Structurer l’activité mécénale : l’expérience réussie de la Fondation Essonne Mécénat

Publié le 28/11/2024
Structurer l’activité mécénale : l’expérience réussie de la Fondation Essonne Mécénat
Val Thoermer/AdobeStock

Intégrer le mécénat d’entreprise dans l’organisation de la collectivité territoriale : le modèle original adopté par le département de l’Essonne appelé à se généraliser ?

Le département de l’Essonne s’est doté en juin 2017 d’une fondation dédiée à la protection, à la restauration du patrimoine de l’Essonne ainsi qu’à l’acquisition d’œuvres d’art destinées à étoffer les collections des musées départementaux. Essonne Mécénat est la première fondation développée par un département, elle est abritée sous l’égide de la Fondation du Patrimoine.

Rechercher des modes de financement innovants et pérennes

La  création de la Fondation Essonne Mécénat s’est inscrite dans un contexte marqué par l’accroissement des charges d’entretien des domaines publics propriétés du département, dont un certain nombre de sites d’intérêt patrimonial majeur : les domaines de Chamarande, de Méréville, de Misery ou de Montauger, ou encore la Maison-atelier Foujita, le musée français de la Photographie à Bièvres, etc. Face à ces besoins croissants de financement, le modèle économique de la collecte par une souscription paraissait peu adapté. Le département était également préoccupé par l’avenir du domaine de Méreville qui devait être rénové et entretenu pour être ouvert au public, de manière pérenne. Enfin, il souhaitait que les habitants du département puissent davantage s’approprier le patrimoine essonnien.

Une fondation abritée

Le département a choisi de créer une fondation abritée sous l’égide de la Fondation du Patrimoine, lancée en juin 2017 sous le parrainage de Stéphane Bern. La fondation est administrée par un comité exécutif composé de sept élus départementaux, parmi lesquels le président du Conseil départemental, d’un représentant de la Fondation du Patrimoine et une personnalité qualifiée : un architecte des Bâtiments de France. La fondation peut percevoir des dons de particuliers ou d’entreprises mais aussi bénéficier de mécénat de compétences (ingénierie/ conseil en complément de l’intervention des équipes du département).

Trois rénovations achevées et des chantiers d’envergure en cours

Depuis sa création, Essonne Mécénat a collecté plus de 500 000 euros et finalisé trois projets :

– la restauration du Jeu de l’oie du Domaine départemental de Chamarande, dont il ne reste que trois exemplaires de ce type en France, rouvert au public en juin 2018,

– la rénovation du pont potager, une des anciennes fabriques paysagères du Domaine de Méréville inauguré à l’occasion des Journées du Patrimoine en 2022,

– le  Pont aux boules d’or, recréé par l’artiste Jean-Michel Othoniel d’après les plans originaux du Domaine de Méréville, inauguré en juin 2023.

D’autres projets sont en chantier :

– un nouvel espace muséal et l’acquisition de cinq œuvres pour la maison-atelier Foujita,

– la restauration hydro-écologique des bassins et miroirs d’eau de Méréville, et chantier de restauration du château qui a commencé au premier trimestre 2024. Le Conseil départemental de l’Essonne engagera bientôt un grand chantier de restauration du château du Domaine de Chamarande. À cette occasion, un appel aux dons sera lancé pour soutenir la restauration des étages en vue de doubler les espaces d’exposition.

Cibler les entreprises mécènes…

Essonne Mécénat oriente sa prospection vers les PME du territoire départemental. Les entreprises donatrices peuvent effectuer une contribution fléchée sur un projet ou un site, ou un don au titre de la fondation qui utilise les fonds récoltés selon les priorités définies par le conseil exécutif d’Essonne Mécénat et les avancées des projets en accord avec la volonté de l’entreprise. La fondation s’est dotée d’une nouvelle grille de contreparties pour les donateurs : visite de site, visite de chantier, cadeau lié à la nature du projet mécénal, prêt d’une œuvre d’art du Fonds départemental d’art contemporain, etc. et ce en fonction du montant de leur don. En outre, ces entreprises bénéficient d’avantages fiscaux en contrepartie de leurs dons. Le régime de droit commun mis en place pour les entreprises dans le cadre de la loi Aillagon de 2003 correspond à une réduction d’impôt sur les sociétés (IS) égale à 60 % des sommes données (CGI, art. 238 bis) dans la limite de 20 000 € ou de 5 ‰ du chiffre d’affaires lorsque ce dernier montant est plus élevé. En cas de dépassement de ce seuil ou si le résultat de l’exercice en cours est nul ou négatif, il est cependant possible de reporter l’excédent sur les cinq exercices suivants. Pour les grandes entreprises, le taux de réduction d’impôt est abaissé de 60 à 40 % pour les dons supérieurs à 2 millions d’euros par an.

… et les dons des particuliers

Les dons des particuliers permettent également de nourrir la collecte. En l’espace de quelque mois après sa création, la fondation a recueilli 50 000 euros de dons de particuliers. Leurs dons bénéficient également d’avantages fiscaux. Ils sont en effet déductibles de l’impôt sur le revenu (IR) des personnes physiques à hauteur de 66 % du montant du don dans la limite de 20 % du revenu imposable du donateur. Les dons ouvrent également droit à une réduction de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) à hauteur de 75 % du don dans la limite de 50 000 euros (le seuil est donc atteint avec un don de 66 666 euros), excepté pour les collectes de dons organisées en faveur de bâtiments privés protégés au titre des monuments historiques ou labellisés par la Fondation du Patrimoine.

Un modèle qui séduit

L’initiative a inspiré d’autres services du département dans la recherche de partenaires. Le département a ainsi noué des partenariats d’entreprise au service de sa politique culturelle, par exemple pour le festival Essonne en scène accueilli dans le parc du Domaine de Chamarande, hors du champ de la fondation. « Ces partenaires peuvent aussi se retrouver demain dans le cadre de la fondation : c’est un cercle vertueux qu’il s’agit de nourrir à partir de toutes les opportunités qu’offre l’action publique de la collectivité », souligne à cet égard Brigitte Vermillet, vice-présidente du Conseil départemental de l’Essonne en charge du patrimoine, de la stratégie et la valorisation des Domaines départementaux, présidente de la Fondation Essonne Mécénat. Le choix du département de se doter d’un véhicule juridique autonome, est « perçu comme source d’équilibre : il garantit aux donateurs une certaine « étanchéité » avec les décisions du conseil départemental – mais pour des projets qui sont bien priorisés par l’assemblée départementale » (Région Île-de-France, Commission Culture et communication, Avis n° 2023-25, Agir pour un mécénat culturel de proximité des entreprises franciliennes). Pour Fanny Malvezin, directrice du mécénat et des partenariats du département de l’Essonne « cette distinction permet aussi de bien séparer les relations entre la fondation perceptrice de dons d’entreprises locales, et le conseil départemental en tant qu’acheteur public ou attributaire de subventions ».

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