Une seconde loi de finances rectificative pour 2020 a été adoptée en urgence

Publié le 11/05/2020

Le Parlement a adopté une seconde loi de finances rectificative pour 2020 selon la procédure d’urgence. Exonération des aides versées par le fonds de solidarité, exonération des heures supplémentaires, déductibilité des abandons de loyers, relèvement de l’amendement « Coluche », etc. : la loi met en place une série de mesures de soutien.

Un mois après une première loi de finances rectificative pour 2020, le gouvernement a fait adopter un second budget rectificatif en urgence. Votée le 23 avril, la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 (LFR 2020-II) prévoit de nouvelles mesures de soutien fiscal, destinées aux entreprises et aux salariés (JO, 26 avr. 2020).

Salariés : exonération des heures supplémentaires

L’article 4 de la LFR 2020-II étend le champ l’exonération d’impôt sur le revenu des heures supplémentaires prévue à l’article 81 quater du Code général des impôts (CGI), aux heures supplémentaires effectuées depuis le premier jour du confinement (16 mars) et le dernier jour de l’état d’urgence sanitaire, et ce, dans la limite de 7 500 euros. Depuis le 1er janvier 2019, les rémunérations des heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale de travail, des heures complémentaires des salariés à temps partiel et de la majoration de rémunération versée aux salariés en forfait jours en contrepartie du rachat de leurs jours de repos, ouvrent droit à une exonération d’impôt sur le revenu. La limite est de 7 500 euros pour la rémunération des heures réalisées pendant la période d’urgence sanitaire, le plafond de 5 000 euros demeure applicable aux rémunérations des heures travaillées hors de la période d’état d’urgence.

Agents publics : exonération des primes exceptionnelles

La loi prévoit l’exonération d’impôt sur le revenu et de toutes cotisations sociales (art. 11) des primes exceptionnelles versées aux agents publics à particulièrement mobilisés pendant l’état d’urgence sanitaire. Il s’agit tout d’abord de la prime versée au personnel des services de santé directement confrontés à l’épidémie de Covid-19, dont le montant varie selon le degré d’exposition : 1 500 euros pour les personnels des hôpitaux des départements les plus touchés, et des services ayant accueilli des patients Covid-19 dans les départements les moins touchés, 500 euros pour les autres soignants. Sont également concernées par ce dispositif les primes exceptionnelles, qui iront jusqu’à 1 000 euros, versées aux fonctionnaires qui font face à un surcroît important de travail, notamment dans le cadre des plans de continuité d’activité pendant la période d’état d’urgence sanitaire.

Relèvement de la réduction d’impôt dite de l’ « amendement Coluche »

L’article 14 de la loi donne un coup de pouce aux particuliers domiciliés en France qui effectuent des dons aux personnes en difficultés. En principe, les dons ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu égal à 66 % de leur montant, dans la limite de 20 % du revenu imposable (CGI, art. 200, 1), lorsqu’ils sont versés à des organismes relevant de la liste légale (fondation, ou associations reconnues d’utilité publique, établissements d’enseignement supérieur, œuvres ou d’organismes d’intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, etc.). Par exception, le taux de la réduction d’impôt est porté à 75 % pour les versements effectués au profit d’organismes sans but lucratif qui procèdent à la fourniture gratuite de repas à des personnes en difficulté, qui contribuent à favoriser leur logement ou qui procèdent, à titre principal, à la fourniture gratuite des soins à des personnes en difficulté (le dispositif est appelé « amendement Coluche » car il a été conçu pour prendre en compte les dons effectués aux Restos du cœur). En principe, ces versements sont retenus dans la limite de 537 euros. Par dérogation, pour l’imposition des revenus de l’année 2020, ces versements sont retenus dans la limite de 1 000 euros (CGI, art. 200, 1 ter).

Une seconde loi de finances rectificative pour 2020 a été adoptée en urgence
Tatjana Balzer / AdobStock

Entreprises : neutralité fiscale et sociale des aides versées par le fonds de solidarité

L’article 1er de la LFR 2020-II met en place la neutralité fiscale et sociale des aides versées aux entreprises sévèrement touchées par la crise. Pour mémoire, un fonds de solidarité destiné à soutenir les TPE, les agriculteurs, les travailleurs indépendants et les professions libérales touchés par la crise sanitaire a été mis en place par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020. Il permet l’octroi d’une aide principale de 1 500 euros et d’une aide complémentaire de 2 000 euros, qui peut aller jusqu’à 5 000 euros pour les entreprises les plus en difficultés.

