la République dans le cadre du plan en faveur des travailleurs indépendants, le législateur a décidé de doubler le montant du crédit d’impôt en faveur de la formation des dirigeants prévu à l’article 244 quater M du CGI pour les entreprises qui satisfont à la définition européenne des micro-entreprises donnée à l’annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 (art. 19). Cette mesure a vocation à faciliter l’accès des dirigeants des très petites entreprises, de moins de dix salariés, à l’offre de formation professionnelle. Elle sera applicable aux heures de formation effectuées à compter du 1er janvier 2022.

La possibilité pour les entrepreneurs individuels de choisir l’imposition de leurs revenus à l’IS. La loi de finances pour 2022 reprend un amendement gouvernemental adopté par l’Assemblée nationale permettant d’offrir aux entrepreneurs individuels, dont les bénéfices sont par principe soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie dont relève leur activité, la possibilité d’opter pour leur assujettissement à l’IS sans avoir à modifier leur statut juridique (art. 13). Les entrepreneurs qui désirent faire ce choix devront remplir les obligations comptables nécessaires à l’établissement de l’IS.

Ce dispositif a vocation à simplifier les démarches des entrepreneurs individuels. Il pourra s’appliquer à la date d’entrée en vigueur de la loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante. Cette loi qui vient créer un statut unique pour les entrepreneurs individuels, protecteur de leur patrimoine personnel, s’inscrit dans le cadre du plan en faveur des travailleurs indépendants.

L’aménagement des dispositifs d’exonération des plus-values de cession d’entreprises ou de cession de titres détenus par les chefs d’entreprise. L’article 19 de la loi de finances pour 2022, qui constitue l’un des volets du plan en faveur des travailleurs indépendants, aménage les régimes d’exonération des plus-values de cession d’entreprises ou de cession de titres détenus par les chefs d’entreprise prévus par les articles 151 septies A et 238 quindecies du CGI.

L’actuel article 238 quindecies du CGI prévoit que les plus-values réalisées à l’occasion de toute transmission d’une entreprise individuelle ou d’une branche complète d’activité peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d’un dispositif d’exonération totale ou partielle, sous réserve notamment que la valeur des éléments transmis n’excède pas respectivement 300 000 € et 500 000 €. L’exposé des motifs de l’article 19 indique que les plafonds du dispositif d’exonération « ne paraissent aujourd’hui plus adaptés aux réalités économiques et à la valorisation des entreprises ». C’est la raison pour laquelle le législateur vient rehausser ces plafonds à hauteur de 500 000 € pour une exonération totale et de 1 000 000 € pour une exonération partielle.

Par ailleurs, il est proposé une mesure d’assouplissement temporaire du délai de cession permettant de bénéficier de l’exonération prévue par l’article 151 septies A du CGI, afin de tenir compte des mesures de restriction sanitaire liées à la pandémie de Covid-19. Un entrepreneur qui cède son entreprise individuelle au moment de son départ à la retraite pourra bénéficier de l’exonération des plus-values professionnelles de cession, s’il fait valoir ses droits à la retraite dans un délai maximum de 36 mois avant ou après la cession (contre 24 mois aujourd’hui).

Le bénéfice des exonérations prévues par les articles 151 septies A et 238 quindecies du CGI est actuellement exclu lorsque la cession d’un fonds de commerce donné en location-gérance au moment de la cession est effectuée au profit d’un tiers. L’article 19 de la loi de finances pour 2022 permet d’élargir les conditions d’application de ces deux dispositifs d’exonération en autorisant la cession d’une activité mise en location-gérance à toute autre personne que le locataire-gérant, dans le cas où ce dernier ne reprendrait pas l’activité, sous réserve que la transmission du fonds soit assortie de la cession de l’intégralité des éléments concourant à l’exploitation de l’activité ayant fait l’objet du contrat de location-gérance.

Le dispositif d’amortissement des fonds commerciaux. La réglementation comptable permet, sous certaines conditions, de constater la dépréciation définitive d’un fonds commercial acquis. Toutefois, les règles fiscales ne permettent pas de déduire du résultat imposable les amortissements comptabilisés. La loi de finances, qui modifie l’article 39 du CGI, donne la possibilité aux entreprises de déduire fiscalement l’amortissement comptable pratiqué sur les fonds commerciaux acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.Cette mesure constitue elle aussi l’un des volets du Plan Indépendants présenté le 16 septembre 2021. Elle vise selon le gouvernement à « réduire le coût de la reprise d’une entreprise », et à rendre les opérations de rachat de fonds commerciaux existants « plus attractives pour les entrepreneurs qui s’acquitteront de leur impôt sur une base fiscale plus faible ».

