Yvelines (78)

Quelle régulation pour les meublés de tourisme dans les Yvelines ? L’exemple de la commune de Versailles

Publié le 24/10/2022
Location en meublé, Airbnb
4th Life Photography/AdobeStock

Les départements d’Île-de-France font face à un phénomène de développement inédit de la location de courte durée au risque de déséquilibrer le secteur hôtelier et de l’appauvrir. Les communes, les plus touristiques, comme celles de Versailles, y répondent par une politique de régulation de plus en plus volontariste.

La location de meublés touristiques consiste à la mise en location de manière répétée d’un local meublé destiné pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, le plus souvent à la nuitée, à la semaine ou au mois. Les locations meublées effectuées conformément à la loi du 6 juillet 1989, qu’il s’agisse d’un bail de douze mois ou de neuf mois pour des locations étudiantes ne sont pas soumises à la réglementation sur les meublés de tourisme. Le législateur établit une distinction entre les résidences principales qu’il est possible de louer un maximum de 120 jours par an et les résidences secondaires, auxquelles sont assimilés les investissements locatifs, qui ne sont soumis à aucun seuil, mais qui doivent respecter une réglementation exigeante.

Le marché des meublés de tourisme dans les Yvelines (78)

Loin de se limiter à Paris ou aux plus grandes métropoles française, la location de meublés touristique progresse fortement dans toute l’Île-de-France. Le phénomène est dopé par la progression de la plateforme Airbnb. La France représente le deuxième marché de la plateforme d’intermédiation locative. Et son arrivée en France en 2010 a coïncidé avec le développement des meublés de tourisme dans toute l’Île-de-France. En 2019, on recense environ 120 000 annonces sur le territoire francilien en 2019 (Les locations saisonnières en Île-de-France – État des lieux d’avant-crise, mai 2021, https://www.institutparisregion.fr/). Depuis la croissance d’Airbnb est forte en petite et moyenne couronne. Un phénomène logique selon les équipes d’Airbnb car la plateforme est un marché d’offres. Plus les logements sont nombreux sur une zone, plus la demande y augmente. Début 2020, avant la crise sanitaire, sans surprise Paris se taille la part du lion avec 64 % des annonces de location de meublés de tourisme en Île-de-France. La petite couronne regroupe, quant à elle, 21% de ces annonces et la grande couronne en totalise 15 %. Dans la grande couronne, le département des Yvelines qui centralise 4 % des annonces arrive en deuxième position derrière le département de Seine-et-Marne qui en totalise 6 % et devant celui de l’Essonne avec 3 % du total des annonces celui du Val-d’Oise qui en totalise 2 %.

Comment la commune de Versailles régule le marché des meublés de tourisme

Dans les départements Île-de-France, la location saisonnière peut avoir un poids relativement important dans un certain nombre de communes, notamment pour celles qui abritent des sites touristiques de grande envergure, comme c’est le cas de la commune de Versailles. Si ce phénomène peut constituer un moteur économique pour le territoire concerné, il comporte un risque de conséquences dommageables en réduisant l’offre locative classique et en constituant une concurrence pour le secteur hôtelier. L’activité de location saisonnière doit être déclarée à la mairie de la commune où est situé le bien. Afin de mieux réguler le marché du meublé de tourisme, nombre de communes ont mis en place un dispositif d’enregistrement des meublés touristiques, avec l’attribution d’un numéro devant figurer sur l’annonce. Face à la forte progression des meublés de tourisme, la commune de Versailles a ainsi choisi de durcir sa réglementation en 2017. Dans le cadre d’une délibération du conseil municipal de Versailles du 14 décembre 2017, la commune de Versailles a instauré une procédure d’enregistrement obligatoire pour tous les meublés de tourisme afin notamment de pouvoir dresser un état des lieux précis de ces meublés de tourisme et d’optimiser à sa régulation. Afin de clarifier les échanges entre les usagers loueurs de meublés touristiques et l’administration, l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme, modifié par la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, permet en effet aux communes de mettre en place la délivrance d’un numéro d’enregistrement. Le propriétaire bailleur doit également s’acquitter de la taxe de séjour.

