Les taxes à faible rendement dans le viseur de la Cour des comptes

Dans son rapport d’avril 2025, la Cour des comptes recense 243 taxes à faible rendement, et pointe leur complexité, leur manque de transparence et de lisibilité. Plusieurs de ces recommandations pourraient être mises en œuvre à brève échéance.
Saisie d’une demande d’initiative citoyenne, la Cour des comptes publie une nouvelle étude sur les taxes à fables rendements, c’est-à-dire les 243 prélèvements obligatoires sans contrepartie et dont le rendement est inférieur à 175 millions d’euros en 2024 (Cour des comptes, Les taxes à faible rendement, une rationalisation à poursuivre, Rapport public thématique, avril 2025). Après analyse, l’institution estime nécessaire d’engager la rationalisation de ce patchwork fiscal et propose trois scénarios susceptibles de déboucher sur une simplification radicale, sans pertes de recettes pour les administrations publiques.
Une initiative citoyenne
Cette étude intervient en réponse à une initiative citoyenne, lancée sur la plateforme de participation citoyenne ouverte par la Cour des comptes du 6 septembre au 15 octobre 2023 (https://participationcitoyenne.ccomptes.fr/processes/consultation-2023/f/45/proposals). Une contribution a appelé la Cour à « recenser le nombre d’impôts, taxes et divers prélèvements obligatoires existants en France, ainsi que le rendement de chacun de ces prélèvements ». C’est dans ce contexte que l’enquête sur les taxes à faible rendement a été inscrite au programme des travaux de la première chambre de la Cour des comptes pour l’année 2024.
Un patchwork fiscal
Pour avoir un ordre de grandeur des recettes fiscales, les principaux impôts ont les rendements suivants (en 2024) :
- Impôt sur le revenu : 88,1 milliards d’euros,
- TVA : 210,1 milliards d’euros,
- Impôt sur les sociétés : 57,7 milliards d’euros,
- Cotisations sociales : 303,2 milliards d’euros
- Impôts sociaux (Contribution sociale généralisée (CSG) brute et contributions sociales diverses) : 224,9 milliards d’euros
À l’inverse, les taxes à faible rendement désignent les prélèvements obligatoires sans contrepartie dont le rendement est inférieur à 175 millions d’euros par an en 2024. Ce seuil a été fixé par référence au seuil de 150 millions d’euros par an utilisé par la Cour des comptes dans son enquête de 2018, ajusté pour tenir compte de l’inflation (Cour des comptes, Les taxes à faible rendement, référé n° S2018-3303, décembre 2018). L’institution en a dénombré 243 en 2024, contre 305 cinq ans plus tôt. Leur produit avoisinerait 5,98 milliards d’euros, sachant que le total des prélèvements obligatoires représente 1250 milliards d’euros. Parmi elles, 117 n’ont pas de rendement connu. Parmi celles-ci, on trouve la taxe sur la production et la distribution d’œuvres cinématographiques, la taxe sur les papiers graphiques, la taxe sur le produit des jeux dans les casinos flottants, le droit progressif sur l’enregistrement des produits homéopathiques, le permis de chasser, la redevance hydraulique, la surtaxe sur les eaux minérales, la taxe de balayage, la taxe sur les céréales ou encore la taxe sur les achats de viande. Malgré leur grand nombre, la Cour des comptes a réussi à en dresser une typologie. Ainsi, dans leur majorité, les taxes à faible rendement poursuivent un objectif de rendement budgétaire. Elles concernent deux fois plus les entreprises (63 %) que les particuliers. Elles sont assises principalement sur la production (37 %), c’est-à-dire dues par les entreprises et pesant sur leur chiffre d’affaires, leur valeur ajoutée ou le coût de leurs intrants (hors masse salariale). Viennent ensuite les taxes sur la consommation des ménages et des entreprises (33 %), sur le patrimoine ou les revenus du capital des ménages (19 %) et la masse salariale (11 %).
