Un train de mesures pour protéger l’épargne financière

Publié le 28/03/2023
Argent, économie, compte, impôts, liste, pièces
AdobeStock/Olesia_g

Le 31 janvier dernier, le Sénat a adopté en première lecture une proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants. Fonds indiciels, définition de l’arbitrage en assurance-vie, limitation des frais bancaires de successions : les nombreuses mesures sont issues des recommandations du rapport Husson Montgolfier d’octobre 2021.

Le 31 janvier dernier, les sénateurs ont adopté en première lecture la proposition de loi n° 586 (https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-586.html) tendant à renforcer la protection des épargnants, déposée sur le bureau du Sénat en mars 2022. L’initiative s’inspire du travail réalisé par la commission des finances du Sénat (voir sur le sujet le rapport d’information n° 20 (2021-2022), La protection des épargnants : payer moins et gagner plus, de Jean-François Husson et Albéric de Montgolfier, déposé le 6 octobre 2021, https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-020-notice.html). Le texte a été transmis à l’Assemblée nationale le 1er février 2023. Les 12 articles initiaux de la proposition de loi sont directement tirés des recommandations de nature législative de ce rapport. Ils ont été modifiés et complétés lors des travaux en commission par 20 amendements, dont huit portant des articles additionnels.

Compte tenu de l’inflation (+ 5,2 % en 2022) qui devient un facteur supplémentaire d’érosion de l’épargne des Français, et de la crise du pouvoir d’achat, ces recommandations sont plus que jamais d’actualité car « il est impératif de garantir aux Français un marché de l’épargne efficace et rentable », indique l’exposé des motifs de la proposition de loi.

Les spécificités françaises

La France se distingue par un taux d’épargne des ménages élevé : la Banque de France estime le surplus d’épargne financière des ménages à 175 Mds€ entre le début de l’année 2020 et la fin de l’année 2021 (Banque de France, L’impact de la crise du Covid-19 sur la situation financière des entreprises et des ménages en janvier 2022, 3 mars 2022). La majorité de cette épargne est placée sur les comptes bancaires ou sur les livrets réglementés. Or « le marché de l’épargne français se caractérise aussi par des défauts dans son fonctionnement ». Tout d’abord, la France est marquée par « une concurrence entre acteurs limitée, un nombre élevé d’intermédiaires et un faible développement de la gestion passive. Cette structuration du marché de l’épargne se traduit par un niveau de frais élevé qui pèse sur la performance servie aux épargnants ».

Pour améliorer le fonctionnement du marché de l’épargne, les auteurs de la proposition de loi entendent actionner plusieurs leviers :

  • poursuivre le plus strict encadrement de certaines catégories de commissions,

  • permettre à l’épargnant de faire un choix plus éclairé,

  • développer et adapter les produits existants aux nouvelles contraintes du marché,

  • accentuer le contrôle des acteurs du marché de l’épargne.

Encadrer les commissions et harmoniser les pratiques

Le premier objectif poursuivi par la réforme est d’encadrer plus strictement certaines catégories de commissions. « La France se situe dans la moyenne haute des pays de l’Union européenne en termes de frais dus au titre des produits d’épargne », indique les auteurs de la proposition de loi. La performance brute de ses investissements est diminuée des frais de gestion, frais de courtage, éventuelles commissions de surperformance et de mouvement, frais d’entrée et de sortie. Au point qu’un particulier commençant à épargner tôt pour sa retraite peut voir la performance de ses placements à 40 ans captée à 57 % par les frais. À 10 ans, 17 % de la performance est captée par les frais.

Le sort des commissions de mouvement

Dans ce premier chapitre, les sénateurs ont abordé la question des commissions de mouvements. L’article 1er de la proposition de loi prévoyait leur interdiction sur les opérations d’achat ou de vente dans le portefeuille de l’épargnant. D’un montant de 500 M€ au total en 2021, elles représentent une double charge pour les épargnants, puisqu’elles interviennent en sus des frais de courtage liés à la transaction. Outre leur coût elles comportent un risque inhérent de conflit d’intérêts : les gérants peuvent en effet être incités à « faire tourner » les actifs du portefeuille au-delà de ce qui est strictement nécessaire pour valoriser les actifs de l’épargnant.

