Logement : les atouts du démembrement croisé de parts de SCI
Les couples en concubinage peuvent organiser la détention de leur logement en démembrement croisé. Cette technique permet au survivant de conserver la jouissance du bien au décès du premier, et de ne pas détenir le bien en indivision avec les héritiers tout en préservant les intérêts de ces derniers. Sur le plan fiscal, la stratégie offre des conditions de transmission optimale.
En matière immobilière, le démembrement croisé permet à un couple de concubin ou de partenaires de pacte civil de solidarité (pacs) d’acheter un bien immobilier à deux et d’organiser la protection du survivant dans les lieux. Cette stratégie est en effet utilisée pour permettre au survivant de conserver la résidence principale du couple au décès du premier concubin ou pacsé. Le point sur cette technique juridique utile notamment dans le cadre des familles recomposées.
Le démembrement de propriété
Pour mémoire, la propriété d’un bien quel qu’il soit (immobilier, mobilier) peut être démembré. Les droits de propriété sont scindés en deux, entre l’usufruit et la nue-propriété. L’usufruitier dispose de l’usus et du fructus du bien. L’usus correspond au droit d’utiliser la chose, le fructus celui d’en tirer profit. L’usufruitier peut donc habiter le bien immobilier, et aussi le donner en location. Quant au nu-propriétaire, il dispose de l’abusus c’est-à-dire le droit de vendre, de donner et même de détruire le bien. Toutefois, il aura besoin de l’accord de l’usufruitier s’il souhaite vendre le bien en pleine propriété.
L’usufruit est un droit temporaire. Le nu-propriétaire a vocation à devenir plein propriétaire du bien démembré au terme de l’usufruit, qui peut être prévu pour une durée fixe, ou viager, auquel cas il s’éteint avec le décès de l’usufruitier.
Conserver un droit sur le logement
Il peut être nécessaire de protéger le concubin ou le pacsé survivant lorsque le défunt avait des enfants, commun au couple ou non car contrairement au conjoint (marié), concubin et pacsé n’ont pas de droit sur le logement.
Sur ce point, le mariage organise une protection forte. La loi réserve en effet au veuf ou à la veuve le droit de rester dans le logement à vie. Ce droit – dit droit viager au logement – est valable que le couple en soit propriétaire ou locataire. Il s’applique si ce logement appartenait exclusivement aux deux époux ou personnellement au défunt et si le conjoint survivant occupait effectivement, au moment du décès de son conjoint, ce logement à titre de résidence principale.
En pratique, le conjoint survivant doit manifester sa volonté d’exercer ce droit dans un délai d’un an à compter du décès de son époux. Ce droit permet également au conjoint survivant de louer le bien à usage d’habitation, pour, par exemple, financer une maison de retraite. En revanche, ce droit n’est pas absolu. Un époux peut priver l’autre de ce droit par testament enregistré chez un notaire.
Dans tous les cas, le conjoint survivant a toujours le droit d’occuper le logement familial gratuitement et pendant l’année qui suit le décès. Le logement doit constituer son habitation principale au moment du décès de son époux, qu’il appartienne aux deux époux ou pour partie indivise au défunt.
Pourquoi organiser une telle protection ?
Le partenaire de pacs bénéficie du même droit temporaire d’un an d’occuper le logement familial. En revanche, n’en bénéfice pas le concubin. Et ni le pacsé ni le concubin n’ont de droit viager au logement. Autrement dit, le pacsé est protégé pendant une année seulement, et le concubin pas du tout !
C’est pourquoi, des stratégies alternatives doivent être pensées en amont si l’intéressé n’est pas propriétaire seul de son logement, ou s’il vient en concurrence avec des héritiers. Les concubins et les partenaires de pacs ne détiennent aucun droit dans la succession de la personne avec laquelle ils vivent. Lorsqu’ils achètent ensemble un bien immobilier, celui-ci se trouve en indivision. Et au moment du décès du premier concubin ou pacsés, le survivant se retrouve lui-même en indivision avec les héritiers du défunt.
