Lectures d'ici et d'ailleurs

La fin du droit

Publié le 16/01/2020

D. McIlroy, The End of Law – How Law’s Claims Relate to Law’s Aims, Elgar Publishing, 2019, 189 p.

Cet essai publié dans la collection « Elgar Studies in Legal Theory » a pour auteur David Mcllroy, Barrister et professeur invité au Centre for Commercial Law Studies (CCLS) à la célèbre Queen Mary University of London.

En dépit de sa forte dimension théorique, l’ouvrage, de taille raisonnable, plonge le lecteur dans une analyse accessible et ample de la finalité de justice (c’est ainsi qu’il faut comprendre le mot « End » dans le titre) du droit.

Mettant en scène le personnage d’Augustine, pétrie de la pensée de Saint-Augustin et figure messagère de la transmission de l’école de droit naturel de la Grèce antique et d’Israël en Occident, ce travail s’efforce de répondre à deux interrogations principales. Quelle est la différence entre un royaume et une bande de voleurs ? Est-ce qu’une loi injuste est encore une loi ?

Par un échange imaginaire avec Augustine, l’auteur entend livrer une analyse critique de la réception contemporaine du droit naturel et en propose sa lecture postmoderne.

Le travail commence par l’impossibilité de définir le droit sans référence aucune à la justice. Le droit s’inscrit de manière immuable dans une triple quête d’autorité, de justice matérielle et d’allégeance.

Il précise ensuite les significations qui peuvent être données aux termes « droit » et « justice » et les relations qu’ils sont susceptibles d’entretenir.

La question de la violence est par ailleurs traitée : le droit contre la violence et la violence du droit.

L’auteur se tourne alors vers une lecture positiviste du droit centrée sur les règles. Il décrit la possibilité pour elles de faire abstraction de tout idéal de justice, chaque fois notamment qu’elles concentrent leurs forces sur la construction de la seule liberté individuelle.

Cette justice superficielle (shallow justice) est distinguée d’une justice profonde (deep justice) qui cherche à provoquer des phénomènes d’obéissance volontaire autour d’une conception partagée du droit, doté d’une force plus grande que celle qui peut être escomptée par la seule menace de la contrainte.

Pour asseoir cette conception partagée, la tentation est grande de définir les ressorts d’un bien-être commun objectivable. C’est ici qu’interviennent les formes les plus contemporaines du droit naturel (utilitarisme et doctrine des droits humains).

Et l’auteur de revenir au point central de son travail : le droit comme recherche d’une véritable justice (true justice) qu’aucune définition du droit n’est capable d’assimiler totalement.

Pour essayer de surmonter l’obstacle, l’auteur propose une lecture renouvelée du droit naturel. Puisque le droit n’est pas nécessairement justice, il faut revenir à un jeu dialectique entre droit et justice. Pour cela, il faut abandonner l’idée que le droit puisse capturer une forme quelconque de justice (superficielle, profonde ou véritable pour reprendre la triple distinction de l’auteur). Il faut renouer avec une lecture anthropologique du droit (référence étant faite ici aux travaux d’Alain Supiot sur l’homo juridicus). La quête de sens en termes de justice est une quête profondément humaine. Elle est dans notre nature, tout comme la violence ou les questionnements (particulièrement prégnants chez l’auteur) d’ordre spirituel sur l’existence divine.

On peut dire qu’une telle œuvre vient à son heure. Une approche purement scientifique du droit nous a laissé croire pendant des décennies que l’on devait faire la totale économie de cette quête, compte tenu notamment de toutes les dérives auxquelles elle a pu ou peut encore aujourd’hui conduire.

Une approche philosophique ou encore, comme ici, théologique du droit montre que d’autres analyses sont encore possibles.

Et c’est le grand mérite de ce livre que d’offrir un des chemins pour y parvenir dans le monde qui est le nôtre aujourd’hui.

X