Logements vacants : la Cour des comptes pointe des politiques publiques insuffisantes

Publié le 02/07/2025
Logements vacants : la Cour des comptes pointe des politiques publiques insuffisantes
Oleg Breslavtsev/AdobeStock

Le parc de logements privés compte trois millions de logements vacants en 2022 et parmi eux 1,1 million de logements dont la vacance est structurelle. Pour la Cour des comptes, les politiques publiques destinées à lutter contre ce phénomène aux causes et réalités multiples s’avèrent insuffisantes.

La Cour des comptes dresse un bilan de l’action publique menée depuis 2020 pour lutter contre les logements vacants dans le parc privé (La lutte contre les logements vacants dans le parc privé : Enjeux et outils depuis 2020, Observations définitives, Cour des comptes, 22 mai 2025).

Trois millions de logements vacants

Dans le secteur privé, la France compte 32,3 millions de logements. Trois millions de logements sont considérés comme vacants en 2022, dont 38 % (environ 1,1 million) depuis plus de deux ans, établissant le taux de vacance structurelle moyen sur l’ensemble du territoire à 3,5%. Depuis 1990, le nombre de logements vacants toutes causes confondues a augmenté de près de 60 % (soit une augmentation de 1,2 million de logements vacants). Elle a été particulièrement marquée au cours de la période récente, atteignant + 47,3 % entre 2005 et 2017. En parallèle, le nombre total de logements n’a augmenté que de 41,9 %, conduisant à une hausse de 1,7 point de la part de vacance sur la même période. Cette évolution se retrouve dans la quasi-intégralité des départements (sauf la Corse et l’Hérault).

Cette vacance constitue un double enjeu. Dans les zones tendues, les logements durablement vacants sont considérés comme une réponse potentielle à la pénurie de l’offre bien qu’ils représentent un faible volume du parc (118 330). Toutefois, l’enjeu de gisement de logements est à relativiser. À Paris, par exemple, 128 000 logements sont considérés comme vacants, mais seulement 18 600 depuis plus de deux ans (soit 1,3 % du parc privé). La capitale compte par ailleurs 134 000 résidences secondaires, 47 500 logements occasionnels et 55 000 annonces de locations hors chambres d’hôtel sur la plateforme Airbnb. La vacance durable ne représente ainsi que 7 % de l’ensemble des logements « sous-occupés » parisiens.

La très grande majorité des logements durablement vacants se situent dans des territoires détendus, avec des taux pouvant atteindre 8 à 10 % du parc dans certains départements. Dans les zones en déclin démographique, la vacance des logements contribue à la dégradation du tissu urbain et à la dévalorisation des biens immobiliers. Elle contribue à la fragilisation du tissu urbain et à la perte d’attractivité de ces territoires.

Un phénomène aux multiples causes

La vacance des logements est difficile à appréhender statistiquement. Elle est définie et suivie différemment par l’Insee dans les opérations de recensement quinquennal et par la Direction générale des finances publiques (DGFiP) via les déclarations fiscales. Les données fiscales sont actualisées annuellement à partir des déclarations collectées auprès des propriétaires, longtemps via la déclaration d’occupation des logements au titre de la taxe d’habitation qui alimentait le fichier « 1767biscom », et depuis 2023, via le dispositif dénommé « Gérer mes biens immobiliers » (GMBI), qui dresse la liste des locaux résidentiels taxables au titre de la taxe sur les logements vacants (TLV) ou de la taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV). Ces sources ont ainsi été privilégiées lors de la création, en 2020, d’un fichier destiné à l’étude de la vacance des logements, le fichier « Lovac ».

Cette vacance est de deux types. Elle peut être « frictionnelle » ou de rotation, c’est-à-dire résulte du fonctionnement du marché immobilier. Elle renvoie à la période durant laquelle un bien reste en vente ou disponible à la location en attente d’un nouvel occupant. Elle devient « structurelle » quand le bien reste inoccupé pendant une période prolongée. Elle s’explique alors par une inadéquation du logement aux attentes du marché (localisation, dévalorisation, ancienneté, insalubrité, déprise démographique). Selon les circonstances, il peut s’agir aussi d’une vacance pour travaux, de succession, d’obsolescence, etc.

Les actions publiques menées depuis 2020

Compte tenu des multiples enjeux, la lutte contre la vacance est intégrée à diverses politiques du logement et de l’aménagement du territoire depuis 2020, et le lancement d’un Plan national de lutte contre les logements vacants. Faute d’indicateur de mesure permettant d’en évaluer l’avancement et les résultats, la Cour des comptes regrette qu’aucun bilan n’ait été établi à ce jour. Ce plan a créé notamment le fichier « Lovac », une base spécifiquement consacrée à la vacance au service des collectivités locales, mais dont les données s’avèrent peu fiables, ainsi que, en 2022, « Zéro Logements Vacants » (ZLV), une solution numérique alimentée par le fichier Lovac, permettant de visualiser facilement la vacance sur un territoire et d’organiser la prise de contact avec les propriétaires des logements. Entre 2020 et 2024, 6 700 logements identifiés grâce à ZLV sont sortis de vacance, représentant 6,6 % des 102 000 logements dont les propriétaires ont été contactés ; 4 800 étaient engagés dans une démarche de sortie à fin 2024.

