Présentation de la loi de finances pour 2021
La loi de finances pour 2021 est largement consacrée à la relance de l’activité économique et de l’emploi. Elle met en œuvre la baisse des impôts dits de production. Elle comporte de nombreuses mesures destinées à soutenir les entreprises affectées par les conséquences économiques de la crise sanitaire. Elle confirme la trajectoire de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés et permet la poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation. Elle marque également l’engagement du gouvernement en faveur de la transition écologique.
Après l’échec de la commission mixte paritaire le 9 décembre 2020, le projet de loi de finances pour 2021 a été adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 15 décembre 2020, puis rejeté par le Sénat le 16 décembre 2020. Il a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 17 décembre 2020. Dans sa décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 20201, le Conseil constitutionnel a validé la quasi-totalité de ce texte. Saisi par plus de 60 sénateurs et d’environ autant de députés, il a seulement censuré sept articles qu’il a qualifiés de « cavaliers budgétaires ».
La loi de finances pour 20212 intègre une partie des mesures présentées dans France Relance, le plan de relance de l’économie française présenté le 3 septembre 2020 par le Premier ministre. Ce plan qui est largement axé sur la relance de l’économie par l’offre, consacre 100 Md € sur les deux prochaines années au redressement économique de la France. Un comité national de suivi du plan de relance, placé auprès du Premier ministre, sera chargé de veiller au suivi et à la mise en œuvre des mesures du plan (art. 247). Le suivi portera en particulier « sur l’exécution budgétaire du plan et sur l’efficacité économique, sociale et environnementale au regard des objectifs poursuivis ».
Ce budget de relance qui confirme la volonté de l’exécutif de baisser durablement les impôts pesant sur les ménages et les entreprises, a été par ailleurs présenté par le gouvernement comme étant le « premier budget vert »3. Le rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État, qui est annexé au projet de loi de finances, présente l’impact environnemental des crédits budgétaires et dépenses fiscales pour 2021 au regard de six objectifs environnementaux (lutte contre le changement climatique, adaptation au changement climatique, gestion de la ressource en eau, économie circulaire, lutte contre les pollutions et biodiversité). Le gouvernement a souligné que « la France dev[enait] ainsi le premier pays au monde à réaliser une évaluation environnementale de l’ensemble de son budget ».
Le budget 2021 comporte des mesures fiscales concernant autant les particuliers que les entreprises. S’agissant des particuliers, on relèvera notamment la poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales, la hausse du malus automobile assis sur les émissions de CO2 et la taxe sur les véhicules d’un poids supérieur à 1,8 tonne. S’agissant des entreprises, on retiendra en particulier la baisse des impôts de production, la poursuite de la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés ainsi que plusieurs dispositifs destinés à soutenir les entreprises en renforçant leur trésorerie à l’image de l’étalement de la plus-value réalisée à l’occasion des opérations de cession-bail.
Nous examinerons successivement les grandes orientations du budget 2021 (I), les mesures fiscales concernant les particuliers (II) et les mesures fiscales à destination des entreprises (III).
I – Les grandes orientations du budget 2021
Nous présenterons successivement les chiffres clés du budget 2021, qui s’inscrit dans un contexte économique et sanitaire exceptionnel, et les avis du Haut conseil des finances publiques (HCFP) et de la Commission européenne.
A – Les principales hypothèses et mesures du budget 2021
Le budget de l’État s’appuie sur une prévision de croissance de 6 % pour l’année 2021. Le déficit public qui a atteint un niveau sans précédent en 2020 (11,3 % du PIB) devrait atteindre 8,5 % du PIB en 2021 (art. liminaire). La dette publique devrait encore augmenter et atteindre 122,4 % du PIB en 2021 après 119,8 % en 2020.
Il est à noter que les règles européennes du Pacte de stabilité et de croissance, qui limitent à 3 % du PIB le déficit public et à 60 % la dette publique, ont été suspendues depuis mars 2020 pour permettre aux États membres de dépenser autant que nécessaire pour lutter contre les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Par ailleurs, la charge de la dette devrait atteindre 37,1 Md € en 2021 contre 35,8 Md € en 2020.
Le budget 2021 met en œuvre une partie du plan France Relance. En 2021, la mission « plan de relance » disposera de 22 Md € de crédits répartis autour de trois « piliers » : « écologie », « compétitivité » et « cohésion des territoires ». Elle comprend notamment 3 Md € pour la rénovation énergétique des bâtiments.
Par ailleurs, pour poursuivre le soutien aux secteurs les plus affectés par la crise, le budget 2021 a prévu 20 Md € d’aides d’urgence dédiés notamment au financement du chômage partiel et au fonds de solidarité à destination des entreprises en difficulté qui a été créé en mars 2020.
Le nombre d’agents employés par l’État restera stable en 2021. Il a été prévu de supprimer seulement 157 postes dans la fonction publique. Certains ministères régaliens gagneront des postes comme la Justice (+ 1 500) ou l’Intérieur (+ 1 369). Le budget de la justice augmentera de 8 %. D’autres ministères perdent des postes, en particulier ceux des Finances (− 2 163) et de la Transition écologique (− 947).
Enfin, la contribution de la France au budget de l’Union européenne, qui est en progression de 25 % par rapport à 2020, est évaluée à 27 Md € pour l’année 2021 (art. 92). L’augmentation du montant de la contribution s’explique notamment par le retrait du Royaume-Uni du financement du budget européen et les conséquences économiques de la crise sanitaire.
B – L’avis du Haut conseil des finances publiques
Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 20214, le Haut conseil des finances publiques (HCFP) a observé que « dans un contexte de croissance potentielle affaiblie rendant plus difficile la réduction du déficit, la soutenabilité à moyen terme de la dette publique constitue un enjeu central de la stratégie financière de la France et appelle la plus grande vigilance ». Par ailleurs, l’avis du HCFP a souligné la nécessité d’adopter une nouvelle loi de programmation des finances publiques dès le printemps 2021 compte tenu du fait que la loi de programmation du 22 janvier 2018 constitue désormais une référence dépassée, qu’il s’agisse du scénario macroéconomique ou de celui de finances publiques.
