Réinventer le contrôle fiscal (volet II)
Faciliter la mise en conformité, rendre plus lisible et efficace les voies de recours, développer les rescrits et mieux accompagner les entreprises à l’international : Bercy vient de donner le top départ d’une vaste réforme du contrôle fiscal destinée à conférer davantage de sécurité fiscale aux entreprises.
Le 14 mars dernier, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a donné le top départ d’une réforme essentielle pour faciliter les relations entre Bercy et les entreprises et sécuriser les contrôles fiscaux.
Faciliter la mise en conformité
Cette réforme prévoit notamment un volet dédié aux demandes de mise en conformité. Une circulaire qui met en place un cadre clair et connu de tous, et un service dédié permettront de faciliter la possibilité, pour les entreprises, de procéder à la mise en conformité spontanée de leur situation fiscale. La circulaire signée du ministre de l’Action et des Comptes publics présentant ce dispositif est publiée sur le site impots.gouv.fr (https://www.impots.gouv.fr/portail/demandeconformitefiscale). Le service dédié a pour objectif d’assurer le traitement des déclarations rectificatives adressées dans un certain nombre de situations complexes. Il est placé au sein de la DGE et dispose d’une compétence nationale. Il constitue le point unique d’expertise des demandes de mise en conformité et est le garant d’un traitement conforme aux règles de droit commun et homogène sur l’ensemble du territoire. Toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, déposeront leurs demandes auprès de la DGE. Ce service est compétent pour traiter des demandes de mise en conformité concernant toutes les anomalies fiscales découvertes par les nouveaux détenteurs et repreneurs d’une entreprise, certaines problématiques fiscales internationales telles que l’activité en France constitutive d’un établissement stable non déclaré, la déduction de tout ou partie d’un prêt consenti par une société étrangère, les montages faisant l’objet d’une publication sur le site economie.gouv.fr, les montages impliquant des structures à l’étranger, certaines questions relatives à la fiscalité des dirigeants (pacte Dutreil, plus-value de cession de titres, régime des impatriés, les opérations susceptibles d’encourir l’application des sanctions fiscales les plus lourdes (majoration de 80 %).
Le service de mise en conformité fiscale appliquera une grille de pénalités connue à l’avance et non négociable. Ainsi, le taux de la pénalité pour manquement délibéré, qui peut être modulé par l’administration en application des règles de droit commun, sera fixé à 15 %. Les intérêts de retard seront, quant à eux, réduits de 40 %. Les entreprises connaîtront ainsi à l’avance les conditions de régularisation. Elles devront s’acquitter du paiement intégral des impositions éludées et non prescrites dans les conditions de droit commun ainsi que des pénalités et amendes correspondantes. Ce service n’est ouvert qu’aux demandes spontanées, c’est-à-dire à celles qui interviennent en dehors notamment de tout contrôle fiscal. Dans ce cas particulier en effet, d’autres procédures sont prévues, notamment la régularisation en cours de contrôle dont le champ a été élargi par la loi pour un État au service d’une société de confiance (dite loi ESSOC).
L’examen de conformité fiscale par un tiers de confiance
Afin de renforcer la sécurité juridique et fiscale des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés, il est prévu de leur permettre de recourir aux services d’un tiers certificateur. Ce dernier auditera certains des sujets fiscaux usuels et remettra aux entreprises une attestation de conformité après, le cas échéant, correction des anomalies par le dépôt d’une déclaration rectificative. Cette prestation sera réalisée par les commissaires aux comptes (CAC) en raison de leur rôle traditionnel de certificateur et de leur proximité avec les entreprises. Le dispositif pourrait être ouvert à d’autres professions dans un second temps, en fonction du bilan qui en sera effectué. Seuls certains sujets fiscaux usuels, pour lesquels il y a généralement convergence entre le droit fiscal et la comptabilité, pourront faire l’objet d’une certification. Les points suivants ont été identifiés : amortissements, charges, respect des règles d’exigibilité pour la TVA et le prélèvement à la source et respect de la chronologie des pièces de facturation, provisions. Les points concernés seront plus précisément définis à l’issue d’une concertation avec les représentants des CAC et des entreprises, et un chemin d’audit normalisé sera publié. Il ne s’agira pas, en revanche, d’une revue fiscale d’ensemble. Toutes les entreprises pourront avoir recours à ce dispositif. Cette prestation sera facturée par le tiers certificateur soit spécifiquement, soit de manière distincte si elle est englobée dans les factures existantes. En cas de contrôle et de rappel ultérieur sur un point validé par le tiers certificateur, une indemnité d’un montant égal au montant des honoraires payés à ce titre par l’entreprise sera mise à la charge du tiers certificateur. Cette indemnité s’ajoutera aux dispositions prévues par le droit commun de la responsabilité qui pèse le cas échéant sur le CAC. Pour l’entreprise qui a respecté les recommandations de son tiers certificateur, aucune pénalité et aucun intérêt de retard ne seront appliqués si l’administration remet en cause la position du certificateur. Cette mesure permettra à l’entreprise de réduire ses risques fiscaux et à l’administration fiscale d’alléger ses contrôles, en durée et en fréquence sur ces entreprises et donc de se concentrer davantage sur la lutte contre la fraude.
