Location saisonnière : le cafouillage fiscal de l’exécutif
La loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322 du 29 décembre 2023) réforme la fiscalité des locations meublées de courte durée, dits aussi saisonnières et souvent désignées comme la « niche fiscale Airbnb ». Alors que le projet de loi initial ne contentait aucune mesure. Ainsi l’article 45 de la loi de finances pour 2024 modifie en profondeur l’article 50-0 du Code général des impôts (CGI). Mais son application est déjà remise en cause.
Les régimes des différentes locations meublées
Pour mémoire, les revenus issus des locations de locaux meublés sont imposables à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Selon le montant des revenus annuels tirés de cette activité, le loueur relève soit du régime réel d’imposition, qui tient compte des frais réellement déboursés, soit du régime d’imposition simplifié dit « micro-BIC », qui permet d’appliquer un forfait représentatif des frais et charges (CGI, art. 50-0). Ce régime micro-BIC est réservé aux entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à certains plafonds. Les bailleurs peuvent toujours opter pour le régime réel d’imposition quel que soit le montant de chiffre d’affaires réalisé.
Jusqu’à présent, le micro-BIC était réservé aux entreprises suivantes, selon la nature de leur activité de location :
• location de locaux classés meublés de tourisme et chambres d’hôtes, dans la limite de 188 700 euros de chiffre d’affaires. L’abattement forfaitaire représentatif de charges s’élevait 71 % du chiffre d’affaires hors taxes.
• locations de logements meublés et de locaux de tourisme non classés, dans la limite de 77 700 euros de chiffre d’affaires. L’abattement forfaitaire s’élevait à 50 %.
Selon l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme, « les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ». Les chambres d’hôtes ne sont pas considérées comme un meublé de tourisme.
Les locations classiques
En vertu de l’article 32 du CGI, les locations nues classiques sous soumises, quant à elles, à un régime fiscal nettement moins attractif, à savoir : un abattement de 30 % et un plafond de 15 000 euros de revenus fonciers.
Une réforme hasardeuse
La réforme contenue dans le texte final de la loi de finances pour 2024 est pour le moins « hasardeuse », en raison du contexte de son adoption. En effet, le texte initial du projet de loi de finances était muet sur la question qui était pourtant sur la place publique. À la demande du gouvernement, les députés ont introduit et adopté un amendement prévoyant une réforme a minima. En vertu de cet article, le régime fiscal des locaux classés meublés de tourisme était aligné sur celui des autres locations de meublés : le plafond de recettes de 188 700 euros était abaissé à 77 700 euros et l’abattement lui aussi réduit, passant de 71 à 50 %. Il prévoyait un abattement supplémentaire de 21 % pour les locations de classés meublés de tourisme en zone rurale, sous réserve que le chiffre d’affaires ne dépasse pas 50 000 euros.
Les sénateurs ont souhaité une réforme plus radicale : la suppression de la niche fiscale Airbnb. Le texte adopté en première lecture par le Sénat a donc abaissé d’un cran le plafond de recettes du micro-BIC de tous locaux meublés de tourisme à 15 000 euros et baissé l’abattement à 30 %, en maintenant un abattement supplémentaire de 21 % dans les zones peu denses.
En seconde lecture devant l’Assemblée nationale, le gouvernement a souhaité revenir à sa proposition, à savoir un plafond de recettes de 77 700 euros et un abattement à 50 %. Alors même qu’il a enclenché la procédure de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution qui lui permettait de faire passer ses ultimes modifications, le texte final ne reflète pas ses intentions. Pire : tous les meublés de tourisme sont soumis aux mêmes conditions d’application du micro-BIC : plafond de recettes à 15 000 euros et abattement à 30 %, avec un abattement supplémentaire de 21 % si l’ensemble de ses recettes ne dépassent pas 15 000 euros pour les meublés de tourisme classé hors zone tendue. Invoquant « une erreur matérielle », le texte n’en est pas moins applicable, et ce, de façon rétroactive aux revenus perçus en 2023 et imposables en 2024…
Interrogé le 20 décembre sur ce loupé dans L’Opinion, Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des Comptes publics s’est voulu rassurant : « Je veux rassurer les Français, rien ne changera dans l’immédiat ». Il est question de la publication prochaine dans le BOFiP d’instruction fiscale destinée – si tant est qu’elle en ait le pouvoir – à geler la mesure adoptée.