Dans son rapport sur « La réforme du cadre organique et de la gouvernance » des finances publiques de novembre 2020, la Cour des comptes a constaté, quant à elle, que « les objectifs fixés par les cinq lois de programmation adoptées depuis 2008 n’ont que rarement été atteints, même dans les périodes où la croissance économique était proche de son niveau potentiel ».
C – L’avis de la Commission européenne
Le 18 novembre 2020, la Commission a considéré que tous les projets de plan budgétaire (PPB) des États membres de la zone euro pour 2021 étaient « globalement conformes aux recommandations du Conseil du 20 juillet 2020 ». « La plupart des mesures prévues soutiennent l’activité économique dans un contexte de très forte incertitude »5.
Mais la Commission de Bruxelles s’est inquiétée de l’impact des mesures de relance sur les finances publiques dans quatre pays de la zone euro dont la France. En effet, dans son avis sur les PPB des États membres de la zone euro pour 2021, elle a souligné que « certaines mesures présentées dans les projets de plan budgétaire de la France, de l’Italie, de la Lituanie et de la Slovaquie ne semblent pas temporaires ni accompagnées de mesures de compensation » et pèseront de manière pérenne sur leurs finances publiques. Ainsi, le commissaire européen à l’économie, Paolo Gentiloni, a observé que la France « veut réduire ses impôts de production, ce qui en soi est une bonne chose mais représente une dépense récurrente »6.
La Commission a invité les 19 pays de la zone euro « à réorienter leurs politiques budgétaires vers des positions prudentes à moyen terme, une fois que les conditions épidémiologiques et économiques le permettront ». Selon le commissaire européen à l’économie, Paolo Gentiloni, la question de la soutenabilité de la dette ne peut être écartée à moyen terme pour les pays qui comme la France étaient déjà très endettés avant la pandémie de Covid-19.
II – Les mesures fiscales intéressant les particuliers
La diminution de la taxe d’habitation pour les foyers les plus aisés constitue la principale mesure fiscale. Le durcissement du malus automobile assis sur les émissions de CO2, la prorogation du dispositif Madelin IR-PME ou encore du dispositif d’investissement locatif Pinel figurent parmi les autres mesures fiscales concernant les particuliers.
A – L’actualisation du barème des impôts
La loi de finances pour 2021 procède à l’indexation du montant des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu à hauteur de l’évolution des prix hors tabac de 2020 par rapport à 2019, soit 0,2 % (art. 2).
B – La simplification des modalités de versement des aides au logement
À compter de 2021, les aides au logement seront calculées et versées « en temps réel » sur la base des ressources actuelles et non plus de celles touchées 2 ans auparavant. Cette réforme cherche à rendre le versement des allocations logement plus réactif et juste, en particulier lors d’une baisse de revenus. La loi de finances instaure une contribution du groupe Action Logement au financement du Fonds national d’aide au logement (FNAL) pour un montant de 1 Md € en 2021 (art. 196). Le FNAL finance les aides au logement de 6 millions d’allocataires. La contribution du groupe Action Logement, qui sera versée au plus tard le 16 mars 2021, sera liquidée, ordonnancée et recouvrée selon les modalités prévues pour les recettes des établissements publics administratifs de l’État.
C – La poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur les résidences principales
La loi de finances pour 2021 vient acter la poursuite de la suppression progressive de la taxe d’habitation sur la résidence principale qui avait été engagée par la loi de finances pour 2018, une taxe locale qui a été supprimée pour 80 % des redevables en 2020. Pour les 20 % restants, c’est-à-dire les catégories les plus aisées, une suppression en trois étapes, étalée de 2021 à 2023, a été prévue. Pour les 20 % de ménages les plus aisés, l’allégement de la taxe d’habitation sur la résidence principale atteindra 30 % en 2021, puis 65 % en 2022. Cet allégement représentera en 2021 un manque à gagner de 2,4 Md € pour l’État. En 2023, plus aucun foyer fiscal ne devrait payer de taxe d’habitation. Le coût total de cette mesure a été estimé à 7 Md €. Seule la taxe d’habitation sur les résidences secondaires subsistera en 2023 et rapportera 6 Md € par an.
D – L’élargissement des bénéficiaires de MaPrimeRénov’
La loi de finances pour 2021 vient acter la transformation totale du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime, dite MaPrimeRénov’, qui est distribuée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) depuis le 1er janvier 2020. Le budget de MaPrimeRénov’ sera augmenté de 2 Md € sur 2021-2022.
Afin de soutenir la rénovation énergétique des logements, MaPrimeRénov’ sera ouverte à de nouveaux bénéficiaires. Elle sera ouverte aux propriétaires-occupants des déciles de revenus supérieurs ainsi qu’aux propriétaires-bailleurs de tous les déciles de revenus. Dans les deux cas, les ménages des déciles de revenus supérieurs ne seront éligibles à MaPrimeRénov’ que pour certains types de travaux et de dépenses financés jusqu’au 31 décembre 2022, avec un barème différencié des autres déciles de revenus7. La loi de finances introduit un seuil en deçà duquel la prime ne sera pas versée car son montant serait trop faible au regard des coûts d’instruction du dossier (art. 241).
E – La fiscalité environnementale
La loi de finances pour 2021 comporte plusieurs mesures de verdissement de la fiscalité dont certaines sont en lien avec les propositions de la convention citoyenne sur le climat. La fiscalité environnementale vient notamment renforcer les incitations en faveur de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la lutte contre l’artificialisation des sols.