Le gouvernement remettra au Parlement, avant le 1er juillet 2025, un rapport évaluant le coût du dispositif ainsi que son efficacité au regard des objectifs qui lui sont fixés (art. 23).

C – La mise en conformité du régime français des retenues à la source avec le droit de l’Union européenne

L’article 24 de la loi de finances pour 2022 tire les conséquences de plusieurs décisions du Conseil d’État dans lesquelles il a été jugé que l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) s’opposait à ce qu’une législation nationale exclue la prise en compte des frais professionnels d’un prestataire de services non-résident pour le calcul de la retenue à la source prévue à l’article 182 B du CGI alors qu’un prestataire de services résident français serait soumis à l’IS sur ses revenus nets4.

Les personnes morales et organismes non-résidents établis dans l’UE ou dans l’espace économique européen (EEE) percevant des revenus de source française qui entrent dans le champ de l’article 182 B du CGI pourront bénéficier d’un abattement forfaitaire de charges de 10 %, appliqué immédiatement lors du prélèvement de la retenue à la source.

Ces organismes pourront aussi demander a posteriori la restitution de la différence entre la retenue à la source prélevée et la retenue à la source calculée à partir d’une base nette des charges réelles supportées pour l’acquisition et la conservation de ces revenus (art. 7).

D – Le crédit d’impôt en faveur de la recherche collaborative

La loi de finances reprend un amendement adopté par l’Assemblée nationale instaurant un crédit d’impôt au bénéfice des entreprises qui concluent à compter du 1er janvier 2022 des contrats de collaboration avec certains organismes de recherche et qui financent, dans ce cadre, les dépenses de recherche exposées par ces organismes (art. 69). Les contrats de collaboration sont des contrats destinés au portage commun, par une entreprise et un ou plusieurs organismes de recherche, de projets de recherche. Le dispositif prévoit que les organismes de recherche signataires de ces contrats répondent à la définition d’organismes de recherche et de diffusion des connaissances (ORDC). Les entreprises pourront bénéficier d’un crédit d’impôt égal à 40 % des sommes facturées par les ORDC, prises en compte dans la limite de 2 M€ par an. Ce taux sera porté à 50 % pour les petites et moyennes entreprises.

E – La prolongation du dispositif d’accès aux prêts garantis par l’État

Le dispositif des prêts garantis par l’État (PGE), qui devait cesser le 31 décembre 2021, est prorogé de six mois supplémentaires jusqu’au 30 juin 2022 (art. 161). Ce mécanisme d’aide aux entreprises, visant à faire face aux conséquences économiques issues de la crise sanitaire, a été mis en œuvre sur la base de l’article 6 de la loi n° 2020-289 du 23 mars 2020 de finances rectificative pour 2020. La prolongation du dispositif d’accès aux PGE entrera en vigueur à compter de la publication de la décision de la Commission européenne déclarant ce dispositif conforme au droit de l’Union européenne.

IV – La réforme du régime de responsabilité des gestionnaires publics

L’article 168 de la loi de finances pour 2022 autorise le gouvernement à réformer par voie d’ordonnance le régime de la responsabilité des gestionnaires publics.

Il s’agit de mettre en place un régime de responsabilité unifiée des gestionnaires publics, comptables comme ordonnateurs. Ce régime s’inspire de l’action 17 du programme « juridictions financières 2025 », le programme de réforme des juridictions financières que le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a présenté le 4 février 2021. Le décret n° 2021-604 du 18 mai 2021 modifiant la partie réglementaire du Code des juridictions financières a en quelque sorte acté cette réforme avec la création d’une septième chambre, chargée du contentieux, à la Cour des comptes.

Ce nouveau régime unifié de responsabilité financière des gestionnaires publics mettra fin au régime dual distinguant la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, établie par l’article 60 de la loi du 23 février 1963 de finances pour 1963, et la sanction des infractions aux règles en matière de finances publiques, commises par l’ensemble des agents publics, devant la Cour de discipline budgétaire et financière.

Le gouvernement a souhaité faire adopter par l’Assemblée nationale un amendement précisant que le champ de la réforme englobera tous les régimes de responsabilité personnelle et pécuniaire, y compris ceux qui ne relèvent pas de l’article 60 de la loi de finances pour 1963. Les trésoriers militaires qui font l’objet d’un régime spécifique de responsabilité personnelle et pécuniaire mise en jeu par la voie administrative, prévu par l’article L. 5221-1 du Code de la défense, seront concernés par la réforme. Il en ira de même pour les agents comptables des organismes de sécurité sociale n’ayant pas le statut d’établissement public qui sont soumis à une responsabilité spécifique prévue aux articles L. 122-2 et suivants du Code de la sécurité sociale.