Les sénateurs ont supprimé ce premier article, car depuis le dépôt de la proposition de loi, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a modifié son règlement général pour les interdire, à compter du 1er janvier 2026.

Limiter les frais bancaires de succession

La proposition de loi s’est également attaquée aux frais bancaires de succession (C. mon. fin., art. L. 312‑1‑4). Pour les petites successions sans intervention du notaire, la clôture d’un compte inférieur à 5 000 € devra être effectuée sans frais. Au-delà de ce seuil, la clôture des comptes du défunt ne peut pas donner lieu à un prélèvement de frais supérieur à 1 % du montant total des sommes détenues par l’établissement. Un plafond supplémentaire devra être fixé par arrêté. Sur ce sujet, le gouvernement préférait procéder par la négociation et visait obtenir un accord de place prévoyant que le plafonnement des frais soit inférieur à 1 %.

Un cadre légal pour l’arbitrage en assurance-vie

En matière d’assurance-vie, le législateur entend opérer un rapprochement réglementaire entre les produits assurantiels et les autres produits financiers et limiter l’hétérogénéité des pratiques professionnelles, « susceptibles d’entraîner des risques pour les clients ». À cette fin, il a adopté une définition spécifique de l’arbitrage : « l’opération consistant à modifier la répartition des droits exprimés en euros, des droits exprimés en unités de compte et des droits exprimés en parts de provision de diversification, au cours de la durée d’un contrat ou d’une adhésion, à la demande du souscripteur ou de l’adhérent et dès lors que cette faculté est prévue par ce contrat ». Le texte définit également les conditions d’accès, les modalités de conclusion du mandat, les obligations des mandataires envers les mandants. Surtout, il interdit la perception de commissions de mouvement par les mandataires.

Proposer des fonds indiciels

Le deuxième objectif de la proposition de loi est de renforcer la transparence sur la performance nette des produits afin que les épargnants aient la possibilité de choisir les produits les plus rentables, adaptés à leurs besoins et à leur profil. À cette fin, l’article 3 impose aux distributeurs d’assurance-vie et aux gestionnaires de PER de présenter, lors de la souscription d’un contrat ou d’un plan, les fonds indiciels cotés bas coûts disponibles à la souscription. Pour laisser le temps aux distributeurs de s’adapter à cette exigence que pour encourager au développement de fonds indiciels en France et en Europe cette obligation entrera en vigueur à partir de 2025. Ces fonds en gestion passive sont rarement présentés par les intermédiaires alors qu’ils offrent un niveau de frais moins élevé que les fonds en gestion active et donc une performance nette en moyenne égale ou supérieure.

Par ailleurs, le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) sera chargé de suivre l’évolution des tarifs des entreprises d’assurance, afin que les épargnants puissent disposer d’une information accessible et compréhensible du « coût complet » de l’assurance-vie. Il imposera également la communication à l’épargnant de l’évolution de la valeur des unités de comptes et des différents frais de son contrat sur une base pluriannuelle. Sa mission s’étendra aussi aux PEA et PEA-PME.

La conformité du financement participatif

La proposition de loi (article 12) impose à tous les acteurs du financement participatif les mêmes exigences au regard de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Il étend le dispositif aux prestataires intervenant dans des projets de financement participatif portant sur des parts sociales, les seuls non couverts par de telles obligations déclaratives.

En revanche, le projet de confier à l’organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias) le contrôle de l’honorabilité des dirigeants et des salariés des intermédiaires immatriculés auprès de ce registre a été supprimé. À l’heure actuelle, l’Orias ne dispose pas des moyens nécessaires pour mener cette mission, confiée aux associations professionnelles agrées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Toutefois, pour que ce modèle fonctionne et pour écarter toute suspicion de complaisance, il convient de s’assurer que ces associations remplissent correctement leurs missions, en étant régulièrement contrôlées en ce sens par l’ACPR.

Plan