Logements en zone touristique : les pistes du gouvernement pour mieux réguler l’offre
Le gouvernement entend mieux réguler l’offre de location de courte durée dans les zones les plus touristiques. Zoom sur les pistes de réforme.
En juillet 2023, l’exécutif a annoncé une série de mesures permettant aux maires des villes des zones tendues de mieux réguler le marché des meublés de tourisme. En effet en février 2022, le gouvernement avait demandé la mise en place d’une mission interministérielle afin d’évaluer les tensions sur les marchés du logement dans les zones touristiques et d’identifier les dispositifs permettant de lutter contre l’éviction dont sont victimes certains candidats au logement, notamment les moins aisés, pour accéder à une résidence principale sur ces territoires tendus.
Des déséquilibres très significatifs des marchés du logement
Le constat de l’Inspection générale des finances (IGF) (IGF, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022) rendu l’été dernier a été sans ambiguïté même si ces territoires touristiques ne sont pas clairement définis en droit positif. Les travaux conduits par la mission ont permis l’objectivation statistique des communes concernées, par un faisceau d’indices liés à la nature des activités économiques qui y sont exercées, aux tensions immobilières à l’achat comme à la location, et aux caractéristiques du parc de logements local, en particulier la densité élevée des résidences secondaires. Dans ces zones la mission a conclu que les déséquilibres des marchés du logement pouvaient prendre une ampleur particulièrement significative, notamment par leur concentration dans le temps et dans l’espace.
Le développement exponentiel des meublés de tourisme
Dans ces zones touristiques, le développement particulièrement rapide des plateformes numériques d’intermédiation locative a conduit à une explosion des locations de courte durée et fait émerger de nouveaux besoins et de nouvelles offres, en concurrence avec les marchés plus traditionnels de l’hébergement touristique. Pour le locataire, la location meublée est beaucoup plus compétitive que l’hébergement touristique classique sur le plan du prix à la nuitée et au mètre carré par personne, aussi bien pour une personne seule qu’une famille. « Les plateformes d’intermédiation numérique comme Airbnb ou Abritel ont facilité la création de revenus complémentaires pour les bailleurs et encouragé une gestion plus active de leur patrimoine immobilier, qui peut être déléguée à des sociétés de services spécialisées », constate l’IGF. Cette double dynamique intensifie la concurrence des usages des locaux d’habitation et conduit d’une part à une réduction de l’offre de résidences principales en zones tendues et d’autre part entretient l’augmentation des prix de l’immobilier d’autant plus que l’offre de logements est par construction inélastique à court terme.
Réformer le régime de meublé de tourisme trop attractif ?
La fiscalité applicable aux meublés de tourisme s’avère nettement plus avantageuse que celle applicable à la location meublée classique. Ces revenus sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Si les recettes annuelles du propriétaire sont inférieures à 77 700 euros, il relève par défaut du régime Micro BIC. Ce régime comporte un avantage fiscal, un abattement de 50 % à hauteur des revenus locatifs annuels, qui passe à 71 % jusqu’à 188 700 € de recettes pour les biens qui bénéficient du classement en meublé de tourisme. Dans ce dernier cas, les hôtes concernés bénéficient également d’une exonération de la taxe d’habitation et de la taxe foncière. Et leurs voyageurs se voient appliquer une taxe de séjour réduite. Pour compléter ce régime avantageux, le propriétaire dont les charges (frais de fonctionnement payés à la plateforme, frais de ménage, assurance, amortissement de l’emprunt immobilier le cas échéant, travaux…) excédent ces pourcentages de déduction, peut les déduire en totalité en passant au régime réel. La Première ministre, a annoncé une refonte de la fiscalité des revenus locatifs. Pour l’exécutif « le système de fiscalité des revenus locatifs est complexe, assis sur la base d’une distinction entre activités civiles et commerciales qui lie la fiscalité au statut meublé ou non du bien, de manière peu opportune ». L’objectif du gouvernement consiste à redonner un cadre fiscal plus simple et plus juste, de sorte qu’il soit lisible pour le propriétaire et qu’il permette de favoriser le développement d’une offre locative de qualité et de longue durée.
Donner un levier fiscal supplémentaire aux maires concernés
L’article 73 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a permis de revoir les critères de définition des communes relevant d’une « zone tendue » faisant face à des difficultés particulières d’accès au logement, dans lesquelles s’applique la taxe nationale sur les logements vacants (TLV). Cette disposition vise notamment à donner un levier fiscal incitatif supplémentaire aux élus des communes touristiques qui connaissent ces dernières années un développement important des résidences secondaires sur leurs territoires au détriment de l’offre d’habitations principales. En effet, l’entrée dans le zonage emportera pour les communes concernées la faculté de majorer la cotisation de taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS) jusqu’à 60 %.
La liste des communes incluses dans ce nouveau zonage est fixée par décret après consultation des associations d’élus (AMF, France Urbaine, Intercommunalités de France, ANEL, AMEL, ANETT …) et après avoir passé l’ensemble des consultations obligatoires.
Au total, la nouvelle liste du zonage comporte 3 693 communes :
· 1 434 communes les plus tendues au sein des zones d’urbanisation continue de plus de 50 000 habitants. Cette mise à jour du cœur historique du zonage permettra notamment à 38 communes d’Outre-mer (sur 53 entrantes au total) de bénéficier de tout l’arsenal réglementaire assis sur le zonage TLV ;
· 2 259 communes « touristiques » les plus tendues (avec notamment 345 communes entrantes en Corse, 45 dans le Finistère et 131 en Haute-Savoie) qui pourront majorer jusqu’à 60 % la taxe d’habitation sur les résidences secondaires et d’appliquer les réglementations existantes sur l’encadrement des meublés de tourisme (numéro d’enregistrement et procédure de changement d’usage).