1 – La hausse du malus automobile assis sur les émissions de CO2
La loi de finances abaisse en 2021 le seuil de déclenchement du malus automobile de 138 gCOE/km à 133 gCOE/km (art. 55). Ce seuil passera en 2022 à 128 gCO2/km, puis en 2023 à 123 gCO2/km, soit le chiffre proposé par la Convention citoyenne pour le climat (CCC). Le plafond du malus qui a été porté à 20 000 € en 2020 augmentera de 10 000 € en 2021, 2022 et 2023. Par conséquent, la pénalité pourra atteindre 50 000 € en 2023.
La loi de finances reprend un amendement gouvernemental adopté par l’Assemblée nationale en première lecture qui a pour objet de lisser la hausse du malus CO2 sur 3 années et non sur 2 années comme cela avait été prévu initialement, dans la mesure où le gouvernement souhaite compléter ce malus par « une composante assise sur la masse en ordre de marche du véhicule »8. En effet, le texte de l’amendement précise que « si l’objectif d’un abaissement de 15 grammes de CO2 recommandé par la CCC est cohérent au regard des objectifs environnementaux, sa mise en œuvre sur 2 ans, en complément de la composante masse, induirait une hausse de taxation trop brutale pour les véhicules concernés. Elle ferait ainsi courir le risque de ne pas permettre aux constructeurs et aux ménages de s’adapter et d’être considérée comme trop punitive ».
2 – L’instauration d’un malus lié au poids du véhicule
L’article 171 de la loi de finances instaure la taxe sur le poids des véhicules qui faisait partie des propositions de la convention citoyenne sur le climat (CCC). Cette taxe de 10 € par kilogramme ne concernera que les véhicules de plus de 1,8 tonne (contre 1,4 tonne dans la proposition de la CCC), à l’exception notamment des véhicules électriques ou hybrides rechargeables. Elle sera acquittée par le propriétaire du véhicule lors de sa première immatriculation en France et entrera en vigueur le 1er janvier 2022. « Le malus au poids que nous instaurons est un signal fort et nécessaire pour mieux prendre en compte l’empreinte écologique des véhicules les plus lourds » a indiqué la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili.
Dans sa décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions de l’article 171 de la loi de finances ne méconnaissaient pas les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques. Il a relevé que « le législateur a estimé que les véhicules de tourisme les plus lourds causent des nuisances environnementales spécifiques résultant de l’importance des consommations de matériaux et d’énergie que leur construction et leur usage nécessitent ainsi que de l’espace qu’ils occupent dans le trafic routier »9. Il a donc estimé que « le législateur a, dans le cadre de son action en faveur de l’environnement, entendu décourager l’acquisition de tels véhicules en renchérissant leur prix »10. En outre, pour le Conseil constitutionnel, si « certains véhicules hybrides électriques et les véhicules électriques ou à hydrogène » ne seront pas concernés par la nouvelle taxe, « cette différence de traitement est justifiée par la volonté du législateur d’éviter que cette taxe décourage l’achat de véhicules dont il estime l’empreinte environnementale globalement plus faible et dont il encourage, par ailleurs et pour ce motif, l’acquisition »11.
3 – La création d’un crédit d’impôt pour acquisition et pose d’un système de charge pour véhicules électriques
La loi de finances institue, à partir du 1er janvier 2021 et jusqu’au 31 décembre 2023, un crédit d’impôt spécifique destiné à l’acquisition et à la pose de systèmes de charge pour véhicules électriques (art. 53). Il est fixé à 75 % du montant des dépenses supportées pour l’acquisition et la pose de la borne de recharge, dans une limite de 300 € par borne de recharge. Les contribuables propriétaires, locataires ou occupants à titre gratuit d’un logement seront les bénéficiaires de ce nouveau crédit d’impôt. Ce dernier concernera aussi les dépenses effectuées dans les résidences secondaires, dans la limite d’une seule résidence par contribuable.
4 – L’adaptation de la taxe d’aménagement en vue de lutter contre l’artificialisation des sols
Le Conseil de défense écologique du 27 juillet 2020 a exprimé la volonté de diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols d’ici 2030. Dans cette optique, le législateur a prévu des mesures d’adaptation de la taxe d’aménagement (TA), laquelle s’applique à toutes les opérations soumises à autorisation d’urbanisme. L’article 141 de la loi de finances vient élargir l’utilisation de la part départementale de la TA affectée aux espaces naturels sensibles aux opérations de renaturation, c’est-à-dire de transformation en espaces naturels de terrains abandonnés ou laissés en friche. Il permet aussi d’exonérer de TA les places de stationnement intégrées au bâti dans le plan vertical ou aménagées au-dessus ou en dessous des immeubles.
5 – La suppression du versement pour sous-densité
L’article 155 de la loi de finances supprime le versement pour sous densité (VSD) qui cherche à limiter l’étalement urbain en taxant les nouvelles constructions qui n’atteignent pas un seuil minimal de densité de bâti. L’exposé des motifs de l’article 155 justifie l’abrogation du VSD, qui a été institué en même temps que la taxe d’aménagement, en raison de son « inefficacité à atteindre ses objectifs en matière de lutte contre l’étalement urbain » et de l’existence de « dispositifs plus efficients » figurant dans la loi de finances. La suppression de cette taxe d’urbanisme facultative, peu utilisée, s’inscrit dans le cadre du programme de suppression de taxes à faible rendement. Par ailleurs, la loi de finances vient transposer le cadre du transfert de la gestion des taxes d’urbanisme des directions départementales des territoires (DDT) à la direction générale des finances publiques (DGFiP).
F – La prorogation du prêt à taux zéro et du dispositif Pinel sur l’investissement locatif
La loi de finances permet la prolongation des deux principales aides à l’achat d’un logement que sont le prêt à taux zéro et le dispositif d’investissement locatif dit Pinel.
1 – La prorogation du prêt à taux zéro (PTZ)
Le gouvernement a fait adopter un amendement très attendu par les professionnels de la construction neuve qui prolonge le dispositif du PTZ pour une année supplémentaire, soit jusqu’au 31 décembre 2022 (art. 164). Le PTZ qui devait s’éteindre au 31 décembre 2021, constitue un outil important de soutien à l’accession à la propriété des ménages à revenus modestes et intermédiaires. Ce mécanisme qui a été institué par la loi de finances pour 2009 est aussi un « outil de soutien indirect à la construction de logements ». Pour limiter « les effets d’aubaine », le montant total des ressources du bénéficiaire sera apprécié à la date d’émission de l’offre de prêt12.
