Les propositions de la profession comptable pour le plan pour la croissance et la transformation des entreprises

Publié le 14/02/2018

Invité par le gouvernement à identifier des leviers de croissance des PME françaises dans le cadre du plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables a émis de nombreuses propositions d’ordre fiscal.

Pour donner aux entreprises les moyens d’innover, de se transformer, de grandir et de créer des emplois, le gouvernement a lancé, le 23 octobre dernier, un PACTE. Élaboré en co-construction avec tous les acteurs de l’entreprise, ce plan permettra à Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, et Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État, de rédiger un projet de loi au printemps 2018.

Le PACTE se décline autour de six thématiques : création, croissance, transmission de l’entreprise et rebond, partage de la valeur et engagement sociétal des entreprises, financement de l’entreprise, numérisation et innovation, simplification et conquête de l’international. Les propositions retenues par le ministère feront l’objet d’une consultation publique en ligne à compter du 15 janvier 2018. Au total, ce ne sont pas moins de 38 organisations qui ont contribué ont formulé 980 propositions sur l’ensemble de ces thèmes. Parmi eux : le Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables (CSOEC). Observateur de premier plan de la vie des entreprises, les experts-comptables ont identifié de nombreux leviers pour la croissance des entreprises. Le point sur les mesures fiscales qu’ils proposent.

Instaurer un impôt sur les bénéfices de l’entreprise individuelle

Les experts-comptables préconisent de conférer à l’entreprise individuelle une personnalité juridique distincte de celle de l’entrepreneur qui protègerait le patrimoine privé de ce dernier dès la création d’activité. En parallèle, ce statut serait doté d’un régime fiscal et social réel, harmonisé. L’entrepreneur serait imposé sur la base des seules sommes prélevées au cours de la période d’imposition, au cours de l’année civile, tant pour les périodes bénéficiaires que pour les périodes déficitaires. Quant aux bénéficiaires maintenus dans l’entreprise, ils supporteraient un impôt à un taux proportionnel, par exemple de 15 %, qui constituerait un acompte sur les impositions qui seraient dues ultérieurement à raison des prélèvements de l’exploitant. Les plus petites entreprises pourraient bénéficier de plein droit d’un régime fiscal et social forfaitaire constitué par un abattement forfaitaire et plafonné sur le chiffre d’affaires, pour prendre en compte les charges.

Transformation de l’entreprise individuelle en société

Le Conseil supérieur s’est penché sur les conséquences fiscales de l’apport d’une entreprise individuelle en société. Lors de l’apport d’une entreprise individuelle en société, les plus-values sur éléments amortissables sont réintégrées dans les bénéfices de la société bénéficiaire de l’apport, l’imposition des plus-values sur éléments non amortissables est reportée jusqu’à la cession. Toutefois, les plus-values en report constatées sur les éléments non amortissables ne peuvent pas se compenser avec une éventuelle moins-value réalisée lors de la cession des droits sociaux reçus en rémunération de l’apport. C’est pourquoi, le CSOEC préconise de remplacer l’actuel dispositif de report d’imposition par un sursis d’imposition.

Simplifier et assouplir le PACTE Dutreil-transmission

Constatant que le dispositif Dutreil-transmission est sous-utilisé, en raison de l’insécurité juridique inhérente au dispositif, le CSOEC préconise de le rendre plus attractif et moins complexe à utiliser en en allégeant les obligations déclaratives. Il propose de supprimer l’obligation déclarative annuelle, ou à défaut de fournir les éléments demandés par les services fiscaux à première demande. Par ailleurs, il propose de supprimer l’exigence d’un engagement collectif de conservation des titres qui ne favorise pas la transmission des entreprises, et de le remplacer par un seul engagement individuel des bénéficiaires de la transmission d’une durée plus longue que celle existante actuellement.

Reprise d’entreprise et déduction des intérêts d’emprunt

Pour encourager l’investissement dans la reprise d’une entreprise, le CSOEC préconise de supprimer la limite actuelle à la déduction des intérêts d’emprunt liés à l’acquisition par une personne physique des titres d’une société soumise à l’IS. Cette limite s’élève au triple de la rémunération allouée ou escomptée à la date de l’acquisition des titres. En outre, il préconise de rendre possible la déduction de tous les frais d’acquisition de titres de sociétés supportés par l’entreprise lors de la première année et non un étalement sur 5 ans. Enfin, il propose d’élargir les dispositifs de faveur applicables dans certaines zones du territoire à la reprise d’entreprise : les zones d’aménagement du territoire, les ZFU, les ZRR, les ZRD et les BER ne s’appliquent qu’aux entreprises créées dans la zone et non aux reprises d’entreprises.

