Un nouveau modèle de relation de confiance
Bercy s’apprête à mettre en place une offre nouvelle d’accompagnement fiscal des entreprises centrée sur les enjeux économiques, baptisée Confiance Plus. En parallèle, elle travaille sur deux autres dispositifs destinés à sécuriser les entreprises, un guichet de régularisation et un mécanisme d’audit fiscal.
Partant du constat que les entreprises expriment le besoin d’une nouvelle relation avec l’administration fiscale leur offrant une plus grande sécurité juridique fondée sur un dialogue en amont, notamment au regard de la conduite de leurs opérations ou de leurs échéances déclaratives, Bercy prépare un nouveau dispositif d’accompagnement : Confiance Plus. L’administration fiscale envisage un déploiement opérationnel au cours de l’année 2019 à travers la signature des engagements de service et la mise en place de l’organisation administrative nécessaire pour les réaliser. Ce déploiement serait accompagné d’une communication active à l’égard des PME et ETI qui constitueraient son cœur de cible. En effet, le dispositif Confiance Plus sera particulièrement adapté aux besoins des entreprises de taille moyenne ou intermédiaire (ETI) car elles sont régulièrement confrontées à des problématiques nouvelles et complexes liées à certaines opérations ou du simple fait de leur croissance. Elles ont rarement l’expertise nécessaire en interne ou les moyens de recourir à un conseil pour y faire face. « Or leur développement est porteur d’enjeux économiques très importants pour le pays en termes de croissance et d’emplois, souligne Bercy. L’offre d’accompagnement Confiance Plus devrait permettre de répondre à ce besoin. Elle concentrerait les moyens que l’administration pourrait consacrer à un accompagnement personnalisé sur les entreprises les plus susceptibles d’être créatrices de croissance et d’emplois ». Le dispositif à venir tire les enseignements de l’expérimentation de la relation de confiance expérimentée depuis 2013 qui a montré l’intérêt prioritaire d’une offre d’accompagnement ciblée sur les problématiques stratégiques des entreprises, avec l’investissement en moyens qu’elle supposerait de part et d’autre. Cette expérimentation s’est révélée très exigeante en temps et en moyens humains, d’où le choix de Bercy de recentrer le nouveau dispositif sur certains sujets proposés par les entreprises.
L’expérimentation de la relation de confiance
La relation de confiance, telle qu’elle a été conçue en 2013 a constitué une forme innovante de coopération entre Bercy et les entreprises. Il s’agissait d’accompagner, en amont, l’entreprise dans ses processus déclaratifs pour l’ensemble des impositions relevant de la DGFiP. L’administration et l’entreprise menaient ainsi une revue complète des options et obligations fiscales de cette dernière, fondée sur les principes de transparence et de coopération. Cette revue se concluait par un avis qui engageait l’administration fiscale. Pour les entreprises, la « relation de confiance » offrait une meilleure visibilité des résultats financiers et des risques de contentieux en matière fiscale sur la base d’une prise de position formelle et précoce de l’administration. Elle permettait ainsi à l’entreprise de connaître le plus rapidement possible la position de l’administration sur ses options fiscales, d’évaluer pour les besoins de l’établissement de ses comptes, les conséquences financières de cette position, de réduire le coût de gestion interne résultant d’une opération de contrôle pouvant se dérouler deux à trois ans après la clôture d’un exercice et nécessitant des recherches documentaires ou des traitements informatiques mobilisateurs de moyens techniques et humains. Quant à la direction générale des finances publiques, elle pouvait mieux appréhender le contexte économique, financier et fiscal dans lequel les entreprises agissent en bénéficiant d’une plus grande transparence de ces dernières.