Améliorer dialogue et recours dans le contrôle
La loi ESSOC fait prévaloir une logique d’accompagnement et de conseil dans les relations entre l’administration et les contribuables de bonne foi. Elle a notamment amélioré leurs voies de recours en ouvrant la possibilité pour le contribuable de demander un recours hiérarchique dans le cadre d’un contrôle sur pièces et en étendant le champ de compétence de la Commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires. Plus généralement, la recherche des voies permettant un contrôle fiscal serein et efficace conduit à créer les moyens de régler le plus en amont possible les questions fiscales complexes communes aux entreprises, et à améliorer encore les voies de recours. Afin d’identifier les problématiques transversales dès leur apparition et de faciliter les prises de position de l’administration sur ces dernières en amont des contrôles, une instance de dialogue, réunissant l’administration et les organisations patronales représentatives, deux à trois fois par an, sera mise en place. L’ordre du jour sera arrêté de manière conjointe par l’administration et les organisations professionnelles, et l’administration apportera une réponse aux problématiques fiscales complexes abordées, qu’elle s’engage à respecter ensuite lors des contrôles. Les positions prises en contrôle sur des problématiques communes à un secteur économique ou un ensemble d’entreprises seront, elles aussi, rendues publiques, comme c’est déjà le cas pour les rescrits d’intérêt général. En cours de contrôle fiscal, en cas de désaccord, les contribuables, particuliers ou entreprises, pourront désormais saisir directement l’interlocuteur départemental dans tous les cas où le responsable hiérarchique direct du vérificateur a préalablement validé la proposition de rectification (c’est-à-dire notamment lorsqu’elle prévoit l’application des pénalités pour manquement délibéré ou pour manœuvres frauduleuses). Concrètement, il ne sera donc plus nécessaire de saisir le chef de service direct du vérificateur, le plus souvent, le chef de brigade, préalablement à la saisine de l’interlocuteur départemental. L’interlocution sera, toutes les fois que c’est possible et que l’affaire le justifie, confiée à une instance collégiale dont l’un des membres au moins n’aura pas précédemment eu connaissance du dossier. Ainsi, en pratique, l’interlocuteur désigné par le directeur pourra être assisté du responsable des affaires juridiques et du responsable d’une division du contrôle fiscal n’ayant pas visé le dossier, ou, dans les directions où il n’existe qu’une division du contrôle fiscal, par le responsable de la gestion fiscale.
La notion de garantie fiscale
La loi pour un État au service d’une société de confiance (loi ESSOC) renforce la sécurité juridique des entreprises faisant l’objet d’un contrôle fiscal sur le long terme et les conforte dans leurs décisions de gestion. Elle prévoit en effet que pour les vérifications et examens de comptabilité dont les avis seront adressés à compter du 1er janvier 2019, les points qui auront été examinés au cours du contrôle et qui n’auront pas donné lieu à rehaussement seront considérés comme ayant été tacitement validés par l’administration fiscale. Ces points devront toutefois être expressément mentionnés sur la proposition de rectification ou sur l’avis d’absence de redressement. Il est donc désormais prévu que le vérificateur indique sur les documents de procédure à l’issue du contrôle les points ayant donné lieu à un examen précis et qui n’ont pas donné lieu à rappel. En outre, l’administration fiscale recourra de plus en plus à des procédures de contrôle ciblées sur des points précis, portés à la connaissance de l’entreprise dès le début du contrôle. Dès lors, l’absence de rappel sur un des points cités dans « l’avis de vérification » entraînera ipso facto l’application de la garantie fiscale.