Étaler la fiscalité du crédit-vendeur

Depuis le 1er janvier 2016, il est possible d’échelonner le paiement de l’impôt sur la plus-value à long terme de cession, dans le cadre d’un crédit-vendeur, uniquement pour les entreprises individuelles, dont le chiffre d’affaire est inférieur à 2 millions d’euros, de moins de 10 salariés et hors cessions de parts sociales et d’actions.

Pour faciliter l’octroi de ce mode de financement alternatif qui prévoit un décalage de la fiscalité dans le temps, les experts-comptables proposent plusieurs mesures. Il conviendrait premièrement d’élargir aux PME et ETI l’échelonnement du paiement de l’impôt sur les plus-values de cession, que le repreneur soit salarié ou non de l’entreprise. Deuxièmement, il s’agirait d’alléger les conditions d’application du dispositif et notamment l’obligation de constituer des garanties, et enfin, d’étendre le dispositif aux plus-values à court terme et aux plus-values sur titres des particuliers.

Des incitations fiscales à la recherche et au développement

LE CSOEC invite le gouvernement à mettre en place une série de mesures fiscales fortes pour favoriser la localisation en France ou dans un pays de l’Union européenne (UE) des produits issus d’une recherche ayant bénéficié d’aides fiscales. La France consent d’importants efforts pour inciter fiscalement les entreprises à investir dans la recherche et le développement : depuis 1984 le crédit d’impôt recherche et depuis 2013, le crédit d’impôt innovation. Mais la loi exige que les produits provenant de la recherche aidée soient développés à partir du territoire français ou du moins du territoire européen pour bénéficier d’un taux réduit d’imposition à raison de la seule exploitation « indirecte » des actifs concernés (concession de brevets ou de savoir-faire). Le Conseil préconise de supprimer les restrictions entourant l’application du taux réduit d’imposition des produits de la propriété industrielle et de l’étendre aux produits provenant de l’exploitation directe des brevets, le cas échéant pour une période limitée dans le temps.

Parmi les mesures proposées par la profession comptable figurent des propositions de simplification fiscale en matière de régime mère-fille et de report en arrière.

Supprimer le caractère optionnel du régime des sociétés mères et filiales

Les experts-comptables proposent de supprimer le caractère optionnel du régime mère-fille. Ce régime exonère d’impôt la société mère à raison des dividendes perçus de sa filiale, en cas de détention pendant au moins deux ans d’une participation d’au moins 5 % dans le capital de la société distributrice. Le régime permet d’éviter la double imposition économique des produits de participations, déjà imposés lors de leur réalisation par les sociétés filiales, sous réserve de l’imposition d’une quote-part de frais et charges fixée à 5 % du montant de la distribution. Celui-ci ne réclame pas de formalité déclarative spécifique, mais résulte simplement de la déduction opérée dans l’imprimé de détermination du résultat fiscal.

L’option s’explique par une raison historique : les sociétés mère avaient le choix entre le régime de groupe et le mécanisme de l’avoir fiscal, qui dans certains cas pouvait s’avérer plus avantageux. L’avoir fiscal n’existant plus, pourquoi maintenir le caractère optionnel du régime de groupe ? D’autant que ce caractère optionnel est susceptible de devenir pénalisant pour les entreprises en cas d’erreur dans la déclaration de résultats, une telle erreur pouvant être analysée comme une décision de gestion qui ne peut être modifiée par le dépôt d’une déclaration rectificative.

Autre situation pénalisante : en cas de contrôle fiscal faisant apparaître, après le dépôt de la déclaration de résultat de l’exercice, l’existence de certaines sommes considérées comme distribuées par l’administration et pour lesquelles cette dernière admet dans ses principes l’application du régime de faveur, comme les intérêts excédentaires de comptes courants d’associés. Il est proposé de rendre le régime d’exonération des dividendes prévu dans le cadre du régime applicable de plein droit, et non sur option, et ce dès lors que les conditions d’application sont remplies. L’exonération serait remise en cause lorsque les conditions d’application du régime ne seraient plus remplies.