Une révolution culturelle
Cette procédure, ouverte sur la base du volontariat, a concerné une trentaine d’entreprises qui se sont portées candidates en 2013 et 2014. Si elle s’inspirait d’exemples étrangers, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, ses modalités et sa portée étaient cependant plus étendues dans le cadre de l’expérimentation. Une vingtaine d’entreprises volontaires, qu’il s’agisse de PME, d’ETI ou de grands groupes, ont participé à l’expérimentation. La procédure fait d’abord l’objet à partir du mois d’octobre 2013 d’une phase test sur deux ans avec un échantillon d’entreprises de tailles et d’activités variées, implantées sur l’ensemble du territoire. Un rapport sur le bilan de cette expérimentation a été remis en septembre 2015. Compte tenu de ce bilan, l’expérimentation a été étendue aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) implantées sur l’ensemble du territoire national, dont le chiffre d’affaires n’excède pas 150 M€, afin de disposer d’une meilleure représentativité de ces entreprises dans le panel de celles participant à l’expérimentation. Cette première phase a présenté une véritable révolution culturelle pour les deux parties. Crainte d’une perte de recettes pour l’administration fiscale, méfiance à l’idée d’ouvrir ses comptes pour les entreprises… L’expérimentation a révélé un certain nombre de difficultés. Lors de la deuxième vague, la DGFIP n’a trouvé qu’une dizaine d’entreprises volontaires, un panel moins fourni que prévu. L’idée de généraliser la procédure, un temps envisagée, a été abandonnée. Pour Bercy, cette procédure, qui a mobilisé des ressources significatives au regard des enjeux fiscaux, tant de la part de l’administration que des entreprises, n’est en effet pas généralisable. Elle a cependant permis de mieux appréhender les difficultés à prendre en considération pour proposer une offre de sécurité juridique en matière fiscale mieux adaptée à certaines entreprises ou catégories d’entreprises. Pour concevoir le nouveau dispositif, Bercy doit donc tirer les enseignements de cette procédure lancée en 2013, notamment en termes de mobilisation de ressources pour les entreprises et l’administration. Elle doit veiller notamment à organiser un équilibre entre l’objectif de sécurité juridique recherché et la bonne administration d’un dispositif maîtrisé afin de pouvoir en augmenter le nombre de bénéficiaires avec toutes les garanties de qualité nécessaires.
Une offre d’accompagnement à demande
Cette offre d’accompagnement se déclencherait sur demande lorsque l’entreprise en manifesterait le besoin. Dans ce cadre, l’administration prendrait un engagement de réactivité.
Toutefois, pour assurer la notoriété de l’offre Confiance Plus, les entreprises cibles recevraient un courrier personnalisé pour leur proposer. Concrètement, la DGFiP affecterait à la mission d’accompagnement Confiance Plus des moyens dédiés sous la forme d’équipes d’experts en mesure de répondre aux interrogations des entreprises ou de trouver la réponse adaptée. En effet, si les questions soulevées supposaient une analyse de l’administration centrale, ils auraient recours à celle-ci à travers un canal prioritaire. Ces experts de haut niveau interviendraient pour sécuriser les problématiques faisant l’objet d’une demande des entreprises et accompagner les étapes-clés de leur développement ou de leurs restructurations, qu’il s’agisse d’engager une opération de croissance externe, d’envisager les modalités de désengagement d’une activité, d’une aide à une société liée, de préparer un développement à l’international nécessitant une expertise au regard des conventions fiscales… Le dispositif Confiance Plus repose sur une logique de sécurisation globale en incluant les aspects de valorisation qui ne sont pas couverts par les rescrits : comme la définition d’un prix de cession, la valorisation d’actifs au bilan par exemple. Le dialogue entre l’entreprise et l’administration fiscale permet d’échanger sur les évolutions éventuelles d’une opération et non sur un projet figé ab initio. Qu’il s’agisse de problématiques récurrentes ou résultant d’une opération exceptionnelle, elles donneraient lieu à des échanges approfondis avec l’entreprise. L’offre Confiance Plus pourrait intégrer, autant que de besoin, des visites sur place.
Une sécurité juridique accrue
Dès lors qu’elle choisirait de se conformer à la position adoptée par l’administration, qui serait opposable à cette dernière, l’entreprise serait protégée contre toute rectification relative à la problématique couverte en cas de contrôle dans la mesure où la situation de fait ou le cadre juridique ne connaisse pas d’évolution de nature à la remettre en cause. Du côté de l’entreprise, l’offre Confiance Plus supposerait un engagement de transparence à l’égard de l’administration afin de pouvoir conduire le dialogue dans les meilleures conditions et bénéficier d’une véritable garantie. Outre les points dont l’entreprise aurait demandé initialement la sécurisation de la part de la DGFiP, l’offre Confiance Plus pourrait aussi porter sur d’autres aspects dont l’importance au regard des opérations économiques ou les risques fiscaux apparaîtrait lors des travaux. De plus, la DGFiP accompagnerait l’entreprise en fonction du calendrier de celle-ci, qu’il s’agisse de la prise de décision sur une opération économique qu’elle envisagerait ou conduirait ou des échéances comptables et fiscales auxquelles elle serait soumise. Enfin, cette offre d’accompagnement Confiance Plus ne permettrait pas seulement aux entreprises de sécuriser le traitement fiscal de leur activité, mais aussi de bénéficier d’une visibilité accrue dans le cadre de la définition de leur stratégie économique. De plus, elle serait un élément de sécurité juridique pour leurs actionnaires ainsi que pour leurs partenaires : financeurs ou repreneurs par exemple.