Améliorer la procédure de rescrits
L’administration fiscale entend se mobiliser pour les rescrits, cette procédure qui permet à tout contribuable de bonne foi qui en fait la demande de bénéficier d’une prise de position de la part de l’administration fiscale, qu’il peut opposer à celle-ci, relative à l’application des textes par rapport à sa situation particulière. Il s’agit d’un instrument essentiel de l’action de la DGFiP en faveur de la sécurité juridique pour les contribuables. La DGFiP délivre chaque année environ 18 000 prises de position formelles selon cette procédure sur des situations de fait présentées par des contribuables. Si la majorité de ces rescrits relèvent des services territoriaux (directions départementales des finances publiques) et sont délivrés dans des délais rapides, il n’en est pas de même pour les demandes plus complexes ou comportant les enjeux financiers les plus importants relèvent des services centraux de la DGFiP. L’administration fiscale entend améliorer le traitement de cette deuxième catégorie de rescrits. Pour clarifier l’organisation du traitement de ces demandes de rescrit, le service juridique de la fiscalité (SJF) de la DGFiP devient le point d’entrée unique de ces demandes pour l’administration centrale. Il procède à leur instruction et adresse la réponse au contribuable. S’il s’avère qu’il s’agit d’une question d’interprétation nouvelle, il sollicite l’expertise de la DLF. Afin d’accélérer l’instruction de toutes les demandes de rescrit général dans les meilleurs délais, un formulaire indiquant les principales informations à fournir est mis à la disposition des contribuables sur le site impots.gouv.fr/Les rescrits/Je demande un rescrit/Documentation utile/modèle de rescrit.
Les contribuables qui souhaitent des réponses rapides sont invités à joindre à leurs demandes l’ensemble des éléments d’analyse dont ils disposent pour éclairer l’expertise de l’administration, notamment les consultations juridiques internes et externes. La DGFiP se fixe pour objectif de répondre dans un délai de 3 mois à au moins 80 % des demandes de rescrit général tant en administration centrale qu’au niveau des services territoriaux. Un reporting public et régulier de l’atteinte de ces objectifs est mis en place. La DGFiP publie les rescrits de portée générale sous une forme anonymisée. Ils sont accessibles depuis le site www.impots.gouv.fr.
Afin de faciliter l’accès des usagers à ces rescrits de portée générale, une nouvelle série dédiée à la publication de rescrits, intitulée : « RES – Rescrits », a été créée dans la base documentaire BOFiP-Impôts. Les publications classées par impôt ou par catégorie de revenus, interviennent au fil des décisions et font l’objet d’un lien « actualité » en page d’accueil de BOFIP-Impôts. 13 rescrits sont actuellement en ligne et 17 publications nouvelles sont programmées pour les prochains mois, notamment sur les sujets suivants : l’éligibilité des PME au sens du droit de l’Union européenne au remboursement immédiat des créances de crédit d’impôt recherche, les conditions d’application de la retenue à la source prévue à l’article 182B du CGI en matière de travail à façon et de traitement au regard de la TVA des paris à cote fixe.
Sécuriser les relations avec les administrations fiscales étrangères
Bercy entend également favoriser l’activité des entreprises à l’international pour lesquelles la maîtrise des risques fiscaux internationaux est un enjeu de compétitivité pour les entreprises. La DGFiP a déjà mis en place une offre de rescrit spécifique en matière internationale (rescrit établissement stable, accord préalable en matière de prix de transfert – APP) et un service dédié à l’élimination des doubles impositions (la mission d’expertise juridique et économique internationale – MEJEI). Ces dispositifs sont enrichis par de nouvelles initiatives. Une rencontre semestrielle sera organisée entre les services de la DLF et de la DGFiP et les représentants du monde économique (AFEP, MEDEF, conseillers du commerce extérieur, etc.), pour évoquer les questions relatives à la mise en œuvre des conventions, les difficultés rencontrées, présenter les évolutions possibles, etc. Les renégociations conventionnelles seront mises à profit par la DLF pour retravailler les articles aux définitions imprécises, dont l’application pose problème. Par ailleurs, la DLF consultera les acteurs économiques sur le programme triennal de conventions, le recueil d’informations et de besoins pays par pays en amont de l’ouverture de négociations nouvelles. En outre, afin de mieux accompagner les entreprises dans leurs relations avec les administrations fiscales étrangères, un guichet dédié est désormais ouvert à la DGFiP, rattaché au service juridique de la fiscalité, afin que les entreprises fassent part des difficultés rencontrées à l’international. Si nécessaire, la DGFiP contactera au plan technique ses homologues via le réseau diplomatique ou à l’occasion de rencontres internationales. En fonction des enjeux, l’administration assurera l’information des autorités françaises à l’occasion des déplacements en vue d’éventuelles interventions à haut niveau. Ce guichet international peut être contacté par courriel à [email protected] et par téléphone au 01 53 18 09 23.