Report en arrière : supprimer la notion de bénéfice distribué déterminer la créance

Il est proposé de supprimer toute référence à la notion de bénéfice non distribué pour la détermination de l’assiette d’imputation des déficits sur les bénéfices de l’exercice précédent. En effet, le mécanisme en vigueur prend en compte le montant de l’impôt payé et non restitué et prévoit de déduire de cette assiette le montant du bénéfice distribué de l’exercice de référence. Cette diminution trouve elle aussi son fondement historique dans l’existence de l’avoir fiscal et du précompte mobilier, « puisque l’avoir fiscal revenait à restituer aux associés, sous la forme d’un crédit d’impôt, une partie de l’impôt sur les sociétés que la société avait précédemment acquitté. Dès lors qu’une partie de l’impôt sur les sociétés avait été réallouée aux associés, il n’était pas possible, à due concurrence, de constater une créance d’impôt au bénéfice de la société. Avec la disparition de l’avoir fiscal, cette disposition, qui ne répond plus aujourd’hui à aucune logique fiscale, devrait être purement et simplement supprimée », expliquent les experts-comptables.

Harmoniser la notion de prépondérance immobilière

Le CSOEC propose d’harmoniser les dates d’appréciation de la prépondérance immobilière en matière de plus-values immobilières des particuliers (CGI, art. 150 UB I), de plus-values immobilières des non-résidents (CGI, art. 244 bis A I, 3, g), de plus-values de cessions de titres de participation (CGI, art. 219 I, a sexies-0 bis), de droits d’enregistrement (CGI, art. 726), de taxe patrimoniale de 3 % (CGI, art. 990 E) et de plus-values immobilières professionnelles à long terme (CGI, art. 151 septies B).

Développement international

Pour encourager la conquête internationale des entreprises françaises, les experts-comptables proposent d’améliorer le crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale et de rétablir la possibilité d’imputer les déficits étrangers des PME sur leurs résultats imposables.

Pour le crédit d’impôt pour dépenses de prospection commerciale, il s’agirait d’assouplir les conditions d’application qui s’avèrent trop contraignantes et en limitent le succès. Ainsi, la loi devrait permettre aux entreprises d’affecter un salarié au développement des exportations choisi parmi les salariés déjà présents dans l’entreprise sans devoir embaucher un autre salarié, allonger la période de 24 mois au cours de laquelle les dépenses sont prises en compte pour le calcul du crédit d’impôt et enfin, permettre à l’entreprise de bénéficier plusieurs fois de ce crédit d’impôt. Pour que les entreprises de taille intermédiaire (ETI) puissent en bénéficier, il conviendrait également de relever le seuil actuellement fixé à 40 000 euros (80 000 euros pour les associations à l’IS et certains GIE).

Imputer les déficits étrangers

Les experts-comptables proposent de rétablir le régime permettant aux PME de déduire de leurs résultats imposables en France les déficits subis par leurs succursales et filiales implantées à l’étranger. « L’avantage fiscal serait temporaire dans la mesure où ces déficits seraient rapportés au résultat de la PME française au fur et à mesure de la réalisation de bénéfices à l’étranger ». Ils rappellent que ce régime a existé jusqu’en 2013.

Et également :

– favoriser l’épargne salariale par une grande réforme de fond ;

– simplifier notamment la communication des documents relatifs à l’assemblée générale des SARL, les modalités de convocation aux assemblées des SARL et des SA ;

– instaurer un formulaire unique de déclaration de cessation de paiement ;

– simplifier les règles relatives au privilège du vendeur et au nantissement de fonds de commerce ;

– supprimer la déclaration de conformité en cas de fusion pour les SA non cotées et les SAS, le formalisme relatif à la perte de la moitié du capital social des sociétés ;

– simplifier le bulletin de paie en unifiant les bases et assiettes de cotisations et en fusionnant la CSG et la CRDS pour faire naître une nouvelle contribution entièrement déductible ;

– harmoniser les éco-contributions ;

– harmoniser les seuils dans le cadre de l’information extra-financière ;

– protéger le dirigeant pour lui permettre de rebondir ;

– moderniser la location-gérance et l’adapter aux dispositifs incitant à la transmission ;

– relever le seuil d’exonération de charges sociales au-delà de 2,5 SMIC ;

– créer un compte numérique et un carnet de santé numérique de l’entreprise ;

– étendre le dispositif de tiers de confiance pour sécuriser les opérations dans l’économie numérique.

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