CA de Versailles : « La délinquance en lien avec les JO de Paris 2024 a été « modérée » mais l’activité des juridictions est restée « très soutenue »»

Publié le 16/10/2024

Les juridictions de la cour d’appel de Versailles ont traversé l’été en mode olympique avec une organisation renforcée. Une stratégie spécifique aux Jeux olympiques de Paris 2024 avec un bilan positif. Malgré « une délinquance modérée », l’activité des tribunaux de Pontoise, Nanterre et Versailles est restée soutenue durant cette période. Pourtant, la rentrée s’est effectuée dans un contexte sans réelle visibilité quant aux moyens qui doivent être alloués à la cour d’appel de Versailles comme le prévoit la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice. Le premier président de la cour d’appel de Versailles, Jean-François Beynel, et le procureur général, Marc Cimamonti reviennent en détail sur l’activité du ressort de la cour d’appel de Versailles durant les JO de Paris avant d’évoquer la situation complexe de la rentrée 2024. Entretien.

Actu-Juridique : Comment les juridictions du ressort de la cour d’appel de Versailles ont-elles traversé la période estivale particulière de l’année 2024 ?

Marc Cimamonti : Les tribunaux de Pontoise, Nanterre et Versailles ont mis en place une organisation, portée par les chefs de cour, reposant sur un renforcement des structures et réfléchie depuis novembre 2023 : l’approche centrale a été, au vu notamment des RETEX du traitement des violences urbaines de l’été 2023, de renforcer les services pénaux d’urgence. Le traitement en temps réel des parquets a été notablement renforcé en magistrats du ministère public et en fonctionnaires. Les audiences de comparutions immédiates ont été soit doublées (Versailles et Pontoise) soit triplées (Nanterre). Les permanences des juges d’instruction (JI), des enfants (JE) et des libertés (JLD) ont également été doublées.

Jean-François Beynel : La délinquance en lien avec les Jeux olympiques de Paris 2024 a été « modérée » mais l’activité des juridictions est restée « très soutenue » dans le ressort de la cour d’appel de Versailles. Il n’y a pas eu de déferlante Jeux olympiques mais une très forte mobilisation des effectifs concernés pendant la période, habituellement de plus basse intensité à l’occasion des vacances judiciaires. En plus des effectifs en période estivale, 50 magistrats du siège et du parquet, 85 greffiers, 110 avocats et 150 experts étaient mobilisés.

AJ : Quel bilan faites-vous de l’activité judiciaire durant la période des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 ?

Marc Cimamonti : Comme pour les autres ressorts de cour d’appel concernés, la grande majorité des faits délictueux directement liés aux JO a concerné les infractions concernant des troubles à l’ordre public et visant des personnes exerçant une « mission d’intérêt public », essentiellement des forces de l’ordre. Entre le 24 juillet et le 14 août, 46 gardes à vue ont été menées en lien avec les compétitions dans le ressort de la cour d’appel. Parmi ces 46 personnes, 26 d’entre elles ont fait l’objet de poursuites pénales dont 9 en comparution immédiate. Deux autres ont bénéficié de mesures alternatives aux poursuites.

Jean-François Beynel : Par ailleurs, en dehors des infractions liées aux JO, les juridictions ont connu une activité élevée et soutenue. Cette effervescence est liée au fait de la mobilisation exceptionnelle, durant l’été, des forces de l’ordre et notamment des enquêteurs qui ont pu utiliser ce moment-là pour faire avancer des procédures en cours.

AJ : Constatez-vous une différence entre le ressort du TJ de Versailles où il y avait plusieurs sites olympiques avec les autres juridictions ?

Jean-François Beynel : Aucune spécificité. Les constats entre les cours d’appel de Paris et Versailles sont convergents. Permettez-moi de rappeler que les risques d’atteinte à l’ordre public et la délinquance, qui était attendue de manière spécifique lors des JO, ne sont pas liés à la présence des lieux de compétition, alors que l’Île-de-France est une unité démographique forte et que la fluidité des déplacements va au-delà des limites administratives et des lieux de compétition surtout en période estivale. Soyons fiers de ce qui a été fait !

AJ : Avec une activité plus ou moins importante durant l’été, les juridictions ont-elles pu en profiter pour réduire leur stock d’affaires en attente de jugement ?

Marc Cimamonti : Oui, des actions spécifiques ont été mises en place, grâce notamment aux moyens alloués, dans toutes les juridictions. Ces actions ont débuté en amont des JO et avaient pour objectif de soulager les tribunaux. On peut citer l’exemple du déstockage de 600 dossiers en attente de jugement en matière correctionnelle à Nanterre, ou des actions d’anticipation des audiences sur Versailles et Pontoise.

AJ : À ce propos, quelle est la situation générale des juridictions du ressort de la cour d’appel de Versailles en cette rentrée 2024 ?

Jean-François Beynel : La situation est saine en matière civile, où l’on note une diminution des délais en matière familiale dans les tribunaux et de manière générale à la cour d’appel. La matière pénale demeure un sujet préoccupant avec l’engorgement des assises et des cours criminelles départementales, qui ne sont plus, au regard des dossiers, en capacité de juger dans des délais raisonnables les affaires. Nous comptons nous saisir de ce dossier à bras-le-corps avec le procureur général et trouver des solutions.

AJ : Quels nouveaux moyens, notamment en termes d’effectif, viennent d’être attribués lors de cette rentrée 2024 à la cour d’appel de Versailles et dans chaque juridiction ?

Marc Cimamonti : En l’état, les effectifs budgétaires des magistrats et fonctionnaires des juridictions de la cour d’appel de Versailles sont invariés par rapport à 2022. Nous comptons sur la mise en place du plan d’action voulu par le gouvernement et le Parlement qui doit conduire, pour le ressort de la cour d’appel, à la création de 74 postes de magistrats, 54 postes de juristes assistants et 85 postes de fonctionnaires supplémentaires d’ici 2027. La première allocation donnera lieu à des discussions avec la Chancellerie dans le courant de l’automne mais pour le moment nous n’avons aucune visibilité et nous ne sommes pas sans inquiétude dans le contexte des importantes tensions sur les finances publiques et de la situation politique.

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