Cette mesure permettra aux maires qui le souhaitent d’orienter leur fiscalité en cohérence avec leurs objectifs de développement de l’offre de logements comme résidences principales, tout en dégageant des ressources qui pourront également être affectées à la production de logements abordables. Ce nouveau zonage TLV sera applicable au 1er janvier 2024 : les communes concernées devront délibérer (THLV ou majoration THRS) avant le 1er octobre 2023. Enfin, il est à noter que les pertes de recettes des communes qui avaient institué la THLV et qui ne pourront plus la percevoir dès lors qu’elles entrent dans le zonage TLV, seront intégralement compensées via un prélèvement sur recettes dans le cadre de la loi de finances.
Quatorze mesures concrètes
· Mieux connaître le parc des meublés de tourisme en zone tendue grâce à la création d’un observatoire du logement dans les territoires touristiques.
· S’inspirer de l’étranger avec la réalisation d’une étude sur les dynamiques des territoires touristiques en Europe et les réglementations existantes.
· Diffuser largement à l’ensemble des parties prenantes (communes, plates-formes, loueurs, locataires) le guide de la réglementation des meublés de tourisme publié en février 2022. Ce guide rappelle la réglementation des meublés de tourisme et les sanctions applicables en cas de non-respect de cette dernière.
· Renforcer les évaluations sur l’effectivité de la régulation du meublé de tourisme sur le marché du logement grâce aux études menées par l’Observatoire du logement dans les territoires touristiques. Ces évaluations seront menées dans un panel de communes diversifié situées dans des zones à forte intensité touristique.
· Identifier 10 territoires pilotes pour un accompagnement « sur-mesure » afin de définir une stratégie territoriale et de mobiliser les outils disponibles ou à structurer. Ces territoires pilotes pourront bénéficier de l’ingénierie des agences de l’État (CEREMA, 10 millions d’euros seront mobilisés à leur profit dans le cadre des crédits ingénierie touristique de Destination France).
· Engager des réflexions sur la fiscalité des revenus locatifs afin de favoriser les locations de longue durée.
· Rendre plus efficaces les contrôles de l’administration fiscale en appariant dans une base unique le numéro d’enregistrement avec le numéro fiscal du logement. Le croisement des données fiscales et administratives améliorera l’identification des particuliers et des sociétés ne se conformant pas à la réglementation et ne remplissant pas leurs obligations en matière de déclaration de revenus issus de locations de courtes durées.
· Adapter les outils d’urbanisme afin de permettre aux communes de favoriser le développement de résidences principales. Ainsi, la création d’une servitude de résidence principale au sein des PLU fait actuellement l’objet d’une analyse approfondie.
· Donner à davantage de communes la possibilité d’appliquer la réglementation permettant de réguler les meublés de tourisme grâce au nouveau classement des communes en zone « TLV ».
· Renforcer la réglementation permettant la régulation des meublés de tourisme en améliorant la sécurité juridique des décisions d’autorisation de changement d’usage. Les communes n’auront plus à faire attester de l’usage d’habitation du local à la date du 1er janvier 1970. Elles pourront faire valoir un usage d’habitation postérieur à 1970 ce qui simplifiera considérablement la résolution des contentieux engagés avec des propriétaires qui ne respecteraient pas la réglementation.
· Simplifier le contrôle des meublés de tourisme par les collectivités en créant une plateforme unique qui permettra la collecte et la transmission des données par les opérateurs.
· Donner la possibilité d’appliquer aux meublés de tourisme les mêmes règles d’interdiction de location des passoires énergétiques que pour les locations de longue durée. Les meublés de tourisme se verront appliquer les mêmes règles d’interdictions de locations des passoires thermiques que les locations à l’année selon le même calendrier d’interdiction progressive prévu dans la loi Climat et Résilience. Le maire sera libre d’appliquer la réglementation ou non. En cas de mise en application, le conseil municipal soumettra la mise en location des meublés de tourisme à un régime d’autorisation préalable fondé sur la présentation d’un DPE.
· Réviser les plafonds de Loc’Avantages, un dispositif qui permet à un propriétaire-bailleur de bénéficier d’une réduction d’impôt s’il loue son bien à des loyers modérés à des locataires sous plafonds de ressources, en zone tendue afin de faciliter le développement d’une offre locative pérenne en zone touristique.
· Soutenir la création de foncières locales en mobilisant la Banque des Territoires. Dans certains territoires touristiques (notamment de montagne), une action dédiée sera engagée avec la Banque des Territoires afin de développer des foncières locales aux côtés des communes et des intercommunalités qui souhaitent se doter d’un outil capable de répondre à certains enjeux spécifiques de leur territoire. Ces foncières locales auront notamment pour objet de lutter contre le développement des lits froids, de développer des résidences de tourisme adaptées aux évolutions des besoins et du secteur touristique, d’engager la rénovation énergétique du parc de logements touristiques et enfin de développer une offre de logements permanents ou saisonniers dans l’offre rénovée pour répondre aux enjeux d’accès au logement.
Référence : AJU009w9