TRACFIN : activité en hausse pour le service de renseignement français

Publié le 16/03/2023
TRACFIN, contrôle fiscal, renseignements
Feodora/AdobeStock

La cellule de renseignement financier française a exercé son activité dans un contexte marqué par la pandémie et le conflit Russo-Ukrainien. Un bilan d’activité en hausse pour les équipes de TRACFIN.

TRACFIN est la cellule de renseignement financier nationale et l’acteur central du dispositif français de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Le service de renseignement placé sous l’autorité du ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a publié son rapport le 27 juillet dernier. TRACFIN concourt au développement d’une économie saine en luttant contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Ses trois missions prioritaires portent sur la lutte contre la criminalité économique et financière, la lutte contre la fraude aux finances publiques et la défense des intérêts fondamentaux de la Nation. La lutte contre la fraude fiscale est entrée dans le périmètre de compétence de TRACFIN en 2009. Depuis, l’activité du service en la matière n’a pas cessé de croître.

Une activité en hausse en 2021

Dans le cadre de ses missions, TRACFIN recueille, analyse, enrichit et exploite tout renseignement propre à établir l’origine ou la destination délictueuse d’une opération financière. Ces renseignements proviennent des déclarations que les professionnels assujettis sont tenus, par la loi, de lui déclarer ou d’informations transmises par les administrations partenaires et les cellules de renseignements financiers étrangères. TRACFIN n’est en revanche pas habilité à recevoir et traiter les informations transmises par des particuliers. Les déclarations de soupçons des professionnels assujettis au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et contre le financement du terrorisme (LCB-FT) sont donc essentielles pour le fonctionnement de la cellule. À cet égard, l’année 2021 a marque une nouvelle forte hausse d’activité pour TRACFIN (+ 44 %), grâce à la participation active des professionnels déclarants financiers et non financiers : 160 952 déclarations de soupçon reçues des professionnels assujettis à la lutte anti-blanchiment : banques, assureurs, professionnels du droit, des jeux, de l’immobilier etc., ainsi que d’organismes publics, témoignant de la maturité du partenariat public-privé en la matière. En outre, TRACFIN a reçu en 2021 plus de 37 millions de notifications sur des dépôts ou retraits d’espèces supérieurs à 10 000 euros, cumulés sur un mois civil, qui lui sont adressés de façon automatique, comme le prévoient les textes de loi.

L’exploitation des renseignements

Pour exploiter les renseignements transmis, TRACFIN met en œuvre des moyens d’investigation divers : droit de communication, consultation de bases de données, techniques de renseignement. La cellule de renseignements transmet le résultat de ses investigations à l’autorité judiciaire, aux administrations partenaires, en particulier au sein des ministères économiques et financiers, des services de renseignement et de ses homologues étrangers. Si, à l’issue de ses investigations, le service met en évidence des faits susceptibles de relever du blanchiment d’une infraction punie d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou du financement du terrorisme, la loi prévoit que TRACFIN doit saisir le procureur de la République territorialement compétent par note d’information. Parallèlement, le service peut décider d’externaliser ses informations à d’autres destinataires visés par le code monétaire et financier et notamment aux autres services de la communauté du renseignement. Placée au cœur de l’écosystème préventif et répressif de la lutte contre la criminalité financière, la cellule de renseignements a transmis 3 242 notes d’informations et de renseignement à ses partenaires (autorité judiciaire, administrations, services de renseignement et cellules de renseignement financier étrangères). La qualité des investigations menées par TRACFIN est corroborée par les bons résultats obtenus lors de l’évaluation du dispositif LCB-FT français par le Groupe d’action financière (GAFI), dont les conclusions, rendues en mai 2022, témoignent notamment de la qualité du renseignement financier et de l’usage qui en est fait par TRACFIN. Ce bilan positif est à mettre au regard de la coopération de TRACFIN avec ses homologues, soit 167 cellules de renseignement financier de par le monde, dont la force collective constitue une réponse adaptée à la fraude financière internationale.

Une Task Force Russie

Les services de TRACFIN ont été mobilisés dans le cadre du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Le Service de renseignement a été le coordonnateur de la Task Force Russie, mise en place dès mars 2022 par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique et a permis, par son expertise et la qualité de ses analyses, de contribuer aux actions d’entraves et de sanctions administratives et judiciaires décidées dans le cadre de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. « Le travail conduit dans le cadre de la Task Force Russie a directement contribué à la définition des sanctions engagées contre la Russie à l’échelle de l’Union européenne », analyse Gabriel Attal, ministre délégué en charge des Comptes publics. Guillaume Valette-Valla, directeur de la cellule de renseignement financier depuis janvier dernier, a détaillé les missions de cette Task Force qui associe des représentants de l’administration fiscale et des douanes et a vocation à identifier les oligarques proches du pouvoir détenant des actifs en France afin qu’ils puissent être soumis aux sanctions européennes et que leurs avoirs soient gelés ou, le cas échéant, saisis.

Au total, 1 158 personnes physiques et 98 entités russes ont été identifiées et 1,186 milliard d’euros d’actifs ont été immobilisés en France, dont une cinquantaine de biens immobiliers. La Task Force travaille également à identifier de possibles infractions commises en France par ces oligarques. « Toute suspicion de blanchiment, sur le sol français, d’une infraction comme la fraude fiscale, l’escroquerie ou la dissimulation de l’identité du bénéficiaire effectif d’un bien fera l’objet d’une transmission à la justice », a précisé Guillaume Valette-Valla.