A – Un régime unifié de responsabilité des ordonnateurs et des comptables publics

L’exposé des motifs de l’article 168 de la loi de finances pour 2022 souligne que le nouveau régime juridictionnel de responsabilité « sera commun aux justiciables actuels de la Cour de discipline budgétaire et financière [CDBF] et des juridictions financières, c’est-à-dire l’ensemble des agents publics à l’exclusion des ministres et des élus ». Le législateur n’a pas voulu inclure les élus locaux dans la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics. Le gouvernement a souligné que le champ des justiciables concernés sera strictement le même que celui de l’actuelle CDBF.

Le nouveau régime juridictionnel de responsabilité, qui sera applicable au plus tard le 1er janvier 2023, a vocation à sanctionner « les fautes graves relatives à l’exécution des recettes ou des dépenses ou à la gestion des biens des entités publiques, ayant causé un préjudice financier significatif ». Ce dispositif ouvre également la possibilité de sanctionner les « fautes de gestion » en cas de « négligences et de carences graves » dans l’exercice des contrôles réalisés par les acteurs de la chaîne financière, « sous réserve qu’elles aient été à l’origine d’un préjudice financier important ».

Le nouveau régime de responsabilité des gestionnaires publics conserve le principe fondamental de séparation des ordonnateurs et des comptables. L’ordonnance devra « garantir la séparation des ordonnateurs et des comptables et l’effectivité de la vérification par ces derniers de la régularité des opérations de recettes et de dépenses » (art. 168).

Le ministre délégué aux Comptes publics, Olivier Dussopt, a fait observer que le respect de cette séparation entre ordonnateur et comptable public « s’illustre par le maintien de l’infraction de la “gestion de fait”, c’est-à-dire de l’infraction consistant pour une personne à manier des fonds publics sans avoir la qualité de comptable public, et le maintien d’un mécanisme de “réquisition du comptable” qui permet à chacun de jouer son rôle et de prendre in fine ses responsabilités »5.

B – La nouvelle organisation juridictionnelle

Une nouvelle organisation juridictionnelle est mise en place. Une chambre de la Cour des comptes, qui sera composée de magistrats de la Cour et des chambres régionales et territoriales des comptes, sera « compétente en première instance ». Une cour d’appel financière présidée par le premier président de la Cour des comptes sera également instituée. Elle sera composée de quatre membres du Conseil d’État, de quatre membres de la Cour des comptes et de deux personnalités qualifiées désignées par le Premier ministre en raison de leur expérience dans le domaine de la gestion publique. L’appel sera suspensif et le Conseil d’État restera la juridiction de cassation.

Pour Olivier Dussopt, « cette organisation, avec une unique chambre en première instance, et une compétence tant pour les comptables que les ordonnateurs, permettra une cohérence jurisprudentielle qui augmentera la sécurité juridique de tout le régime de responsabilité »6.

Le gouvernement a insisté sur le fait que le nouveau régime juridictionnel de responsabilité, qui doit permettre de donner « un cadre plus simple, plus clair et plus lisible aux gestionnaires publics », ne visera qu’à réprimer « les fautes caractérisées par un impact financier significatif, et non les fautes purement formelles ou procédurales ».

L’ordonnance devra « définir les règles procédurales de ce nouveau régime en garantissant les droits des justiciables, le caractère suspensif de l’appel ainsi que la célérité des procédures » (art. 168). Elle sera chargée « d’adapter le rôle du ministère public et la liste des autorités ou personnes habilitées à lui déférer des faits ressortissant à ce nouveau régime ».

La juridiction pourra être amenée à prononcer des amendes pécuniaires dont le montant « sera fixé en fonction de la rémunération des agents concernés et plafonné au plus à six mois de rémunération ». Elle pourra aussi prononcer « une peine complémentaire d’interdiction d’exercer les fonctions de comptable ou d’avoir la qualité d’ordonnateur pour une durée déterminée » (art. 168).

Notes de bas de pages

  • 1.
    L. fin. 2022 n° 2021-1900, 30 déc. 2021 : JO, 31 déc. 2021.
  • 2.
    CE, 28 sept. 2016, n° 384465.
  • 3.
    Olivier Dussopt, séance publique, Assemblée nationale, 14 oct. 2021.
  • 4.
    CE, 22 nov. 2019, n° 423698, Sté anonyme d'économie mixte de gestion du Port Vauban ; CE, 9 sept. 2020, n° 434364, Sté Damolin Etrechy.
  • 5.
    V. O. Dussopt, « Il n’y a pas de régression avec la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics », Acteurs publics, 3 nov. 2021.
  • 6.
    V. O. Dussopt, « Il n’y a pas de régression avec la réforme de la responsabilité des gestionnaires publics », Acteurs publics, 3 nov. 2021.
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