2 – La prorogation du dispositif d’investissement locatif dit Pinel
La réduction d’impôt en faveur de l’investissement locatif intermédiaire (dispositif Pinel), qui est prévue à l’article 199 novovicies du Code général des impôts, s’applique aux contribuables domiciliés en France qui acquièrent ou font construire des logements neufs ou assimilés ou qui souscrivent au capital de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) réalisant de tels investissements. Le gouvernement a fait adopter par l’Assemblée nationale un amendement permettant la prorogation de ce dispositif, « accompagnée de sa réduction progressive en 2023 et 2024, afin d’organiser la transition vers un dispositif plus efficient ». Le dispositif Pinel sera maintenu inchangé jusqu’en 2024 « pour les logements situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou qui satisfont des normes environnementales exemplaires »13. Le gouvernement devra remettre au Parlement, avant le 30 mars 2021, un rapport proposant des dispositifs de soutien au développement de l’offre de logement locatif intermédiaire, favorisant une implication accrue des investisseurs institutionnels (art. 168).
G – La prolongation du dispositif Madelin IR-PME
Le dispositif Madelin IR-PME ou réduction d’impôt IR-PME vise à encourager l’investissement dans les PME. Il ouvre droit, en cas de souscription au capital d’une PME, à une réduction d’impôt au taux majoré de 25 %. La hausse de 7 points du taux de cette réduction d’impôt dite Madelin, de 18 % à 25 %, a été décidée par la loi de finances pour 2018. Afin d’inciter les particuliers à investir dans les PME pour lesquelles le besoin en fonds propres s’est accru avec la crise économique liée à la pandémie de Covid-19, l’Assemblée nationale a adopté un amendement qui a prolongé d’un an, jusqu’au 31 décembre 2021, le taux bonifié de 25 % de l’IR-PME (art. 110). Cette prorogation sera subordonnée à l’autorisation de la Commission européenne.
III – Les mesures fiscales intéressant les entreprises
La loi de finances pour 2021 comporte de nombreuses dispositions visant à renforcer la compétitivité des entreprises. Elle marque notamment un tournant important pour la fiscalité des entreprises avec la baisse des impôts de production. Elle présente aussi diverses mesures fiscales visant à soutenir la trésorerie des entreprises. Par ailleurs, les entreprises bénéficiant des crédits du plan de relance auront de nouvelles obligations en matière écologique, de parité et de gouvernance.
A – La baisse des impôts de production
Les impôts de production payés par les entreprises sont souvent présentés comme les plus nocifs pour ces dernières. Ils sont accusés de pénaliser fortement les marges des entreprises françaises dans la mesure où ils représentent plus de 3 % du PIB en France, alors que la moyenne européenne est de 1,6 %. Ils peuvent « expliquer, avec d’autres facteurs, la relative atrophie du secteur productif français, et en particulier des TPE et PME »14. Le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a souligné qu’ils « pèsent sur les entreprises avant même qu’elles aient réalisé 1 € de profit » et qu’ils « sont un obstacle aux implantations industrielles »15.
La baisse de la fiscalité de production a été au centre des débats lors de l’examen du budget 2021. Elle a été contestée par des parlementaires qui ont critiqué une « politique de l’offre » favorable aux « grandes entreprises » et ont réclamé des contreparties sociales ou écologiques aux entreprises16. Le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a fait valoir, quant à lui, que le gouvernement ne faisait que « rétablir l’équité fiscale entre la France et les autres pays de l’Union européenne »17. Il a défendu le choix d’une politique de l’offre consistant à privilégier l’investissement de long terme et le soutien aux entreprises18.
La loi de finances pour 2021 comporte plusieurs mesures permettant de diminuer le poids des principaux impôts de production. Il s’agit de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) acquittée par les entreprises. Ces impôts seront réduits de 10 Md € à partir du 1er janvier 2021, de façon pérenne. Plus précisément, il est prévu de réduire de moitié la CVAE, de diminuer de 1,75 Md € la TFPB et de 1,5 Md € la CFE.
Il est à noter que la piste d’une nouvelle baisse de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), qui est actuellement acquittée par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 19 M €, n’a pas été retenue, alors que ce prélèvement a été présenté comme l’impôt sur la production le plus nocif19.
La baisse des impôts de production, mesure phare du plan de relance, bénéficiera notamment « aux entreprises industrielles, qui représentent 14 % de la valeur ajoutée nationale, et facilitera la croissance des PME et ETI, principales sources de création d’emplois dans les territoires »20.
1 – La réduction de moitié des impôts fonciers des établissements industriels
La cotisation foncière des entreprises (CFE) est un « impôt communal ou intercommunal » reposant sur une assiette foncière. La taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui est perçue par les communes et les EPCI, est due par les entreprises propriétaires ou ayant un droit équivalent (usufruitier). L’article 29 de la loi de finances modernise les taux d’intérêt applicables au prix de revient des différents éléments des établissements industriels21. Ce faisant, il permet une réduction de moitié de la valeur locative de ces établissements et donc une réduction de moitié de la CFE et de la TFPB dues par les entreprises industrielles. Le législateur a prévu une compensation pour les collectivités territoriales par l’instauration d’un prélèvement sur les recettes de l’État.
2 – La suppression de la part régionale de CVAE
La CVAE est un impôt dont le produit est partagé entre le « secteur communal », les départements et les régions. Elle est la composante la plus importante de la contribution économique territoriale (CET). La loi de finances a prévu d’abaisser à compter de 2021 le taux de CVAE à hauteur de la part affectée à l’échelon régional, soit 50 % (art. 8). La CVAE régionale sera remplacée par une fraction de TVA affectée aux régions. Cette mesure de compensation a été négociée dans le cadre d’un « accord de méthode » qui a été signé le 30 juillet 2020 entre l’État et les régions.