Lutte contre la fraude aux dispositifs d’aide Covid-19

TRACFIN s’est également illustré dans la lutte contre la fraude aux dispositifs d’urgence mis en place dans le cadre de la gestion de la crise de la Covid-19. Les fraudes au chômage partiel, au fonds de solidarité et au prêt garanti par l’État  (PGE) déjà observées en 2020 se sont poursuivies en 2021. Certains fraudeurs ont détourné de manière simultanée plusieurs de ces dispositifs. En 2021, TRACFIN a transmis plus de cinquante dossiers à l’autorité judiciaire. 36 de ces dossiers concerne concernant le détournement, à des fins frauduleuses, des dispositifs d’indemnisation du chômage partiel pour un enjeu financier total de 11,50 M€. 9 dossiers concernent des fraudes au fonds de solidarité, pour un enjeu financier total de 964 200 € et 7 dossiers concernent les prêts garantis par l’État (PGE) pour un enjeu financier total de 3,80 M€. Pour faciliter la suspension des versements en cas d’évacuation rapide des fonds, TRACFIN a également adressé à l’administration fiscale 107 notes d’information concernant le fonds de solidarité pour un enjeu total de 8 M€ et a collaboré avec l’Agence de service et de paiement (ASP), organisme chargé de verser l’aide au chômage partiel, sur 172 dossiers totalisant 16 M€. Par ailleurs, TRACFIN a exercé à plusieurs reprises son droit d’opposition, en application de l’article L. 561-24 du CMF, sur des opérations faisant l’objet de soupçons d’escroqueries aux dispositifs gouvernementaux de soutien à l’économie. Ce droit permet à TRACFIN de s’opposer à une opération financière suspecte en attente d’être réalisée, sur le fondement d’une déclaration de soupçon, d’une information reçue d’une administration ou d’un homologue étranger.

Lutter contre la fraude fiscale à l’échelle internationale

L’identification des acteurs de la finance offshore favorise la lutte contre l’évasion fiscale. TRACFIN joue à cet égard un rôle stratégique. La cellule est particulièrement active dans la lutte contre les circuits d’évasion fiscale complexe à l’échelle internationale. Dans la plupart des dossiers traités, TRACFIN constate le recours à des structures intermédiaires domiciliées dans des paradis fiscaux utilisées pour dissimuler l’identité des bénéficiaires effectifs. En 2021, TRACFIN a transmis 72 transmissions à la DGFiP portant sur de potentiels cas de fraude fiscale internationale. L’enjeu financier total de ces dossiers s’élève à 205 M€, soit une moyenne de 2,80 M€ par dossier. Le montant total des enjeux financiers a été multiplié par plus de deux en 2021 par rapport à 2020 (205 M€ contre 100,60 M€ pour 109 transmissions), confirmant la montée en gamme des investigations de TRACFIN lors de l’année 2021 sur le plan des enjeux financiers identifiés. TRACFIN est également engagé, aux côtés de la Direction nationale d’enquêtes fiscales et de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières  (DNRED), dans une Task Force « Renseignement Fiscal ». Chacun des services impliqués oriente ses capteurs sur les procédés de fraude internationale les plus complexes. Les travaux de cette Task Force ont mis au jour l’existence d’officines de défiscalisation ayant vocation à démarcher une clientèle française fortunée, depuis l’étranger ou depuis des relais nationaux, pour proposer la mise en place de montages juridiques complexes destinés à faciliter la dissimulation des avoirs.

Vigilance sur les cryptoactifs

Le cadre fiscal a été modifié pour simplifier la fiscalisation des plus-values perçues par les particuliers sur des opérations en cryptoactifs, dans le cadre de la loi de finances 2022. Il impose aux particuliers de déclarer les comptes d’actifs numériques ouverts en France comme à l’étranger lors de la déclaration de revenus et distingue les cessions d’actifs numériques à titre occasionnel des cessions à titre habituel, ainsi que l’activité de minage. Les signalements de TRACFIN portent principalement sur des soupçons d’évasion fiscale, d’absence de déclaration à l’administration fiscale ou de dissimulation de revenus et de donations. Il s’agit le plus souvent de particuliers qui reçoivent, sur leurs comptes bancaires français ou étrangers, des montants élevés en provenance de PSAN établis à l’étranger sans avoir informé l’administration fiscale de l’existence d’un compte ouvert auprès d’un PSAN et des plus-values associées. Les particuliers peuvent être résidents fiscaux français et expliquer avoir investi avec succès dans des cryptoactifs sans justifier l’origine des fonds perçus. Il peut également s’agir de non-résidents faisant transiter, par la France, des fonds issus de la conversion de cryptoactifs afin de dissimuler des revenus à leur pays de résidence. La sanction encourue est de 750 000 € d’amende par compte non déclaré et 125 € par omission ou inexactitude. Les informations reçues par TRACFIN tendent à démontrer un recours marginal aux cryptoactifs comme vecteur de contournement des droits de donation dans le cadre de donations entre membres d’une même famille.

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