Une consultation des entreprises et de leurs représentants
Le cadre légal de ce dispositif devrait résulter d’une ordonnance prise sur habilitation du Parlement à la suite de l’article 7 du projet de loi « pour un État au service d’une société de confiance », (ESSOC) de novembre 2018. Ce texte entend enclencher une dynamique de transformation de l’action publique en renforçant le cadre d’une relation de confiance entre le public et l’administration. Il s’adresse à tous les usagers dans leurs relations quotidiennes avec les administrations. Il prévoit un délai de neuf mois pour mettre en place la nouvelle procédure. Le délai d’habilitation de neuf mois a pour objectif de permettre de recenser les dispositions existantes à modifier ou à compléter pour définir les conditions et les modalités d’accès à une nouvelle offre de sécurité juridique pour les entreprises. Il a aussi pour but de permettre d’organiser les consultations nécessaires afin d’identifier plus précisément les bénéficiaires potentiels, dont le nombre n’est actuellement pas défini. Le dispositif envisagé fait l’objet d’une concertation avec les institutions représentatives des entreprises. Une consultation a également été organisée auprès des entreprises entre le 26 juillet et le 14 octobre 2018. La consultation lancée par Bercy a porté sur la mise en place d’une nouvelle relation de confiance entre les entreprises et l’administration fiscale ainsi que sur plusieurs autres projets destinés à mieux sécuriser les entreprises et améliorer leurs relations avec l’administration fiscale.
Un dispositif novateur de tiers de confiance
Les entreprises ont donc également été consultées sur l’examen de la conformité fiscale, une nouvelle mission que pourraient offrir les commissaires aux comptes. Les commissaires aux comptes pourraient ainsi proposer aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés un service d’audit et de validation de points fiscaux définis par l’administration : l’examen de conformité fiscale (ECF). Cette prestation serait facturée à l’entreprise par le commissaire aux comptes. Pour ce faire, un schéma d’audit serait mis au point avec la profession. Les risques déclaratifs majeurs constitueraient le socle de ce dispositif. Les points audités par le commissaire aux comptes feraient, à l’issue de la concertation, l’objet d’une liste précise et obéiraient à une méthodologie prédéfinie. À l’issue de son audit, le commissaire aux comptes remettrait à l’entreprise une attestation annuelle de conformité pour chacun des points étudiés. En cas de points litigieux, il proposerait à l’entreprise de régulariser sa situation par l’intermédiaire d’une déclaration rectificative. Si l’entreprise refusait de corriger sa situation, le commissaire aux comptes ne validerait pas le point et le mentionnerait dans son rapport, auquel l’administration fiscale aurait accès, sous une forme dématérialisée. En contrepartie de cette démarche, la responsabilité sur les points étudiés en cas de rappel ultérieur par l’administration fiscale reposerait sur le commissaire aux comptes, et non plus sur l’entreprise, sauf pour les points non régularisés par celle-ci. Les droits et les intérêts de retard seraient donc payés par le commissaire aux comptes, lequel devrait souscrire une assurance à ce titre. En revanche, sauf en cas de complicité, les pénalités éventuelles resteraient à la charge de l’entreprise. Ce dispositif devrait permettre de diminuer la fréquence des contrôles fiscaux sur les entreprises. Sauf exception, l’engagement d’un contrôle fiscal ne s’effectuerait qu’après un échange préalable avec le commissaire aux comptes ayant rédigé l’ECF. Ce n’est que dans un second temps que l’administration fiscale irait, le cas échéant, contrôler l’entreprise.