Les incitations fiscales à destination des propriétaires

Principaux acteurs de la mise en œuvre de la lutte contre la vacance de logement, les propriétaires sont sollicités par les pouvoirs publics pour mettre leurs biens locatifs sur le marché. En 2022, le gouvernement a mis au point le dispositif « Loc’avantages » en lieu et place de la réduction d’impôt sur le revenu « Louer abordable » ou dispositif « Cosse » créé en 2016, remplaçant lui-même les dispositifs Besson ancien et Borloo ancien. Appliqué jusqu’au 31 décembre 2024, « Loc’avantages » prévoyait une réduction d’impôts en contrepartie d’une remise sur le marché d’un logement, dans le cadre d’une convention avec l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Avec l’intermédiation locative qui garantit au propriétaire en contrepartie d’une location à caractère social, le paiement effectif des loyers et la gestion du bail et du bien par un tiers, ces dispositifs n’auraient permis de remobiliser que 40 000 logements entre 2017 et 2022.

Autre dispositif : le versement de primes spécifiques pour la remise sur le marché de logements vacants, notamment en milieu rural. Dans le cadre du programme national France Ruralités, une nouvelle prime de « sortie de la vacance » a été instaurée en 2024, d’un montant de 5 000 euros par logement vacant depuis plus de deux ans, situés dans les zones rurales.

Si les raisons de la vacance sont multiples, la question de la réhabilitation ou de la rénovation des logements occupe une place majeure. Depuis quelques années, les dispositifs incitant les propriétaires à procéder à des travaux de rénovation énergétique et à la réhabilitation des habitats dégradés se sont donc multipliés. Rappelons que cet enjeu constitue désormais une contrainte réglementaire de conformité. En effet, la loi Élan (L. n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, JORF n° 0272 du 24 novembre 2018) a rendu opposable le diagnostic de performance énergétique (DPE) des logements. Quant à la loi dite « Climat et résilience » (L. n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, JORF n° 0196 du 24 août 2021) prévoit l’interdiction de la mise en location à partir de 2025 des logements classés G par le DPE, à partir de 2028 pour ceux classés F et à partir de 2034 pour ceux classés E. S Cette interdiction progressive concerne 650 000 logements étiquetés G puis 850 000 logements étiquetés F (représentant respectivement 6,3 % et 10,5 % du parc locatif privé). Dans ce registre, la principale aide réside dans la rénovation énergétique des logements, principalement concentrée aujourd’hui dans le programme « MaPrimeRénov » (que le gouvernement vient de suspendre temporairement jusqu’à septembre 2025). La Cour des comptes en conclut que « les aides et les mesures d’encouragement à destination des propriétaires, si elles se développent, n’ont pas à ce jour fait la preuve de leur efficacité ».

Les limites de la fiscalité punitive

Les pouvoirs publics ont également utilisé le levier fiscal dans son aspect dissuasif ou punitif. Depuis 2007, deux taxes coexistent : la taxe sur les logements vacants en zone tendue et la taxe d’habitation sur les logements vacants. La taxe sur les logements vacants en zone tendue (TLV) est perçue par l’État auprès des propriétaires de logements inoccupés depuis plus d’un an. Le nombre de logements assujettis à la TLV a augmenté de 387 000 en 2017 à 810 000 en 2024 ; les recettes correspondantes ont crû de 80 millions d’euros à 271 millions d’euros. La taxe d’habitation sur les logements vacants (THLV) est, quant à elle, perçue par les collectivités qui en décident pour les territoires non soumis à la TLV. Ses recettes sont passées de 36 millions d’euros en 2017 à 107 millions d’euros en 2024. Ces taxes n’ont en rien endigué le phénomène de la vacance structurelle. « Plusieurs études et rapports invitent aujourd’hui à repenser ces leviers, et notamment leur articulation avec la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS). En tout état de cause, l’outil fiscal seul ne saurait répondre à des enjeux de lutte contre la vacance différenciés selon les territoires ».

Par ailleurs, la Cour des comptes regrette que les collectivités soient encore peu impliquées dans la transformation de bureaux vacants en logements. De même, le partenariat avec les collectivités et entre les collectivités reste à ce jour de portée réduite, pénalisant les initiatives nationales nouvelles ou révélant leur inadéquation avec les attentes locales.

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