SCI et échanges réciproques des parts sociales démembrées
Dans ce schéma, la protection passe par la constitution d’une société civile immobilière (SCI). Si le couple est déjà propriétaire d’un bien acheté ensemble en indivision, chacun apporte à la SCI ses droits indivis. Sinon, chacun apporte à la SCI des fonds utile à l’acquisition du logement. En contrepartie de ces apports, chacun reçoit la moitié des parts sociales de la SCI. La propriété des parts sociales aura été démembrée de façon à ce que soient attribués à chacun l’usufruit de la moitié des parts et la nue-propriété sur l’autre moitié des parts. Il est également possible aux associés de s’échanger soit leur nue-propriété, soit leur usufruit respectif sur leurs parts.
Par exemple : Les concubins Monsieur A et Madame B ont créé leur SCI C, constituée de 10 parts sociales. Monsieur A détient les parts sociales 1 à 5, Madame B les parts sociales 6 à 10. Ils procèdent au démembrement de leurs parts sociales et à un double échange : la nue-propriété des parts sociales de Monsieur A (1 à 5) est attribuée Madame B, et la nue-propriété des parts sociales de Madame B (6 à 10) est attribuée à Monsieur B. En conséquence, Monsieur A détient les parts 1 à 5 en usufruit et les parts 6 à 10 en nue-propriété. Quant à Madame B, elle détient les parts 1 à 5 en nue-propriété et les parts 6 à 10 en usufruit.
Le sort des parts en cas de décès
Dans ce schéma, au décès de son concubin, le concubin survivant peut rester dans les lieux sans que les éventuels héritiers du défunt ne soient lésés. Dans notre exemple, examinons le sort des parts de Monsieur A à son décès.
· Les parts 1 à 5 dont il détenait l’usufruit : l’usufruit s’éteignant avec le décès de Monsieur A et Madame B récupère la pleine propriété de ces parts, sans coût fiscal.
· Les parts 6 à 10 dont il détenait la nue-propriété : elles reviennent à ses héritiers, qui en deviennent, à leur tour, les nus-propriétaires.
La situation de Madame B, concubine survivante est donc la suivante : elle détient les parts 1 à 5 en pleine propriété et reste usufruitière des parts 6 à 10. Or l’usufruit d’une bien offre comme prérogative à l’usufruitier le droit de pouvoir jouir de la chose. Appliqué à un bien immobilier, l’usufruit offre le droit d’habiter dans les lieux, ou de les donner en location et d’en percevoir des loyers.
Au décès de Madame B :
· Les parts 1 à 5 dont Madame B était pleinement propriétaire à son décès reviennent à ses propres héritiers.
· Les parts 6 à 10 dont Madame B n’était qu’usufruitière et les héritiers de Monsieur B nus-propriétaires : la pleine propriété est reconstituée entre les héritiers sans coût fiscal. Ils ne sont donc pas lésés. Le seul inconvénient de cette technique peut résider dans le facteur temps. Si l’usufruitier est jeune, et donc a une longue espérance de vie, les héritiers devront attendre longtemps avant d’entrer en pleine possession du bien.
Fiscalité : un immense intérêt pour les concubins
En plus de la protection du logement, cette stratégie se déploie dans des conditions fiscales favorables. En effet, le démembrement de propriété constitue un formidable levier d’optimisation fiscale, particulièrement au niveau des concubins.
Dans le cadre d’une transmission classique de la pleine propriété, le concubin survivant doit payer des droits au taux de 60 % après un abattement de 1 594 euros seulement.
Dans le cadre d’un démembrement de propriété, la seule transmission qui s’opère n’est pas taxable. Au décès du concubin usufruitier, l’autre concubin récupère la pleine propriété sans aucun droit de succession à payer.
Cette stratégie est également utile pour les partenaires de pacs au regard de la protection du logement et de la préservation des intérêts des héritiers. Elle est moins pertinente sur le plan fiscal puisque les partenaires de pacs sont, comme les époux mariés, exonérés de droits de succession.
Référence : AJU008o5