Loi de finances pour 2025 : un budget de crise pour les entreprises

Publié le 17/03/2025
Loi de finances pour 2025 : un budget de crise pour les entreprises
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Le budget de crise n’épargne pas les entreprises. Dans l’ensemble, les mesures contenues dans la loi de finances pour 2025 ont pour effet d’augmenter leur charge fiscale.

La loi de finances pour 2025 comporte plusieurs mesures à destination des entreprises (Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025, JORF n° 0039 du 15 février 2025). Tour d’horizon des principales dispositions qui, dans leur ensemble, renforcent la fiscalité des entreprises. Les mesures ciblées sur les groupes et les très grandes entreprises, comme la surtaxe d’impôt sur les sociétés et la taxe sur les rachats d’actions, feront l’objet d’un prochain article.

TVA des auto-entrepreneurs

L’article 32 de la loi de finances abaisse significativement le plafond de franchise de base de TVA pour les petites entreprises, notamment les auto-entrepreneurs (CGI, art. 293 B).

Les seuils d’exemption jusque-là applicables étaient de :

  • 37 500 euros pour les prestations de services (hors ventes à consommer sur place, prestations d’hébergement et travaux immobiliers) et les professions libérales ;
  • 85 000 euros pour les activités commerciales et artisanales.

À partir du 1er mars 2025, un plafond unique est fixé à 25 000 euros de chiffre d’affaires.

Sont concernés les assujettis qui n’ont pas déjà perdu le bénéfice de la franchise avant le 1er mars 2025 et dont le chiffre d’affaires national en 2024 était supérieur à 25 000 euros ou qui réaliseront un CA supérieur à 27 500 euros en 2025.

Face à l’inquiétude des professionnels concernés de ne pas pouvoir répercuter ce coût auprès de leurs clients particuliers (notamment les prestataires de services à la personne), le ministre de l’Économie et des Finances, Éric Lombard, et la ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l’Économie sociale et solidaire, Véronique Louwagie, ont, dans un premier temps, suspendu la réforme le temps de mener une concertation avec les fédérations professionnelles. Puis, le 28 février 2025, les ministres ont annoncé que la réforme entrera bien en vigueur le 1er juin prochain, se donnant ainsi le temps de proposer des adaptations de la mesure. Durant cette période, les entreprises et autres organismes concernés par cette réforme ne sont pas tenus d’effectuer les nouvelles démarches déclaratives en matière de TVA.

Le 3 mars dernier, l’administration fiscale a publié un rescrit sur ce sujet (BOI-RES-TVA-000198). Il en ressort que, pour les assujettis dont le chiffre d’affaires réalisé en 2024 était inférieur à 25 000 euros, la sortie intervient à la date du dépassement du seuil de 27 500 euros si celle-ci est postérieure au 1er juin 2025. En revanche, pour les assujettis qui dépassent les anciens seuils de tolérance entre le 1er mars et le 31 mai 2025, la sortie est immédiate. Enfin, pour les assujettis qui optent volontairement pour la sortie de la franchise, l’option prend effet au premier jour du mois de son exercice.

Organisme de gestion agréé

L’article 11 de la loi de finances pour 2025 met un point final au statut particulier des organismes de gestion agréés (OGA) et à la réduction d’impôt sur le revenu pour frais de comptabilité et d’adhésion (CGI, art. 199 quater B). Rappelons que la réforme avait été initiée par la loi de finances pour 2021 avec la suppression de la majoration de 25 % des revenus professionnels applicable aux entreprises n’adhérant pas à un OGA.

CVAE : report de la réforme de deux ans

La suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est reportée de 2027 à 2030. Pour mémoire, cette suppression avait été actée par la loi de finances pour 2023, puis repoussée – par la loi de finances pour 2024 – à 2027, avec une réduction progressive d’un quart en 2025 et 2026. Finalement, la réduction progressive du taux de la CVAE est à nouveau reportée à 2028 et 2029. Sauf nouveau report, la CVAE devrait disparaître au 1er janvier 2030. Pour des raisons de technique juridique, la loi de finances pour 2025 maintient la réduction de taux prévue, mais la neutralise par la mise en place d’une cotisation complémentaire temporaire sur la CVAE due en 2025 (CGI, art. 1586 quater). Cette contribution s’applique aux mêmes redevables que celui de la CVAE, et sur la même assiette. Son taux s’élève à 47,4 % du montant de la CVA due. La contribution supplémentaire n’est pas soumise au plafonnement en fonction de la valeur ajoutée. Un acompte unique de 100 % sera dû au plus tard le 15 septembre 2025.

