Succession et meubles meublants : forfait mobilier ou valeur d’inventaire

Publié le 07/08/2024
Succession et meubles meublants : forfait mobilier ou valeur d’inventaire
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Lors de l’évaluation des biens soumis aux droits de succession, Bercy admet que les biens meubles soient évalués suivant un forfait fixé à 5 % de la valeur des autres biens de la succession. Cependant les héritiers peuvent avoir intérêt à retenir une autre valeur. En outre, l’administration peut écarter le forfait de 5 %. Les œuvres d’art peuvent, quant à elles, bénéficier de dispositions spécifiques.

Si une succession comprend des biens meubles ils peuvent être évalués, selon un barème forfaitaire à hauteur de 5 % de l’ensemble des autres biens. Ainsi si la succession est constituée d’un bien immobilier, évalué à 500 000 €, les biens meublants cette résidence seront évalués, selon le barème forfaitaire de 5 %, à hauteur de 25 000 €.

La notion de meubles meublant

En application de l’article 534 du Code civil, les meubles meublants comprennent les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements comme les tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature. Les tableaux et les statues qui font partie des meubles d’un appartement, y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières. La législation fiscale établit en effet une distinction entre d’une part, les meubles meublants soumis aux dispositions de l’article 764 I du CGI et les bijoux, objets d’art ou de collection, soumis aux règles d’évaluation spécifiques de l’article 764 II du CGI.

Un tableau de maître peut être un meuble meublant

Un arrêt célèbre de la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 17 octobre 1995 dans l’affaire Tenoudji, à propos d’une toile de Poliakoff, a assimilé une peinture à un meuble meublant inclut dans le forfait de 5 % (Cass. com., 17 octobre 1995, n° 94-10196). À la suite de cet arrêt, Bercy a précisé que pour la détermination du régime d’évaluation des tableaux, deux catégories doivent être distinguées d’une part, les tableaux ayant le caractère de meubles meublants définis par l’article 534 du Code civil comme étant destinés à l’ornement d’un appartement et relevant des règles prévues par l’article 764-I du CGI et d’autre part les tableaux ayant le caractère d’objets d’art ou de collection. Ainsi les tableaux conservés dans un coffre, ou simplement entreposés dans un appartement ou tout autre local n’entreront pas dans la catégorie des meubles meublant. Précisions en outre que même si des tableaux de maître peuvent entrer dans la catégorie de meubles meublant, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont nécessairement inclus dans le forfait de 5 %. En effet, si l’administration fiscale apporte la preuve que la valeur des meubles meublants, y compris les tableaux, dépasse le chiffre du forfait de 5 %, elle peut écarter ce dernier (Cass. com., 3 mai 1995, n° 92-21836). Pour apporter la preuve contraire prévue à l’article 764 du CGI, peuvent notamment être utilisés à titre de présomptions, les énonciations de polices d’assurances, les estimations contenues dans un inventaire, même s’il est irrégulier au regard des prescriptions de forme de l’article 789 du Code civil, le prix d’acquisition à une date rapprochée de celle du décès, la cote des œuvres les plus connues telle qu’elle ressort d’ouvrages ou de revues spécialisées (Gazette de l’Hôtel Drouot, etc.).

Le cas particulier des objets d’art ou de collection

Les œuvres d’art bénéficient d’un régime fiscal spécifique. Le législateur s’est attaché à faciliter la détention d’œuvres d’art ainsi que leur transmission, que ce soit dans la sphère privée, en faveur de l’État au profit des collections nationales ou encore dans le cadre d’une action philanthropique. Seule difficulté : l’absence de définition de la notion d’œuvre d’art par la loi. En effet, en droit fiscal, la définition d’une œuvre d’art n’est abordée que dans le cadre de l’article 98 A de l’annexe III du Code général des impôts en matière de TVA. Ce texte dresse une liste limitative des biens d’occasion, des œuvres d’art, des objets de collection et d’antiquité issue de l’article 2 du décret n° 95-172 du 17 février 1995, dit décret Marcus. Y entrent notamment des tableaux, peintures et dessins, des statues et sculptures originales exécutées de la main de l’artiste mais aussi des objets d’antiquité de plus de cent ans d’âge comme les meubles anciens, produits des arts graphiques, bijoux ou encore les objets de collection. Dans cette dernière catégorie entrent par exemple : les fossiles, les manuscrits, les lettres ou les voitures anciennes.