Un nouveau guichet de régularisation fiscale
Afin de faciliter les initiatives des entreprises en matière de régularisation fiscale un guichet spécifique pourrait être mis en place. Les entreprises ont été consultées sur les modalités pratiques de ce projet. Le guichet serait ouvert à une liste limitée de problématiques fiscales : l’exercice en France d’une activité non déclarée, constitutive d’un établissement stable, des opérations fictives ou à but exclusivement fiscal, impliquant des structures à l’étranger ou encore des montages concernant les entreprises listées dans la cartographie des risques fiscaux, publiée sur le site de Bercy (www.economie.gouv.fr/dgp/carte-des-pratiques-et-montages-abusifs). En outre, les nouveaux détenteurs et repreneurs d’une entreprise découvrant une anomalie fiscale et souhaitant la régulariser pourraient également s’adresser au guichet.
La démarche devrait revêtir un caractère spontané. Seraient donc exclues du dispositif les entreprises pour lesquelles un contrôle fiscal serait en cours, qui auraient reçu un avis de vérification ou qui feraient l’objet d’une procédure d’enquête administrative ou judiciaire. Dans ces cas, d’autres procédures seraient prévues, et notamment la régularisation en cours de contrôle, prévue à l’article L.62 du LPF, étendue dans le cadre du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance à tous les impôts et toutes les procédures. En pratique, les dossiers de régularisation devraient être déposés auprès du service de régularisation des entreprises au sein de la Direction des grandes entreprises (DGE) de la DGFiP. Cette dernière a pour vocation première la gestion des impôts des grandes entreprises françaises. Toutefois, afin de simplifier l’accès des entreprises à ce guichet, la DGE serait instituée point d’entrée unique de tous les contribuables de la sphère professionnelle, quelle que soit leur taille, souhaitant clarifier et régulariser leur situation fiscale. Ce dispositif assurerait en outre un traitement centralisé et homogène des demandes. Les contribuables procéderaient au dépôt de déclarations rectificatives couvrant toute la période non prescrite. Outre ces déclarations, les dossiers déposés comprendraient un écrit exposant de manière précise et circonstanciée la problématique faisant l’objet de la régularisation, accompagné de tout document probant et les justificatifs relatifs aux montants régularisés et permettant leur calcul pour s’assurer de l’exactitude des données chiffrées ainsi qu’une attestation du contribuable selon laquelle son dossier est sincère. Seuls les dossiers complets seraient instruits. Toutefois, bien entendu, en amont de la constitution du dossier complet, la DGE serait à la disposition des entreprises qui hésiteraient sur le traitement fiscal à réserver à la situation qu’elles souhaiteraient corriger. Le service de régularisation pourrait, le cas échéant, revenir vers le contribuable en cours d’instruction pour lui demander des compléments d’information. Le traitement des demandes de régularisation serait organisé dans le cadre des règles de prescription prévues par le LPF, et notamment du délai de prescription étendu, en présence d’une activité occulte. Les contribuables devraient s’acquitter du paiement intégral des impositions supplémentaires à leur charge, ou s’engager à l’acquitter selon un échelonnement convenu avec l’administration.
Ces impositions supplémentaires seraient calculées en faisant application de l’ensemble des dispositions en vigueur au titre de chacune des années concernées et dans la limite de la prescription fiscale à la date de dépôt du dossier. Le caractère spontané de la démarche serait pris en compte en modulant, par voie transactionnelle prévue à l’article L. 247 du LPF, le taux de la majoration pour manquement délibéré ou pour manœuvres frauduleuses, éventuellement applicable en fonction des circonstances, ainsi que le taux de l’intérêt de retard. Lorsque le montant de la remise transactionnelle excéderait le seuil de 200 000 € prévu à l’article R. 247-4 du LPF, la proposition de transaction serait soumise à l’avis du Comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, en application de cet article. Dans les autres cas, c’est-à-dire des rectifications d’erreurs qui n’appelleraient aucune sanction, l’intérêt de retard serait réduit de 50 %. Une fois la transaction signée et renvoyée à la DGE, le service comptable compétent émettrait un avis de mise en recouvrement de ces impositions et pénalités, telles qu’elles auraient été fixées dans la proposition de transaction signée. À réception de cet avis de mise en recouvrement, le contribuable devrait régler ces sommes dans le délai imparti. En cas de désaccord avec l’entreprise sur les conditions de régularisation, la DGFiP pourrait engager un contrôle fiscal. Conformément aux règles de droit commun, la transaction pourrait être remise en cause et déclarée caduque s’il s’avérait ultérieurement que les déclarations rectificatives et le dossier déposé n’ont pas été sincères.