Prélèvement forfaitaire unique et irrévocabilité de l’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu

Publié le 12/06/2024
Prélèvement forfaitaire unique et irrévocabilité de l'option pour le barème progressif de l'impôt sur le revenu
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Le Conseil d’État vient de juger du caractère irrévocable de l’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu, lorsque le prélèvement forfaitaire unique constitue le droit commun. Lorsque le contribuable a exercé son option, il ne peut plus y renoncer, en cours de contrôle ni dans le délai de réclamation.

Dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir contre une réponse ministérielle, le Conseil d’État vient de se prononcer sur l’irrévocabilité de l’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu, concernant les revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux entrant dans le champ d’application du prélèvement forfaitaire (CE, 8e et 3e ch. réun., 5 mars 2024, n° 490411).

Les revenus soumis au prélèvement forfaitaire unique

Le prélèvement forfaitaire unique (PFU), également appelé flat tax, a été institué par l’article 28 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 dans le cadre de la réforme de la fiscalité du capital. Il consiste à soumettre les intérêts, dividendes et plus-values mobilières à un prélèvement forfaitaire unique fixé au taux unique de 30 %. Ce taux se compose d’un taux forfaitaire d’impôt sur le revenu (IR) de 12,8 %, et des prélèvements sociaux au taux de 17,2 %. Depuis 2018, les revenus visés par l’article 200 A-1-1° du Code général des impôts (CGI) sont soumis à l’impôt sur le revenu par application du taux forfaitaire de 12,8 %. Toutefois, les contribuables ont la possibilité de soumettre ces revenus au barème progressif de l’impôt sur le revenu si cela leur est préférable. La loi prévoit qu’ils exercent alors une « option expresse et irrévocable » à cette fin « lors du dépôt de la déclaration prévue à l’article 170, et au plus tard avant l’expiration de la date limite de déclaration » (CGI, art. 200 A, 2). Ainsi, l’option porte sur tous les revenus entrant dans le champ de l’imposition forfaitaire, imposable au titre de la même année. Il n’est pas possible de prendre l’option pour seulement les dividendes par exemple, et d’y renoncer pour les intérêts ou plus-values. L’option ne peut être tacite, le contribuable doit cocher la case 2OP de sa déclaration d’ensemble des revenus. Enfin, le contribuable ne peut pas revenir sur son option, pour l’année au titre de laquelle elle a été exercée.

L’évolution de la position de Bercy

C’est le caractère irrévocable de l’option qui fait débat aujourd’hui. Une première réponse ministérielle, en date du 25 février 2020 montrait de la souplesse dans le caractère irrévocable de l’option. « Dans le cadre du droit à l’erreur, les contribuables qui n’ont pas opté pour l’imposition au barème au moment de leur déclaration de revenus, peuvent le faire en formulant une demande à leur service ou depuis leur espace sécurisé sur impots.gouv.fr. Bien que l’option au moment de la déclaration soit en théorie irrévocable, il a en effet été décidé de donner une suite favorable à de telles demandes, sans pénalité », indiquait Bercy (Rép. Min. Rabault, n° 24560).

Il faut dire que le ministère avait engagé plusieurs actions pour inciter les usagers à utiliser l’option d’imposition au barème qui y auraient intérêt. En avril 2020, le site oups.gouv.fr intégrait cette thématique et diverses actions de communication étaient lancées pour sensibiliser les contribuables sur l’enjeu de l’option.

Fin 2023, c’est dans le cadre du contrôle fiscal que Bercy a invoqué le droit à l’erreur pour les contribuables n’ayant pas exercé l’option pour le barème progressif. La question posée par la députée, Brigitte Klinkert, faisait valoir que certains contribuables ayant, au moment de l’établissement de leur déclaration de revenus, opté pour l’imposition des revenus de capitaux mobiliers et plus-values mobilières, avaient constater que cette option n’était pas la plus favorable pour eux et que l’imposition ou le prélèvement forfaitaire de 12,8 % aurait été plus favorable. Cela, notamment, par une rectification des bases imposables à la suite d’une vérification de l’administration fiscale. « Un contribuable s’est vu refuser cette possibilité par l’administration fiscale, dans le cadre d’un recours hiérarchique, pour le motif que la réponse ministérielle de janvier 2020 vise les contribuables n’ayant pas opté pour l’imposition au barème au moment de la souscription de la déclaration de revenus. Elle lui demande pourquoi il est possible de rectifier dans un sens (prélèvement forfaitaire unique vers imposition au barème) et pas dans l’autre (imposition au barème vers prélèvement forfaitaire unique) » (Rép. min. Klinkert, n° 3778).