3 – L’ajustement du taux de plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée
La contribution économique territoriale (CET) qui est composée de la CFE et de la CVAE, est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite. Toutes les entreprises qui sont redevables de la CET sont potentiellement éligibles à son plafonnement si son montant est supérieur à 3 % de la valeur ajoutée produite par l’entreprise. La loi de finances prévoit d’abaisser le taux de plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée de 3 % à 2 % afin d’éviter que tout ou partie du gain, pour les entreprises, de la baisse de la CVAE et des impôts fonciers ne soit neutralisé par le plafonnement (art. 8).
4 – L’exonération facultative de CFE en cas de création ou d’extension d’établissement
Les communes et les EPCI à fiscalité propre pourront décider d’accorder aux entreprises nouvellement créées ou qui réalisent des investissements fonciers une exonération temporaire de CFE (art. 120). Cette exonération sera applicable aux créations et extensions intervenues à compter du 1er janvier 2021. Ce dispositif destiné à favoriser les investissements fonciers productifs des entreprises viendra prolonger de 3 ans la durée au cours de laquelle les créations et extensions d’établissement ne sont pas prises en compte pour l’établissement de la CFE.
B – Les dispositions concernant l’impôt sur les sociétés
La loi de finances pour 2021 a confirmé la trajectoire de baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) qui a été engagée par la loi de finances pour 201822. Il s’agit de ramener progressivement pour l’ensemble des entreprises le taux normal de l’IS au niveau de la moyenne européenne. La baisse du taux de l’IS constitue un élément essentiel des décisions d’investissement des entreprises.
En 2021, le taux de l’IS passera à 26,5 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 250 M € et à 27,5 % pour celles dont le chiffre d’affaires est égal ou supérieur à 250 M €. En 2022, le taux normal de l’IS sera abaissé à 25 % pour toutes les entreprises sans exception. En 2021, le rendement de l’IS, qui est affecté intégralement au budget général de l’État, devrait atteindre 37,8 Md €23.
Par ailleurs, la loi de finances étend le bénéfice du taux réduit d’IS aux petites et moyennes entreprises (PME) dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 M €, au lieu de 7,63 M € actuellement (art. 18). En effet, jusqu’à présent, seules les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 M € et qui remplissent des conditions relatives à la détention de leur capital bénéficiaient en matière d’IS du « taux réduit PME » de 15 % sur les 38 120 premiers euros de bénéfice. Ce relèvement du plafond de chiffre d’affaires pour l’éligibilité au taux réduit d’IS s’appliquera aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2021. Cette mesure adoptée pour soutenir les PME permettra en outre « d’aligner le plafond prévu pour le taux réduit d’IS sur le plafond de chiffre d’affaires retenu pour la définition des petites entreprises »24.
C – Les mesures visant à renforcer le niveau de trésorerie des entreprises
1 – La neutralisation fiscale de la réévaluation libre des actifs
La réévaluation libre des actifs est autorisée par l’article L. 123-18 du Code de commerce pour les exercices ouverts depuis 1984. Il s’agit d’une opération comptable permettant aux entreprises d’offrir une image plus fidèle de leur patrimoine, en actualisant la valeur des éléments d’actifs immobilisés. Elle leur donne la possibilité de renforcer leurs capitaux propres. La loi de finances pour 2021 introduit un nouveau régime temporaire et optionnel de neutralisation des conséquences fiscales des réévaluations libres d’actifs des entreprises (art. 31). Il permettra d’étaler l’imposition résultant de telles opérations sur une durée de 5 ans ou 15 ans selon la nature du bien. Ce dispositif optionnel s’appliquera à la première opération de réévaluation constatée au terme d’un exercice clos à compter du 31 décembre 2020 et jusqu’au 31 décembre 2022.
2 – L’étalement de la plus-value réalisée lors d’une opération de cession-bail d’immeuble par une entreprise
Afin d’améliorer la trésorerie des entreprises, la loi de finances rétablit le dispositif d’étalement de la plus-value de cession d’un immeuble dans le cadre d’une opération de cession-bail prévu à l’article 39 novodecies du Code général des impôts (art. 33). Ce dispositif a été initialement mis en œuvre à la suite de la crise financière de 2008. La seconde loi de finances rectificative pour 2009 a instauré un régime d’étalement de l’imposition des plus-values constatées lors d’opérations de cession-bail d’immeubles réalisées entre le 23 avril 2009 et le 31 décembre 2010. Ce dispositif a été ensuite reconduit pour 2 ans par la loi de finances pour 2011.
L’opération de cession-bail consiste pour une entreprise propriétaire d’un bien immobilier à le vendre à une société de crédit-bail immobilier (crédit-bailleur). L’entreprise prend alors cet immeuble en crédit-bail et devient locataire (crédit-preneur). Le contrat de crédit-bail est assorti d’une option d’achat qui permet à l’entreprise cédante de racheter son immeuble, en cours ou à l’issue du contrat. Cette technique de financement présente l’intérêt de donner la possibilité au cédant devenu crédit-preneur de conserver la jouissance de l’immeuble tout en restaurant sa trésorerie. « L’opération lui permet ainsi d’obtenir rapidement des liquidités, ce qui, dans le contexte actuel, peut être particulièrement utile aux entreprises »25.
Le dispositif prévu par la loi de finances pour 2021 concernera les entreprises propriétaires d’immeubles affectés à leur activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Il s’appliquera aux cessions d’immeubles réalisées à compter du 1er janvier 2021 jusqu’au 30 juin 2023, et précédées « d’un accord de financement accepté par le crédit-preneur à compter du 28 septembre 2020 et au plus tard le 31 décembre 2022 ».