Recentrage du crédit d’impôt recherche

La loi de finances pour 2025 procède à un important aménagement du crédit d’impôt recherche (CIR) qui s’applique aux dépenses exposées à partir du 15 février 2025 (CGI, art. 244 quater B). Tout d’abord, la loi recentre le dispositif sur les dépenses de recherche. Ainsi, s’en trouvent désormais exclues les dépenses liées aux brevets (prise, maintenance et défense de brevets et dotations aux amortissements des brevets acquis pour opérations de recherches, veille technologique) ainsi qu’une partie des primes et cotisations de contrat d’assurance brevet. Par ailleurs, la loi supprime le régime dit « Jeunes docteurs » (personnes titulaires d’un doctorat au sens de l’article L. 612-7 du Code de l’éducation ou d’un diplôme équivalent). Cette disposition spécifique permettait de doubler l’assiette des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche, pendant les deux années suivant leur embauche. En outre, le taux forfaitaire applicable aux dépenses de personnel est réduit, passant de 42 % à 40 %. Enfin, le taux de prise en compte des dépenses d’innovation des PME est abaissé à 20 %.

Par ailleurs, la loi donne une définition de « subvention publique » au regard du CIR. En effet, ces subventions, perçues à raison des opérations ouvrant droit au CIR sont susceptibles d’être déduites de l’assiette de calcul du CIR. En l’absence de définition légale, le Conseil d’État avait qualifié de subventions publiques « toute aide versée à raison d’opérations ouvrant droit au crédit d’impôt par une personne morale de droit public » (CE, 12 juillet 2023, n° 463363). Désormais, selon la définition légale les subventions publiques « s’entendent des aides versées par les personnes morales de droit public ou par les personnes morales de droit privé chargées d’une mission de service public ».

Crédit d’impôt innovation et crédit d’impôt nouvelle collection

Le crédit d’impôt innovation (CII) qui a pris fin le 31 décembre 2024 est prorogé de trois ans, jusqu’au 31 décembre 2027. En revanche son taux est abaissé, passant de 30 % à 20 % pour les dépenses engagées à partir de 2025 (CGI, art. 244 quater B, II). Il en va de même pour le crédit d’impôt recherche des entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir, dit crédit d’impôt nouvelle collection. Le dispositif qui devait prendre fin le 31 décembre 2024 est prolongé de trois ans. Il pourra s’appliquer aux dépenses exposées jusqu’au 31 décembre 2027 (CGI, art. 244 quater B, II).

Mégadéficits

La loi de finances pour 2025 limite temporairement le report en avant des mégadéficits (CGI, art. 209). La part excédant 2,5 milliards d’euros du déficit constaté au titre du premier exercice clos à compter du 31 décembre 2025 n’est pas considérée comme une charge des exercices suivants. Cette limite s’applique aux entreprises dont le déficit constaté au titre des trois exercices consécutifs clos en 2023, 2024 et 2025 excède 2,5 milliards d’euros. Pour les entreprises membres d’un groupe d’intégration fiscale, le seuil s’apprécie individuellement au niveau de chacune des entreprises membres du groupe.

Réévaluations libres d’actifs

L’article 15 de la loi de finances pour 2025 porte sur le régime fiscal des réévaluations libres sans le modifier (CGI, art. 238 bis JB). Il introduit des obligations déclaratives renforcées pour les entreprises ayant bénéficié de la neutralisation fiscale des réévaluations d’actifs pendant la crise sanitaire (exercices clos entre le 31 décembre 2020 et le 31 décembre 2022). Elles devront indiquer l’écart de réévaluation non encore réintégré sur l’état de suivi joint à leur déclaration de résultats. La loi a prévu une sanction en cas de non-déclaration ou de déclaration erronée, égale à 5 % des sommes omises (CGI, art. 1763 J). Cette mesure s’applique aux exercices clos à compter du 31 décembre 2025.

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