Un marché en expansion à Versailles

« Il y a un manque à gagner pour l’hôtellerie et un risque d’assécher le marché immobilier classique dans une ville touristique comme Versailles », a expliqué Philippe Pain, président de l’Union des Métiers de l’Hôtellerie (UMIH) des Yvelines et conseiller municipal (MoDem) dans le cadre de cette délibération. Pour Alain Nourissier, adjoint (DVD) aux Finances « en 2015, il y avait une centaine d’appartements sur les plateformes de location, et sans doute 200 en réalité. En 2017, on est passé à 550, voire 700 si on estime ceux qui le font sans se déclarer ». Cette progression exponentielle a incité les élus à mieux encadrer ce phénomène. D’après les chiffres de la plateforme Airbnb, on recensait alors dans les Yvelines : 1 900 logements, avec 15 000 locataires l’été 2017, un chiffre en hausse de 50 % par rapport à 2016. Le stock de logements de particuliers proposés à la location dans le département connaît alors une croissance exponentielle puisqu’il a augmenté de 25 % entre 2016 et 2017. Le tarif moyen de 67 euros par nuit est légèrement inférieur par rapport à Paris intra-muros, où la moyenne est fixée à 70 euros par nuitée en 2017. Les biens y sont aussi assez différents. Les logements sont généralement plus grands, ils peuvent offrir terrasses jardins et piscines. On recense aussi nombres d’hébergements insolites : péniche, pigeonnier, aile de château, etc. Autre différence, les séjours sont plus longs dans le département des Yvelines (5 jours contre deux jours à Paris).

Un site dédié à la télédéclaration des meublés de tourisme

Afin de permettre aux usagers de se conformer à cette nouvelle réglementation, l’application de cette délibération a été progressive. Un téléservice dédié a été mis disposition dès janvier 2018 par la commune. Mais le numéro d’enregistrement n’a été rendu obligatoire qu’à compter du 30 juin 2018 pour poursuivre votre location sur les plateformes en ligne. Ce numéro d’enregistrement doit figurer dans les annonces en ligne, quel que soit le site ou l’application (sites spécialisés, petites annonces…), et dans les annonces sur papier. L’usage du numéro d’enregistrement s’applique dès le 1er jour de mise en location. Ce service de télédéclaration d’hébergement touristique informe sur le cadre légal et réglementaire applicable aux différents hébergements touristiques proposés dans des locaux à usage d’habitation sur la commune de Versailles. Il permet en outre aux propriétaires de procéder à la télédéclaration de leur hébergement touristique, de manière totalement dématérialisée et de recevoir un numéro d’enregistrement. Le fait de ne pas respecter cette procédure, c’est-à-dire de proposer à la location un meublé touristique sans numéro d’enregistrement, est passible d’une amende de 5 000 €. En outre, tout contrevenant à la réglementation de l’usage des locaux d’habitation sur la commune de Versailles s’expose aux sanctions prévues par le Code de la construction et de l’habitation et notamment au versement d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 € par local irrégulièrement transformé. Ce code prévoit également une peine d’emprisonnement d’un an et/ou d’une amende de 80 000 € pour fausses déclarations ou manœuvres frauduleuses visant à dissimuler ou tenter de dissimuler des locaux soumis à autorisation.

Une procédure de changement d’usage

Comme d’autres communes, notamment en Île-de-France, la commune de Versailles est touchée par un déficit de logements. Pour répondre à cette insuffisance, la loi du 24 mars 2014, dite loi ALUR, a introduit à l’article L. 631-7 du Code de la construction et de l’habitation, la procédure de changement d’usage des locaux destinés initialement à l’habitation. Cette procédure permet aux communes de mieux prendre en compte les objectifs d’équilibre entre habitat et commerce sur leur territoire et de mieux gérer l’insuffisance de logements. Depuis le 30 juin 2018 l’application de la procédure de changement d’usage est obligatoire dans la commune. Le changement d’usage correspond à l’acte de transformer un local d’habitation au profit d’un autre usage. Par exemple lorsque le logement n’est plus utilisé comme tel et est transformé en bureaux, locaux de professions libérales, commerces, etc. ou lorsque le logement fait l’objet d’une activité commerciale. C’est le cas des résidences principales louées plus de 120 jours par an comme des résidences secondaires dès le premier jour de location. Dans ces hypothèses, le propriétaire exerce une activité professionnelle.

Un mécanisme de compensation préalable

L’usage du bien immobilier change, il passe de logement à activité professionnelle. Or l’exercice d’une activité professionnelle ou commerciale dans un local affecté à l’habitation nécessite une autorisation préalable délivrée par la mairie. Premier cas : l’autorisation préalable temporaire, qui est un changement d’usage à titre personnel et n’est pas soumise à compensation. L’autorisation préalable temporaire est délivrée par la mairie pour une durée de 9 ans. Elle est attachée au propriétaire, il y est mis fin lors de l’arrêt de l’exercice du bénéficiaire et n’est pas cessible en cas de vente. Lorsque le changement d’usage est accordé, la ville délivre une autorisation préalable temporaire. Cette autorisation peut être délivrée quand le changement d’usage s’effectue pour le premier logement qualifié de résidence secondaire d’une même personne physique.

Dans les autres cas, il est nécessaire de solliciter une autorisation préalable définitive (soumise à compensation) qui consiste en un changement d’usage à caractère réel, attaché au logement. Il s’agit pour le propriétaire de proposer en compensation des locaux ayant un autre usage de même superficie et de les transformer en logement ou bien d’acheter un nouveau logement ou encore de faire l’acquisition d’un titre de commercialité. Lorsque le changement d’usage est accordé, la ville délivre une autorisation préalable définitive.

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