3 – La suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices pour les entreprises non adhérentes à un organisme de gestion agréé
Il convient de rappeler que jusqu’à l’imposition des revenus de l’année 2005, un abattement de 20 % était pratiqué sur les revenus d’activités indépendantes commerciales, artisanales, libérales ou agricoles réalisés par des contribuables soumis à un régime réel d’imposition en contrepartie de l’adhésion à un organisme de gestion agréé (OGA). Cet abattement de 20 % a été intégré dans le barème de l’impôt sur le revenu à compter de l’imposition des revenus de 2006.
Pour les revenus passibles de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices non commerciaux ou des bénéfices agricoles, une mesure de correction a pris la forme d’une majoration de 1,25 du bénéfice imposable lorsque leurs titulaires sont soumis à un régime réel d’imposition et ne sont pas adhérents d’un OGA. Cependant, plusieurs dérogations à la majoration ont été mises en place. Ainsi, les contribuables qui font appel aux services d’un professionnel de l’expertise comptable sont dispensés de cette majoration.
L’article 34 de la loi de finances pour 2021 met un terme de manière progressive à cette règle de majoration « qui ne se justifie plus aujourd’hui au regard des pratiques comptables des entreprises »26. Cette suppression, qui s’inscrit dans le cadre de la simplification du régime fiscal des professionnels, bénéficiera aux petites entreprises. La majoration sera d’abord réduite pour l’imposition des revenus perçus au titre des exercices 2020 à 2022 avant d’être définitivement supprimée à compter de l’imposition des revenus de l’année 2023.
4 – La création d’un régime de groupe de TVA
L’article 162 de la loi de finances instaure un régime de groupe TVA pour des entreprises qui sont étroitement liées entre elles sur le plan financier. Il transpose dans le droit français l’article 11 de la directive n° 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de TVA. Cet article 11 prévoit « qu’après consultation du comité consultatif de la taxe sur la valeur ajoutée (…), chaque État membre peut considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur le territoire de ce même État membre qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les plans financier, économique et de l’organisation ».
Le mécanisme de l’assujetti unique constitue un instrument de modernisation de la TVA permettant d’assurer une meilleure neutralité économique de cet impôt sur les choix organisationnels des groupes. Il est déjà appliqué par 20 États membres de l’Union européenne. La constitution d’un assujetti unique sera facultative et offerte à tous les secteurs d’activité économique. Les assujettis ayant opté pour constituer un assujetti unique désigneront l’un d’entre eux comme tête de groupe afin de remplir l’ensemble des obligations liées à la TVA et procéder au paiement dont ils resteront solidairement tenus. Le groupe sera obligatoirement constitué pour une durée minimale de 3 ans.
L’article 162 de la loi de finances énumère certaines entités pour lesquelles l’existence de liens financiers est considérée comme établie alors même que la condition de droit commun d’existence de liens financiers tenant à la détention d’une majorité du capital ou des droits de vote n’est pas satisfaite.
Ce nouveau dispositif qui aura un impact sur la trésorerie des groupes, est codifié à l’article 256 C du Code général des impôts. Il n’entrera en vigueur qu’à compter du 1er janvier 2022 pour permettre l’exercice de l’option avant le 31 octobre 2022, en vue d’une application au 1er janvier 2023.
D – L’aménagement du crédit d’impôt recherche et du crédit d’impôt innovation
Le crédit d’impôt recherche (CIR) est une mesure fiscale de soutien aux activités de recherche et développement (R&D) des entreprises qui leur permet de bénéficier d’un crédit d’impôt proportionnel aux dépenses de R&D. Le crédit d’impôt innovation (CII) est quant à lui un dispositif d’aide aux entreprises innovantes instauré par la loi de finances pour 2013. Il complète le CIR et a pour objectif de soutenir les PME qui engagent des dépenses spécifiques pour innover.
La loi de finances harmonise les modalités de prise en compte des dépenses relatives à des opérations de recherche confiées à des organismes tiers pour le calcul du CIR en alignant les dispositions relatives aux opérations confiées aux organismes publics sur celles prévues pour les organismes privés (art. 35). Dans le calcul des dépenses entrant dans le champ du CIR, le dispositif de doublement d’assiette pour la sous-traitance d’opérations de R&D à des organismes publics, qui avait été instauré en 2004 dans le but d’inciter à la synergie entre recherche publique et recherche privée, est supprimé.
Par ailleurs, la loi de finances supprime la possibilité d’adresser des demandes de rescrit en matière de CIR à des organismes autres que le ministère chargé de la Recherche.
Enfin, le taux du CII pour les exploitations situées en Corse sera, au titre des dépenses exposées à compter du 1er janvier 2020, de 35 % pour les moyennes entreprises et de 40 % pour les petites entreprises (art. 35).
E – Le crédit d’impôt pour la rénovation énergétique des locaux des PME
Les députés ont adopté par voie d’amendement en première lecture un crédit d’impôt temporaire en faveur des PME pour les dépenses de travaux de rénovation énergétique de leurs bâtiments à usage tertiaire engagées entre le 1er octobre 2020 et le 31 décembre 2021 (art. 27). Les travaux ouvrant droit à l’avantage fiscal porteront en particulier sur des opérations d’isolation thermique ou sur l’installation de systèmes de chauffage, de refroidissement et de ventilation des locaux. Le montant du crédit d’impôt sera de 30 % des dépenses éligibles, dans la limite de 25 000 € par entreprise.
F – Le crédit d’impôt en faveur des bailleurs consentant des abandons de loyers aux entreprises locataires
Les bailleurs, personnes physiques ou morales de droit privé, pourront bénéficier d’un crédit d’impôt au titre des abandons ou renonciations définitifs des loyers hors taxes et hors accessoires échus au titre du mois de novembre 2020, lorsqu’ils sont afférents à des locaux situés en France et consentis, au plus tard le 31 décembre 2021, au profit d’entreprises locataires (art. 20). Ces dernières doivent remplir les conditions suivantes : louer des locaux faisant l’objet d’une interdiction d’accueil du public ou exercer leur activité principale dans un secteur particulièrement impacté par la crise sanitaire, employer moins de 5 000 salariés, ne pas être en difficulté au 31 décembre 2019 au sens de la réglementation européenne, et ne pas être en liquidation judiciaire au 1er mars 2020. Le crédit d’impôt sera égal à 50 % de la somme totale des abandons de loyers. Le montant total de ces abandons de loyers ne pourra excéder un plafond de 800 000 €.