Les aides ne sont donc pas prises en compte dans la détermination du bénéfice imposable ni assujetties à toutes les contributions et cotisations sociales. De plus, le montant de l’aide perçue n’est pas pris en compte dans l’appréciation des seuils conditionnant l’application d’un régime simplifié d’imposition et des obligations comptables et déclaratives allégées qu’ils autorisent. Il s’agit :

  • des régimes semi-forfaitaires d’imposition, dits « micro », prévus aux articles 50-0 (BIC), 69 (BA) et 102 ter (BNC) du CGI ;

  • des obligations comptables et déclaratives allégées appliquées à certains régimes simplifiés d’imposition et prévues aux articles 69 (BA) et 302 septies A bis (BIC) du CGI ;

  • de l’exonération totale ou partielle des plus-values réalisées dans le cadre d’une activité agricole, artisanale, commerciale, industrielle ou libérale en application de l’article 151 septies du CGI.

Déductibilité fiscale des abandons de créances de loyers

L’article 3 modifie le CGI pour permettre la déductibilité fiscale des abandons de créances relatives aux abandons et renonciations de loyers, consentis par les bailleurs aux entreprises, entre le 15 avril 2020 et le 31 décembre 2020. Le dispositif a pour but d’inciter les bailleurs à renoncer aux loyers à percevoir pour permettre aux entreprises locataires de contenir leur endettement.

À cette fin, la loi introduit donc un nouveau cas dérogatoire de déductibilité d’abandons de créances, au profit de bailleurs consentant aux entreprises locataires une remise ou une annulation de loyers, sans exiger que l’entreprise bénéficiaire ne fasse l’objet d’une procédure collective comme le prévoit le droit commun (CGI, art. 39, 1, 9°).

Cette possibilité est offerte aux bailleurs et aux personnes relevant des bénéfices non commerciaux (BNC), notamment pour viser les situations de sous-location, et sous réserve toutefois que l’élément de revenu correspondant soit en temps normal pris en compte dans le calcul du bénéfice imposable (CGI, art. 93). Les loyers ayant fait l’objet d’un abandon ne constituent pas une recette imposable de la personne qui les consent au titre des bénéfices non commerciaux, tout en permettant de déduire les charges correspondant aux loyers abandonnés (CGI, art. 92 B nouveau). Ces créances abandonnées ne constituent pas, pour l’entreprise qui les consent, un revenu imposable ; de plus la déduction, par le bailleur, des charges correspondant aux loyers ayant fait l’objet d’un abandon restent toutefois possibles (CGI, art. 14 B).

En outre, la loi a fixé deux limites pour éviter des transferts intragroupes ou intrafamiliaux. Ainsi, si l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant ou un membre du foyer fiscal du bailleur, le bailleur doit justifier de difficultés de trésorerie nécessitant l’abandon ou la remise de loyers. Si le bailleur est une entreprise commerciale, le régime dérogatoire ne peut s’appliquer que s’il existe un lien de dépendance avec l’entreprise locataire.

Enfin, les entreprises locataires, pourront prendre en compte l’abandon de créances dont elles bénéficient dans le plafond d’imputation des déficits fiscaux antérieurs d’1 million d’euros, qui se trouve majoré à hauteur du montant des aides et abandons de créances reçus (CGI, art. 209).

Agriculteurs : déblocage de l’épargne de précaution

Les agriculteurs bénéficient d’une mesure destinée à favoriser leur trésorerie. L’article 7 de la loi met en place une dérogation aux conditions d’emploi des sommes épargnées au titre de la déduction pour aléas (DPA), en les plaçant sous le régime d’emploi plus souple de la déduction pour épargne de précaution (DPE).

Pour mémoire, l’article 51 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 a institué le mécanisme de déduction pour épargne de précaution (DPE), abrogeant, à compter du 1er janvier 2019, la possibilité pour les exploitants agricoles de pratiquer, sur leur revenu imposable selon un régime réel d’imposition, une déduction pour aléas (DPA), en vertu de l’article 72 D bis du CGI.

La DPA était subordonnée à la constitution d’une épargne professionnelle ; la condition était réputée remplie dès lors qu’une somme comprise entre 50 et 100 % de la déduction était inscrite sur un compte d’affectation ouvert auprès d’un établissement financier. Bien que le dispositif ait été abrogé, il demeure des fonds d’épargne constitués dans le cadre de l’ancien régime de la DPA inscrits dans les livres des établissements bancaires. Ils restent fiscalement au régime de l’article 72 D bis du CGI. La loi de finances rectificative prévoit que l’épargne acquise au titre de la DPA et non utilisée puisse être débloquée dans les conditions du dispositif de la DEP jusqu’en mars 2021.

Et aussi, l’article 12 de la loi prolonge la durée de validité des timbres dématérialisés prévue à l’article 900 du CGI, de 6 à 12 mois ; les articles 5 et 6 prévoient l’application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux masques de protection adaptés à la lutte contre la propagation du virus Covid‑19 et aux gels hydroalcooliques.

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