Dans sa réponse ministérielle du 24 octobre, Bercy rappelle que dans le cadre du droit à l’erreur, des mesures de tempérament ont été adoptées et les contribuables qui n’ont pas opté pour l’imposition au barème au moment de leur déclaration de revenus peuvent le faire en formulant une demande a posteriori, sans pénalité. En cas d’opérations de contrôle conduisant à une rectification portant sur les revenus de capitaux mobiliers et gains mobiliers perçus, ces revenus sont imposables selon les modalités suivantes : « Lorsque la déclaration de revenus souscrite avant l’expiration de la date limite de déclaration mentionne des revenus de capitaux mobiliers et/ou des gains mobiliers soumis à l’imposition forfaitaire de 12,8 %, les revenus rectifiés sont soumis de plein droit à cette imposition forfaitaire, au taux applicable au titre de l’année de leur perception. Il en est de même lorsque le contribuable n’a mentionné sur sa déclaration de revenus aucun revenu ou gain soumis à l’imposition forfaitaire ou, sur option, au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

– Lorsque l’option pour l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu a été exercée, toute rectification ultérieure portant sur les revenus et gains dans le champ de cette option, qu’il s’agisse de ceux déclarés ou de revenus ou gains omis ou remis en cause, opérée au titre de la même année d’imposition, est établie suivant le même mode d’imposition (BOI-RPPM-RCM-20-15 § 340). Compte tenu du caractère irrévocable de cette option, le contribuable ne peut plus y renoncer, en cours de contrôle ou dans le délai de réclamation.

En revanche, lorsque, à raison des revenus et gains entrant dans le champ d’application de l’imposition forfaitaire, l’option globale pour leur imposition au barème de l’impôt de revenu n’a pas été exercée au plus tard avant la date limite de déclaration des revenus ou en l’absence de RCM et PVCVM mentionnés sur la déclaration initiale des revenus, le contribuable peut, au cours du contrôle conduisant à la rectification de revenus ou gains omis, opter a posteriori pour l’imposition au barème de l’impôt sur le revenu, sur demande expresse de sa part. Dans cette situation, l’option portera sur le montant des revenus et gains rectifiés ainsi que sur ceux initialement déclarés. Cette option peut également être exercée, en dehors de toute procédure de contrôle, dans le délai de réclamation, à raison des revenus et gains initialement déclarés ».

Autrement dit le droit à l’erreur du contribuable existe en l’absence d’option pour le barème progressif. Mais une fois l’option exercée, le contribuable ne peut plus y renoncer, ni en cours de contrôle, ni dans le délai de réclamation.

Recours pour excès de pouvoir

Un contribuable a exercé un recours pour excès de pouvoir auprès du Conseil d’État, demandant à la haute juridiction d’annuler la réponse ministérielle du 24 octobre 2023. Il lui fait grief d’énoncer « que l’option pour l’imposition suivant le barème progressif de l’impôt sur le revenu de l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers et plus-values de cession de valeurs mobilières et droits sociaux entrant dans le champ d’application du prélèvement forfaitaire unique revêt un caractère irrévocable et que le contribuable qui l’a exercée ne peut plus y renoncer ».

Dans son arrêt du 5 mars, le Conseil d’État vient de rejeter sa demande (CE, 8e et 3e ch. réunies, 5 mars 2024, n° 490411). Il juge qu’il ressort de la lettre même des dispositions de l’article 200 A du CGI, « qu’une telle option revêt un caractère irrévocable. Il en découle qu’en énonçant que le contribuable qui l’a exercée ne peut plus ensuite y renoncer, en cours de contrôle ou dans le délai de réclamation, la réponse ministérielle en cause ne comporte aucune interprétation formelle de la loi fiscale au sens des dispositions précitées de l’article L80 A du Livre des procédures fiscales. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions principales des requérants sont, pour ce motif, irrecevables ».

Par ailleurs, la haute juridiction administrative a refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le contribuable à l’origine du recours pour excès de pouvoir. Celui-ci considérait que les dispositions du 2 de l’article 200 A du Code général des impôts, dans leur rédaction issue du b) du 28° du paragraphe I de l’article 28 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, portaient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.

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