G – La suppression du caractère obligatoire de l’enregistrement de certains actes de sociétés
Les sociétés doivent actuellement déposer leurs actes auprès des services des impôts pour l’exécution de la formalité de l’enregistrement, puis auprès des greffes des tribunaux de commerce pour l’inscription au registre du commerce et des sociétés. Afin d’alléger la charge des sociétés, la loi de finances pour 2021 supprime l’enregistrement obligatoire des actes de sociétés à très faible enjeu budgétaire et dont le périmètre est facilement identifiable par les usagers et les services de la direction générale des finances publiques. Les actes constatant des augmentations de capital, des réductions de capital, des constitutions de groupements d’intérêts économiques (GIE) et des amortissements de capital ne seront plus soumis à l’obligation d’enregistrement (art. 67). De plus, la loi de finances permet le dépôt des actes de sociétés au greffe du tribunal avant l’exécution de la formalité d’enregistrement au service des impôts, même lorsque celle-ci est obligatoire.
H – La garantie de l’État aux prêts participatifs des PME et ETI
Le ministre chargé de l’Économie est autorisé à accorder la garantie de l’État à des fonds d’investissement pour leurs investissements dans des prêts participatifs à des PME ou à des entreprises de taille intermédiaire (ETI) dont le siège est situé sur le territoire de la République française (art. 209). Le volume total d’encours des fonds bénéficiant de cette garantie ne pourra excéder un montant de 20 Md €. « La garantie s’exerce dans la limite d’une quotité, rapportée à l’encours total des fonds en bénéficiant, déterminée par décret et qui ne peut dépasser 35 % ».
IV – Les mesures favorisant le développement de l’actionnariat salarié
L’article 206 de la loi de finances étend aux ETI, c’est-à-dire les entreprises employant entre 250 et 5 000 salariés et ayant un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 Md €, l’exonération de la contribution de 20 % à la charge de l’employeur sur les attributions d’actions gratuites aux salariés. Cette exonération sera applicable aux ETI qui n’ont jamais versé de dividendes depuis leur création. Elle bénéficie actuellement aux PME qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création.
De plus, l’article 207 de la loi de finances exonère de forfait social pour les années 2021 et 2022, les abondements de l’employeur complétant les versements volontaires des salariés pour acquérir des actions de leur entreprise au sein de leur plan d’épargne salariale. Cette mesure cherche à inciter les salariés à « flécher leur épargne vers le renforcement des fonds propres des entreprises »27.
A – La modification du tarif d’achat de certains contrats photovoltaïques et thermodynamiques
L’article 225 de la loi de finances prévoit la réduction, pour les contrats conclus entre 2006 et 2010, du tarif d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil par des technologies photovoltaïques ou thermodynamiques. L’Assemblée nationale a estimé que la remise en cause exceptionnelle de ces contrats est justifiée au regard de leur rémunération excessive. Il s’agit effectivement « de corriger une rémunération excessive et de permettre une économie d’environ 300 à 400 millions d’euros par an, soit de 3 à 4 milliards d’euros d’ici l’échéance de ces contrats en 2030 »28.
Dans sa décision n° 2020-813 DC du 28 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a rejeté les critiques dirigées contre l’article 225 de la loi de finances qu’il a jugé conforme à la Constitution. Les saisissants faisaient notamment valoir que cet article portait atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues. Le juge constitutionnel a estimé que le législateur a souhaité mettre fin « aux effets d’aubaine dont bénéficiaient certains producteurs, au détriment du bon usage des deniers publics et des intérêts financiers de l’État, qui supporte les surcoûts incombant aux distributeurs »29. Il a aussi rappelé que dans le cas où les nouveaux tarifs seraient de nature à compromettre « la viabilité économique du producteur », il est prévu que, sur demande motivée du producteur et sous certaines conditions, les ministres chargés de l’Énergie et du Budget puissent fixer un niveau de tarif ou une date spécifique, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie. « Le Conseil constitutionnel en déduit que, compte tenu du motif d’intérêt général poursuivi et des garanties légales prévues par le législateur, l’atteinte portée par les dispositions contestées au droit au maintien des conventions légalement conclues n’est pas disproportionnée »30.
B – Les contreparties imposées aux entreprises bénéficiaires des aides du plan de relance
L’article 244 de la loi de finances prévoit un certain nombre d’obligations que les entreprises bénéficiant des crédits du plan de relance seront tenues de satisfaire. Il s’agit d’engager les entreprises « dans une démarche d’amélioration de leur performance extra-financière en matière écologique, de parité et de gouvernance »31. Le député (LREM) Alexandre Holroyd a précisé que le texte de l’article 245 n’a qu’« une vocation incitative et non coercitive » et ne vise pas à « sanctionner des entreprises qui sont déjà en difficultés »32.
En matière environnementale, les entreprises devront s’engager « à produire des avancées concrètes en matière de transparence de leur démarche de transition écologique ». Les sociétés employant plus de 50 salariés et qui ne sont pas soumises à l’obligation prévue à l’article L. 229-25 du Code de l’environnement, devront établir un bilan simplifié de leurs émissions de gaz à effet de serre avant le 31 décembre 2022. Par dérogation, celles employant entre 51 et 250 salariés sont tenues d’établir ce bilan simplifié avant le 31 décembre 2023. « Avec ce bilan simplifié, l’idée n’est pas de sanctionner les entreprises en retard dans la transition écologique mais de les accompagner en orientant les aides vers elles », a souligné le député Alexandre Holroyd33.