Prix de vente publique ou valeur d’assurance

Lorsque dans la succession du défunt figurent des bijoux, pierreries, objets d’art ou de collection, ces objets bénéficient de dispositions spécifiques codifiées au II de l’article 764 du CGI. Leur valeur imposable ne peut, sous réserve du I de l’article 764 du CGI être inférieure à l’évaluation faite dans les contrats ou conventions d’assurances contre le vol ou contre l’incendie en cours au jour du décès et conclus par le défunt, son conjoint ou ses auteurs moins de dix ans avant l’ouverture de la succession, sauf preuve contraire. Les auteurs s’entendent des personnes dont le défunt était héritier, légataire universel ou à titre universel.

Conformément à la combinaison des I et II de l’article 764 du CGI, la valeur des bijoux, pierreries, objets d’art ou de collection est donc constituée, dans l’ordre de préférence par le prix net de la vente publique intervenue dans les deux ans du décès et en l’absence de vente publique, la plus élevée des valeurs figurant soit dans un acte estimatif de la valeur des biens à la date du décès, c’est-à-dire un inventaire, même non conforme aux dispositions de l’article 789 du Code civil, dressé dans les cinq ans du décès soit dans un contrat d’assurance contre le vol ou contre l’incendie, en cours au jour du décès, conclu par le défunt, son conjoint ou ses auteurs, moins de dix ans avant l’ouverture de la succession. Cependant les évaluations forfaitaires des objets précieux contenues dans les contrats multirisques habitation ne peuvent constituer la base légale d’évaluation prévue au II de l’article 764 du CGI que si elles concernent des bijoux, pierreries, objets d’art ou de collection à l’exception de tout autre objet précieux tel, notamment, un meuble meublant. Un contrat qui garantit à la fois des bijoux, pierreries, objets d’art ou de collection et d’autres biens pour une somme globale et sans estimation distincte contre le vol et/ou l’incendie peut toutefois être pris en compte au titre du II de l’article 764 du CGI, dès lors qu’une ventilation du capital assuré est faite par les parties sous le contrôle de l’administration. S’il existe plusieurs polices susceptibles d’être retenues, la valeur imposable est égale à la moyenne des évaluations figurant dans ces polices. Les héritiers et les légataires peuvent établir par tous modes de preuve compatibles avec la procédure écrite que la valeur réelle des biens considérés est inférieure à la valeur assurée. En l’absence de ces bases d’évaluation, la valeur de ces biens est établie conformément à la déclaration détaillée et estimative des parties.