En outre, la loi de finances pour 2024 prévoit l’actualisation des seuils tous les trois ans dans la même proportion que l’évolution triennale de la première tranche du barème de l’impôt sur le revenu et arrondis à la centaine d’euros la plus proche.
Une nouvelle réforme à venir
Parallèlement, le gouvernement a confié en novembre dernier une mission sur la fiscalité locative aux députées Annaïg Le Meur et Marina Ferrari (D. du 15 novembre 2023 chargeant une députée d’une mission temporaire, JORF n° 0265 du 16 novembre 2023). Le but de la mission est de mener une réflexion globale sur les effets de la fiscalité des locaux meublés sur l’offre de logement. Leurs conclusions pourraient prendre place dans la proposition de loi n° 1176 visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue. Déposée le 28 avril 2023, cette proposition de loi, portée par Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz, fait l’objet d’une procédure d’examen accélérée au Parlement. La prochaine étape de la discussion aura lieu le 29 janvier 2024 en séance publique.
En l’état, le projet proposition de loi réorganise la fiscalité des logements meublés. Son article 3 réoriente le régime du micro-BIC des locations soumises à un abattement fiscal de 71 % des revenus fonciers qui s’applique actuellement, sous condition de classement, aux meublés de tourisme et aux chambres d’hôtes. Pour les meublés de tourisme, la proposition de loi resserre le régime préférentiel à ceux qui sont situés dans une commune de montagne ou en zone détendue, afin notamment de contribuer à mieux protéger les gîtes ruraux.
En zone détendue ou en station de montagne :
– meublés de tourisme classés : abattement de 71 % et plafond de chiffre d’affaires à 176 200 euros ;
– meublés de tourisme non classés : abattement de 50 % et plafond de recettes à 72 600 euros.
En zone tendue :
– meublés de tourisme classés : abattement de 50 % et plafond de recettes à 30 000 euros ;
– meublés de tourisme non classés : abattement à 30 % et plafond de recettes à 15 000 euros.
Les chiffres de la location
Les locaux classés meublés de tourisme ne représentent qu’une part minime de l’offre. Selon le rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale Jean-René Cazeneuve :
– 98 500 foyers déclarent louer un local classé meublé de tourisme ;
– 515 000 foyers déclarent louer un local meublé non classé qu’il soit de tourisme ou de logement au régime « micro-BIC » ;
– 235 700 foyers déclarent louer un local meublé au réel à titre non professionnel ;
– 4,7 millions de foyers déclarent louer un logement nu.
« Il serait donc illusoire de penser que la seule modification de plafonds de revenus et d’abattements pour 98 500 biens serait de nature à répondre aux difficultés d’accès au logement de nos compatriotes », conclut le rapporteur.
Location de la résidence principale
L’article 38 de la loi de finances pour 2024 prolonge l’exonération d’impôt sur le revenu de le revenus tirés de la location ou sous-location d’une partie de la résidence principale. Les propriétaires qui louent ou les locataires qui sous-louent, en meublé, une ou plusieurs pièces de leur habitation principale peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu des loyers à la double condition que :
• les pièces louées constituent la résidence principale ou résidence temporaire du locataire ou du sous-locataire dès lors qu’il justifie d’un contrat de saisonnier,
• le prix de location soit fixé dans des limites raisonnables (CGI, art. 35 bis, I et II).
Par ailleurs, les personnes qui mettent de façon habituelle à la disposition du public une ou plusieurs pièces de leur habitation principale sont exonérées de l’impôt sur le revenu sur le produit de ces locations lorsque celui-ci n’excède pas 760 euros par an. Ces deux mesures sont prolongées jusqu’au 31 décembre 2026.
Référence : AJU012d0