En matière de parité, les entreprises concernées devront publier les notes obtenues à l’index de l’égalité professionnelle. L’employeur pourra se voir appliquer la pénalité financière de droit commun prévue en cas de non-publication de l’indicateur global de l’index34.
Par ailleurs, le comité social et économique (CSE), qui est l’instance de représentation des salariés dans l’entreprise, sera consulté sur le montant, la nature et l’utilisation des aides obtenues par l’entreprise au titre du plan de relance. Le CSE devra en tirer les conséquences dans un avis distinct de celui qu’il rend chaque année sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
Force est de constater que l’article 244 de la loi de finances, issu d’un amendement du groupe LREM adopté par l’Assemblée nationale, n’a pas fait l’unanimité. Pour certains, il constitue une entrave aux entreprises alors que d’autres reprochent à ce dispositif d’être non contraignant dans son volet environnemental. La mise en œuvre des obligations instaurées par cet article fera l’objet de deux rapports remis au Parlement par le gouvernement. Le premier devra être remis préalablement au dépôt du projet de loi de finances pour 2022 tandis que le second devra lui être remis en amont du dépôt du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2022.
En conclusion, le budget 2021 apparaît comme un « budget hors-norme » qui a dû être réajusté à plusieurs reprises afin de revoir « les perspectives macroéconomiques » ; un budget qu’il faut voir selon le député Laurent Saint-Martin, rapporteur général de la commission des finances, comme un « investissement » qui « doit permettre de générer de la croissance ». Ce budget marqué par les conséquences économiques de la crise sanitaire et centré sur le plan de relance, se caractérise notamment par la baisse des impôts de production et la poursuite des baisses d’impôts engagées par la loi de finances pour 2018.
Notes de bas de pages
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1.
Cons. const., 28 déc. 2020, n° 2020-813 DC : JO n° 0315, 30 déc. 2020, texte n° 2.
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2.
L. n° 2020-1721, 29 déc. 2020 : JO n° 0315, 30 déc. 2020, texte n° 1.
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3.
V. compte rendu du Conseil des ministres, 28 sept. 2020.
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4.
Avis n° HCFP-2020-5, 23 sept.2020, relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2021 : JO n° 0237, 29 sept. 2020, texte n° 67.
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5.
Commission européenne, « Semestre européen – paquet d’automne : soutenir une reprise durable et inclusive dans un contexte de grande incertitude », 18 nov. 2020.
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6.
Gentiloni P., « On pourrait imaginer de nouvelles mesures d’urgence », Le Monde, 19 nov. 2020.
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7.
V. l’amendement n° II-885 sur le projet de loi finances, déposé le 22 oct. 2020 par le gouvernement (https://lext.so/_ihUue).
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8.
V. l’amendement n° I-2961 sur le projet de loi finances, déposé le 16 oct. 2020 par le gouvernement (https://lext.so/fdxetl).
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9.
Cons. const., 28 déc. 2020, n° 2020-813 DC, cons. 22.
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10.
Cons. const., 28 déc. 2020, n° 2020-813 DC, cons. 22.
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11.
Cons. const., 28 déc. 2020, n° 2020-813 DC, cons. 23.
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12.
V. l’amendement n° II-3516 sur le projet de loi finances, déposé le 7 nov.2020 par le gouvernement (https://lext.so/y5Vorz).
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13.
V. l’amendement n° II-3646 sur le projet de loi finances, déposé le 13 nov.2020 par le gouvernement (https://lext.so/mtiYsS).
-
14.
V. « Les impôts sur (ou contre) la production », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 53, juin 2019, p. 1.
-
15.
V. Les Échos, 25 août 2020.
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16.
V. « L’Assemblée nationale adopte le premier volet du budget 2021 », Le Monde.fr, 20 oct. 2020.
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17.
B. Le Maire, séance publique AN, 12 oct. 2020.
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18.
« Nous ne referons pas les erreurs des plans de relance de 1975, de 1981 qui ne reposaient que sur la demande » a déclaré Bruno Le Maire, le 28 septembre 2020, lors de la présentation de la loi de finances pour 2021.
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19.
V. « Les impôts sur (ou contre) la production », Les notes du Conseil d’analyse économique, n° 53, juin 2019, p. 7.
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20.
V. projet de loi de finances 2021, 28 sept.2020, p. 18.
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21.
V. projet de loi de finances pour 2021, 28 sept. 2020, p. 49.
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22.
V. J.-C. Zarka, « Quel budget pour la première année du quinquennat Macron ? », LPA 22 févr. 2018, n° 133j7, p. 6.
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23.
V. rapp. AN n° 3399, 8 oct. 2020, t I, p. 132.
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24.
V. l’amendement n° I-1125 sur le projet de loi finances pour 2021, déposé le 7 oct.2020 par le député (LREM) Laurent Saint-Martin (https://lext.so/6tcD52).
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25.
Projet de loi de finances pour 2021, 28 sept. 2020, p. 52.
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26.
Projet de loi de finances pour 2021, 28 sept. 2020, p. 54.
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27.
Communiqué de presse du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, 17 nov. 2020.
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28.
V. rapp. AN n° 3659, 11 déc. 2020, p. 755.
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29.
Cons. const., 28 déc. 2020, n° 2020-813 DC, cons. 40.
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30.
Communiqué de presse du Conseil constitutionnel, 28 déc. 2020.
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31.
V. l’amendement n° II-899 sur le projet de loi finances, déposé le 22 oct. 2020 par le groupe LREM (https://lext.so/57FCpt).
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32.
V. C. Gatinois, « À l’Assemblée, un plan de relance dans l’urgence », Le Monde, 27 oct. 2020.
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33.
V. M. Malhère, « Les contreparties au plan de relance au cœur d’un vif débat à l’Assemblée », Le Figaro, 25 oct. 2020.
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34.
V. l’amendement n° II-899 sur le projet de loi finances, déposé le 22 oct. 2020 par le groupe LREM (https://lext.so/57FCpt).