Comment choisir entre plusieurs méthodes d’évaluation

Si le forfait mobilier fixé à 5 % est communément utilisé, pour Bercy, plusieurs modes d’évaluation sont possibles. En revanche, le contribuable n’est pas totalement libre de leur choix. Le I de l’article 764 du CGI prévoit, en effet pour l’imposition des meubles meublants, plusieurs modes d’évaluation qui sont, dans l’ordre de préférence : la vente publique, l’inventaire établi dans les formes prescrites par l’article 789 du Code civil et la déclaration estimative des parties, qui ne peut être inférieure à 5 % de l’ensemble des autres biens héréditaires. Les différentes bases légales d’évaluation s’appliquent par exclusion dans l’ordre de la loi, l’existence d’une vente publique exclut l’estimation contenue dans un inventaire et le forfait de 5 %. Il en est de même de l’inventaire vis-à-vis de ce forfait. Lorsqu’une partie seulement des meubles meublants a fait l’objet d’une vente publique, le prix de celle-ci constitue la base d’évaluation pour les biens vendus. Pour les autres biens, il convient de retenir l’estimation de l’inventaire. S’il n’en a pas été dressé, les redevables sont tenus de produire une déclaration estimative telle que la valeur de l’ensemble des meubles meublants ne soit pas inférieure au forfait de 5 %. La valeur de la propriété des meubles meublants est donc déterminée, sauf preuve contraire, par le prix exprimé dans les actes de vente lorsque cette vente publique a eu lieu publiquement dans les deux ans du décès. Le prix à retenir est le prix net de la vente, déduction faite des frais exposés pour y parvenir, qu’il s’agisse des frais légaux ou des frais facultatifs reconnus indispensables, s’il n’y a pas fraude et s’ils sont justifiés. Ces dispositions s’appliquent même en cas de vente partielle des meubles meublants, le surplus étant évalué d’après les autres modes d’évaluation, après ventilation, le cas échéant. À défaut de vente publique, la valeur des meubles meublants est déterminée par l’estimation contenue dans les inventaires, dressés dans les formes prescrites par l’article 789 du Code civil et dans les cinq ans du décès.

Quand l’inventaire s’impose

Pour répondre à ces conditions, l’inventaire doit reproduire les mentions prévues à l’article 789 du Code civil, être dressé par un notaire et être clos. Il doit aussi porter sur tous les objets mobiliers présents dans l’appartement tels que papiers et titres actifs ou passifs. L’administration peut, cependant critiquer l’évaluation résultant d’un inventaire en apportant la preuve contraire. Précisons que dans certains cas, il est obligatoire de réaliser un inventaire de succession, notamment lorsque l’un des héritiers est juridiquement protégé car il s’agit d’un enfant mineur ou d’un adulte sous tutelle ou curatelle en l’absence d’un héritier en raison de difficultés à le contacter au moment de la succession, ou lorsque les héritiers acceptent la succession à concurrence de l’actif net. Dans certaines, hypothèses, même lorsque cette démarche est facultative, la réalisation d’un inventaire peut s’avérer judicieuse. En effet, réaliser un inventaire permet de limiter les risques de litiges entre héritiers, en facilitant le partage des biens du défunt. Il en est de même lorsque la valeur réelle des biens meublants la résidence du défunt est inférieure au montant forfaitaire de 5 %.

Calcul du forfait de 5 %

À défaut de vente publique ou d’inventaire la valeur imposable des meubles meublants est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties. Elle ne peut être inférieure à 5 % de la valeur des autres biens de la succession. La méthode du forfait mobilier est retenue dans la majorité des cas. Mais elle n’est pas toujours avantageuse, notamment lorsque la succession comprend des biens mobiliers de faible valeur. Ce forfait a pour l’administration fiscale le caractère d’une double présomption d’existence et d’évaluation des meubles meublants. Il est ajouté d’office aux successions qui ne mentionnent pas de meubles meublants si la preuve contraire n’est pas apportée. Le forfait se calcule sur l’ensemble des valeurs mobilières, autres que les meubles meublants, et immobilières imposables en France. Cependant, les héritiers peuvent établir que la valeur du mobilier est inférieure au forfait de 5 % ou qu’il n’y a aucun mobilier. Cette preuve peut être apportée par un inventaire, y compris un inventaire non conforme à l’article 789 du Code civil. La circonstance que le défunt a toujours vécu à l’hôtel ou qu’il a vécu dans une communauté religieuse excluant la possession d’un mobilier personnel peut constituer la preuve de l’absence de meubles meublants. En revanche, le fait que le défunt était pensionnaire dans une maison de retraite ne fournit pas, à lui seul, la preuve de l’inexistence de meubles meublants. Toutefois, il doit être pris en considération s’il est corroboré par d’autres éléments tels que, notamment, l’attestation du directeur de l’établissement que le défunt utilisait les meubles de la maison de retraite, l’abandon de la location ou la cession du domicile antérieur.

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