Usufruitier et nu-propriétaire : évolution IFI et droits de vote, changements en vue

Publié le 25/04/2018

Alors que la loi de finances pour 2018 modifie la répartition de l’impôt sur la fortune immobilière entre nu-propriétaire et usufruitier d’un bien immobilier, une proposition de loi adoptée par le Sénat propose de clarifier celle des droits de vote attachés aux titres démembrés.

En remplaçant l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), la loi de finances pour 2018 a quelque peu modifié la répartition de l’impôt patrimonial entre le nu-propriétaire et l’usufruitier.

IFI : une nouvelle répartition de l’impôt patrimonial

Le principe général reste celui de l’imposition de l’usufruitier sur la valeur en pleine propriété (CGI, art. 968). Néanmoins, un aménagement à cette règle d’assiette a été apporté, qui repose sur l’origine du démembrement. Ainsi, en présence de l’usufruit légal du conjoint survivant, l’IFI est désormais réparti entre nu-propriétaire et usufruitier. Rappelons qu’en présence de descendants et en l’absence de dispositions testamentaires en sa faveur, la loi donne une option au conjoint survivant : il peut choisir entre un quart en pleine propriété ou l’usufruit de la totalité des biens figurant dans la succession de son conjoint défunt (C. civ., art. 757).

Dans ce cas, la loi de finances pour 2018 a prévu que l’usufruitier ne soit imposé que sur la valeur de son usufruit déterminé en application du barème de l’article 669 du CGI (barème en fonction de l’âge de l’usufruitier). Le ou les nus-propriétaires sont alors redevables de l’IFI sur la valeur de leur nue-propriété, alors qu’ils ne l’étaient pas en ISF.

L’option pour la totalité de l’usufruit est répandue.

Dès lors, au moment de la déclaration d’IFI 2018, les familles devront tenir compte de ces nouvelles règles. En cas d’héritage, les enfants nus-propriétaires et le conjoint survivant usufruitier devront déclarer la valeur respective de leurs droits sur le bien immobilier, s’ils atteignent le seuil de taxation de 1,3 million d’euros.

Au contraire, lorsque le démembrement résulte d’une disposition testamentaire ou d’une donation entre époux (C. civ., art. 1094-1), autrement dit de la volonté des parties, l’usufruitier est redevable de l’IFI sur la valeur des biens en pleine propriété.

Vers une nouvelle répartition des droits de vote ?

Une proposition de loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, déposée en 2014 au Sénat, vient d’être adoptée par la chambre haute et transmise à l’Assemblée nationale (n° 759). Elle prévoit notamment de clarifier la répartition de droits de vote attachés aux droits sociaux. L’actuel article 1844 du Code civil prévoit que : « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (…). Si une part est grevée d’un usufruit, le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Les statuts peuvent déroger aux dispositions des deux alinéas qui précèdent ».

Dans les sociétés par actions (SA), la règle est différente : elle prévoit que l’usufruitier vote dans les assemblées générales ordinaires et le nu-propriétaire dans les assemblées générales extraordinaires, peu important l’objet de la décision à prendre en assemblée.

La dérogation que les statuts peuvent apporter à la répartition légale, qui permet donc une répartition conventionnelle, a été délimitée au gré de la jurisprudence de la Cour de cassation. Celle-ci a d’abord affirmé que les statuts ne pouvaient priver le nu-propriétaire de son droit de participer aux assemblées et de son droit de vote, en se fondant sur le droit de tout associé de participer aux décisions collectives qui figure à l’article 1844 du Code civil (Cass. com., 4 janv. 1994). Autrement dit, bien qu’il ne vote pas, le nu-propriétaire doit être convoqué aux assemblées et doit être informé comme le titulaire du droit de vote.

D’ailleurs, la question de la qualité d’associé se pose toujours. Si le débat doctrinal n’est pas tranché, la Cour de cassation semble reconnaître au nu-propriétaire la qualité d’associé (Cass. com., 4 janv. 1994, n° 91-20256) et la nier à l’usufruitier (Cass. civ. 3e, 29 nov. 2006, n° 05-17009) : « En toute hypothèse, l’usufruitier peut exercer certaines prérogatives attachées à la qualité des associés sans pour autant avoir cette qualité ».

À l’inverse, la Cour de cassation a précisé que l’usufruitier ne pouvait être privé de la possibilité de voter sur l’affectation des bénéfices. Même si cette possibilité est expressément prévu par l’article 1844, la Cour de cassation a considéré que laisser ainsi aux nus-propriétaires la possibilité d’user de la chose grevée d’un usufruit et d’en percevoir les fruits était contraire à l’article 578 du Code civil, lequel accorde à l’usufruitier le droit « de jouir des choses dont un autre a la propriété » (Cass. com., 31 mars 2004, n° 03-16694). Les statuts ne peuvent donc réserver entièrement l’exercice du droit de vote ni au nu-propriétaire, ni à l’usufruitier.

Sécuriser la pratique

Pour mettre fin au contentieux et sécuriser la pratique, l’article 6 de la proposition de loi tend à clarifier le régime des droits respectifs de l’usufruitier et du nu-propriétaire de parts sociales : « si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux délibérations. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier, et sauf dans les cas où le nu-propriétaire a délégué son droit de vote à l’usufruitier. »

Il conforte deux principes observés dans la pratique. En premier lieu, il prévoit la possibilité pour le nu-propriétaire et l’usufruitier de participer aux délibérations. « Quel que soit le titulaire du droit de vote pour les décisions collectives des associés, le nu-propriétaire comme l’usufruitier pourront échanger lors des débats précédant ces décisions, et éventuellement influencer ces dernières », indique le rapporteur du Sénat, André Reichardt, au nom de la commission des lois (en juin 2016).

D’autre part, l’article prévoit la faculté pour le nu-propriétaire de déléguer ses pouvoirs à l’usufruitier. Cette délégation est courante dans la pratique, cette dernière précision semble utile pour la sécurité juridique des décisions collectives des sociétés prises avec de telles délégations.

Enfin, la commission des lois a adopté un amendement tendant à ne pas permettre aux statuts de la société de déroger à la faculté pour le nu-propriétaire et l’usufruitier de participer aux délibérations. L’amendement a été adopté par les sénateurs et le texte a été transmis à l’Assemblée nationale.

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