En outre, les taxes à faibles rendements se distinguent des autres prélèvements obligatoires par leur grand nombre de collecteurs. En plus de la DGFiP, de la DGDDI, des URSSAF, la Cour des comptes recense 38 collecteurs uniques et distincts qui sont des autorités publiques indépendants, des établissements publics administratifs, des établissements publics industriels et commerciaux ou encore des sociétés de droit privé comme l’Autorité des marchés financiers, (AMF), l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), France titres, l’Autorité de régulation des transports (ART), la Caisse centrale de réassurance (CCR), la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) ou encore le Conseil national des barreaux (CNB). S’y ajoutent les réseaux de certains de ces établissements, (18 ARS, 26 CROUS, etc.), et de nombreuses collectivités territoriales.
Enfin, comme pour la collecte, le paysage des affectataires du produit des taxes à faible rendement est lui aussi extrêmement fragmenté. Cela s’explique par la volonté de doter ceux-ci de recettes fiscales qui leur soient propres, en dépit du principe d’universalité du budget de l’État. En 2024, moins d’un quart des taxes à faible rendement recensées par la Cour finançait le budget général de l’État. Surtout, elles débordent de leur champ d’application théorique et se sont imposées, dans un grand nombre de secteurs économiques, comme un instrument de politique publique prisé de l’autorité politique, afin de compenser un service rendu, à l’image des redevances. Leur principal grief est d’accroître la complexité de l’environnement juridique et fiscal et d’affaiblir la lisibilité de la norme fiscale pour les contribuables.
Un double objectif de simplification et de rationalisation
Déjà, suite au rapport de la Cour de comptes de 2018, le législateur en a supprimé 74 de ces taxes sur la période 2019-2024. Mais parallèlement, sur la même période, il a aussi créé 12 nouvelles taxes pérennes. La Cour propose donc trois séries d’actions portant sur 173 des 243 taxes à faible rendement, et ce, sans perte de recettes significative pour les finances publiques.
La première série d’actions de simplification pourrait être mise en œuvre dans le projet de loi de finances pour 2026 : la Cour propose de revenir sur 44 taxes à faible rendement d’ores et déjà identifiées comme fragiles ou problématiques, comme les taxes affectées aux centres techniques industriels et aux comités professionnels de développement économique, la taxe dite « prémix », la taxe applicable aux maisons de jeux, la contribution annuelle sur les revenus locatifs ou la taxe sur la main-d’œuvre étrangère permanente, temporaire ou saisonnière. Il s’agirait de simplifier « ces taxes excessivement complexes et de supprimer des dispositifs fragiles juridiquement ou dont les effets contreviennent aux objectifs qu’ils sont supposés poursuivre ».
La deuxième série d’actions concerne 30 taxes à faible rendement dans quatre secteurs : pharmacie/médicament, contrôle sanitaire des aliments, formation professionnelle et financement des services publics et équipements locaux. La Cour des comptes invite les pouvoirs publics à réexaminer ces 30 taxes pour rechercher l’adéquation entre le taux de la taxe et le coût du service rendu par l’administration.
Enfin, la troisième série d’actions, qui pourrait être inscrite dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, vise à réexaminer au moins 99 taxes supplémentaires par rapport aux deux premiers scénarios.
La Cour propose de :
- supprimer les taxes additionnelles au circuit de collecte spécifique (taxe additionnelle à la taxe sur les surfaces commerciales) ;
- rationaliser les taxes redondantes ou poursuivant des objectifs similaires (fiscalité des terrains devenus constructibles et taxes applicables aux logements vacants)
- découpler les taxes à faible rendement à finalité budgétaire et leurs affectataires ;
- plafonner les taxes affectées à des tiers autres que l’État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Renforcer leur transparence et leur lisibilité
Enfin, la Cour préconise d’améliorer la transparence sur les taxes à faible rendement, notamment en ce qui concerne leur base juridique, leur collecteur, leur rendement ou leur affectataire. Elle recommande aussi que soit mis à la disposition des contribuables locaux un outil leur permettant d’établir, en fonction de leur situation, la liste des impôts auxquels ils sont assujettis.
Référence : AJU017k7
